« Pendant toute ma carrière, j’ai essayé de dessiner le plus simple possible en essayant d’attraper la vie » expliquait le dessinateur Stanislas dans le débat sur la Ligne claire. Le propos pourrait s’appliquer à la création de BD toute entière dont les festivaliers ont pu découvrir, pendant le temps d’un week-end, au travers de quelque 22 rencontres, toute la richesse et la diversité de sa production actuelle, tant du côté des acteurs de la bande dessinée, les auteurs comme les éditeurs (onze ont été présents sur scène cette année), que des personnalités comme l’historien Henry Rousso dont la bande dessinée était « une passion de jeunesse », le comédien et scénariste Bruno Gaccio qui fut le beau-fils du Professeur Choron, l’avocat médiatique Emmanuel Pierrat, le romancier Michel Bussi qui rencontra au salon Jean Van Hamme, une de ses idoles et dont mes œuvres sont adaptées en BD ou encore le magistrat Marc Trevidic et le politologue Mohamed Sifaoui, scénaristes de BD à leurs heures, qui, dialoguant sur la scène avec les plus grands auteurs de BD du moment ont pu exprimer leur connaissance du 9e art, non seulement pour ses qualités intrinsèques mais aussi pour ce qu’elle porte de sens dans un monde comme le nôtre, en perpétuelle (r-)évolution.
On a évoqué le passé, avec Peter Van Dongen , le dessinateur du dernier Blake et Mortimer, expliquant que l’aspect « vintage » qui caractérise la Ligne claire aujourd’hui était d’abord une demande des éditeurs : « Hergé et Jacobs ne dessinaient pas le passé, ils dessinaient leur époque fait-il remarquer. Jacobs, les années 1970 par exemple. Par contre, depuis le décès de l’auteur de Blake & Mortimer et la reprise par d’autres auteurs, les histoires se situent plutôt dans les années 1950. »
On a évoqué le présent avec la censure insidieuse : « Nous sommes face à des directeurs généraux, des directeurs de programme qui sont libres et dont la liberté est de suivre les injonctions des actionnaires et de ne rien critiquer du tout... » souligne Bruno Gaccio. Et un futur qui s’inquiète de la façon dont nous fabriquons nous-mêmes nos aliénations stéréotypiques : « C’est nous qui faisons des criminels des stars, constate le juge anti-terroriste Marc Trevidic : les Oussama, etc., qui sont parfois des has been complets, honnêtement. Il nous faut une figure pour symboliser le terrorisme… »
Ces stéréotypes qui avaient été au cœur du débat quasiment en introduction de ces journées : « Pendant des années, la bande dessinée était réalisée par des hommes qui, quand ils devaient dessiner une femme, leur donnaient à peu près la forme d’une contrebasse. Comment peut-on se débarrasser de ces stéréotypes alors que pour apprendre à dessiner, nous sommes presque tous autodidactes ? » interrogeait Wilfrid Lupano.
Telle a été la tonalité de ces journées où l’affluence a été au maximum en dépit d’une fréquentation affectée, le week-end surtout, par les manifestations des Gilets jaunes à Paris. Pour ceux qui n’ont pu venir, nous vous livrerons des verbatims un peu plus complets dans les prochaines semaines, soit sous la forme de retranscriptions, soit sous la forme de podcasts.
(par Vincent SAVI)
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Photos : L’agence BD.
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