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Marché de la Bande Dessinée : la guerre des prix

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 13 mars 2023                      Lien  
On le voit d’année en année : les mangas prennent une place de plus en plus grandissante sur le marché. Circonstance aggravante : auprès des jeunes. Surtout en raison du prix, dit-on : un manga se vend à 7 euros et un Astérix à 10 euros, une BD classique à 12… Mais ce que l’on voit arriver de plus en plus, ce sont les promotions à prix cassés dans les supermarchés : à 1, à 3, à 5 euros. Est-ce pour reconquérir un public voué désormais aux mangas ou pour lutter contre la vie chère ? La question se pose…

« C’est un vrai sujet » nous dit un libraire. Certes, celui-ci se prépare au lancement des 48hBD (du 31 mars et le 1er avril. ) et se destine à offrir une sélection d’ouvrages, 12 BD et mangas à... 3 euros pièce (au début ils étaient gratuits, puis passés à 1€ pour enfin tripler la mise), une grosse machine promotionnelle destinée à faire revenir -espère-t-on- les acheteurs en librairie une fois le printemps venu : 500 animations, 300 auteurs, des interventions dans les écoles, dans les médiathèques, les festivals, et chez plus de 1700 libraires. «  Le vendredi soir, tout est parti, nous dit l’un d’eux. Cela fait venir des gens qui ne poussent pas habituellement la porte de la librairie. »

On a beaucoup glosé sur le succès des mangas, sur le « coup de pouce » du Pass Culture qui a fait exploser les ventes ces deux dernières années. Cette année encore, même si le début d’année fait grise mine, les libraires ne sont pas inquiets, surtout avec un Astérix à la rentrée : ils feront leur chiffre.

Le retour de la grande distribution

Mais iI y a un truc qui les rend nerveux : c’est la multiplication des opérations commerciales à petits prix dans les grandes surfaces. Ainsi, cette semaine dans une grande enseigne, on peut découvrir des palettes de manga d’un grand éditeur comme Pika à 3 euros l’unité. Souvent les éditeurs font ces promotions en début de cycle : un numéro 2 donné gratuitement avec le numéro 1, les premiers ouvrages aussi sont offerts à prix cassés, comme dans ces collections de classiques de la BD (Les Tuniques bleues, Alix,…) vendues en kiosque.

Marché de la Bande Dessinée : la guerre des prix
Des mangas à 3€ ;..

« Cela consiste à recruter de nouveaux lecteurs que l’on tente de fidéliser ensuite…  » nous dit-on. Voire. Car si, désormais, le format poche permet d’offrir une deuxième vie aux titres comme récemment chez Casterman par exemple. Dix euros chez Caster (pas mal pour un Corto Maltese ou un Silence), mais entre 5 et 10€ chez Urban Comics qui tente de mettre V pour Vendetta d’Alan Moore et David Lloyd ou encore les classiques de Batman, dans le plus de mains possible. Panini, avec ses superhéros Marvel, depuis plusieurs saisons maintenant, offre des comics à moins de 3 euros…

Une seconde vie pour le livre : le format poche

Ce qui interpelle en revanche, c’est de voir des Boule & Bill, des Spirou, des Tuniques bleues, à... 4,99€ ! « Ce sont sans doute des opérations spéciales faites avec des tirages spécifiques avec un code-barre différent, analyse un libraire, mais que doit penser un acheteur qui achète à 5 euros un Lucky Luke en grande surface et qui vient acheter la suite à 12€ dans nos librairies ? On passe pour des voleurs, c’est une façon déguisée de contourner la Loi Lang sur le Prix unique du livre !  »
vocifère-t-il. Le sujet est sur la table au Syndicat National de la Librairie nous dit-on.

Des grands classiques de Dupuis (mais aussi de Bamboo) à 4,99€

Il y a pire, nous dit le même libraire : il y a le groupe Bamboo (Grand Angle, Fluide Glacial…) qui a proposé un million de BD vendues à… un euro ! « Sans code barre » pour éviter qu’ils reviennent dans les retours des libraires.

Alors que les hausses de prix galopent et que la grande distribution communique énormément sur ses « paniers anti-inflation », le marché de la BD est en train de vivre une sorte de séisme. Quelle répercussion sur le réseau des libraires, alors que l’année 2022 a marqué un record d’ouvertures de nouveaux points de vente ? Quelle répercussion auprès des jeunes lecteurs ? Cela les intéressera autant que les mangas ? La question reste ouverte.

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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15 Messages :
  • Marché de la Bande Dessinée : la guerre des prix
    13 mars 2023 17:26, par Auteur en action

    Et les auteurs ne reçoivent quasiment rien sur ses ventes là. 6 ou 8 ou 10% d’un livre à 1 euro ou 3€, ça ne permet pas d’en vivre du tout.

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    • Répondu par Lecteur en action le 13 mars 2023 à  18:35 :

      Il s’agit d’opérations publicitaires, destinées à faire découvrir des titres à prix sympa !

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      • Répondu par Auteur en action le 13 mars 2023 à  20:46 :

        Il s’agit de livres neufs écrits et dessinés par des auteurs qui sont vendus au public. Donc travail, donc droits d’auteurs, donc unique moyen de gagner sa vie pour les auteurs.

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        • Répondu le 14 mars 2023 à  00:52 :

          Ce ne sont que des rééditions de best-sellers à petit prix. Les auteurs de ces livres ont déjà gagné pas mal de droits d’auteur avec et ça ne fait que s’ajouter. De plus ça peut élargir leur public et relancer leurs séries ou autres productions. C’est de la promo destinée au grand public, rien de plus révolutionnaire que le livre de poche en son temps.

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      • Répondu le 13 mars 2023 à  21:45 :

        « un manga se vend à 7 euros et un Astérix à 10 euros, une BD classique à 12 » je ne sais pas où vous achetez vos BD, mais moi je paye les mangas presque 9 euros, et un album « classique » presque 15. Le roman classique évolue lui entre 22 et plus de 30 euros.

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    • Répondu le 13 mars 2023 à  21:49 :

      Il faut le redire à chaque fois : si vous voulez vivre de la Bd, il faut faire de bonnes ventes. Ou bien négocier de bonnes avances, dessiner vite et changer d’éditeur après chaque livre. Ça a toujours été comme ça. Le seul truc qui a changé c’est la surproduction : plus facile de publier, moins facile de vendre.

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    • Répondu par Nico le 14 mars 2023 à  09:17 :

      En ce qui concerne le manga, les ayants droits touchent l’intégralité leurs droits sur le prix de vente, même si vendu à petit prix. donc tout bénef pour eux (pub + droits 100%)

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  • Marché de la Bande Dessinée : la guerre des prix
    14 mars 2023 09:53, par TARS’Bd

    "que doit penser un acheteur qui achète à 5 euros un Lucky Luke en grande surface et qui vient acheter la suite à 12€ dans nos librairies "
    On a pas tous 20 de QI, on le voit bien qu’il s’agit d’une OP commerciale pour nous hameçonner vers des franchises, merci bien. Du coup vu son exemple, on constate surtout que son client a été hameçonné ailleurs mais qu’il n’est pas capable de remonter son poisson... Désolé mais ça démontre surtout qu’il ne sait pas comment fonctionne le boulot de commerçant.
    Puis avant les OP en supermarché, celles-ci étaient en kiosques, sauf que les kiosques s’ont en voie d’extinction, donc le volume va vers les supermarchés et les librairies (fait nouveau par rapport à l’époque) où les gens vont encore.
    Perso hier en faisant une parodie d’Aquablue qui est sur ma liste d’attente et que je ne lis qu’à la bibliothèque, voir le prix de l’acquisition de toute la franchise fait mal. Hors Aquablue, il y’a des franchises type Conan qui mériteraient une baisse de qualité dans l’édition avec la baisse de prix qui va avec, les Conan des années 80 passeraient très bien en n&b en format papier manga. Les Gaston Lagaffe en format compilé petit livre J’ai Lu, passaient aussi très bien.
    Il y’a des types de dessins qui sont mal servis par le format luxueux de la bd tradi, franchement quand on achète un Dilbert, on ne voit pas à quoi sert le format du papier glacé, à part nous sublimer le fait qu’on paye trop cher pour du dessin en noir & blanc très abstrait et/ou vite colorisé en 1 couleur.

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  •  !il serait peut-être surtout temps effectivement que l’industrie se repose la question des ses formats de publication, pour toucher un maximum les jeunes : petit format, souple, qualité de papier moindre, etc plutôt que la systématisation du très bourgeois et luxueux 48cc.
    On dirait des stars du muet infoutues de se rendre compte qu’on est passé au parlant, gémissant sur leur gloire passée sans jamais vouloir se remettre en question ou s’adapter. Faut se bouger !

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    • Répondu le 14 mars 2023 à  14:20 :

      Faut vous mettre à jour, vous aussi. Ce n’est pas le 48CC (en voie de disparition) qui était bourgeois et luxueux. C’est le coûteux roman graphique qui l’est. Le 48CC était au contraire un format populaire, pas autant que les petits formats italiens mais pas pour autant élitiste.

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  • Ces opérations existent depuis des années .
    Ce n’est pas une nouveauté.
    Un client qui achète des mangas /bd à petits prix devra payer le prix habituel pour poursuivre sa collection.

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  • Marché de la Bande Dessinée : la guerre des prix
    1er avril 2023 09:58, par Jean-Michel ROBERGE

    La production des bandes dessinées classiques franco-belges se heurte à la production exponentielle d’albums. Comme le lectorat actuel est partagé entre les mangas, les comics, les romans graphiques et la BD classique, les tirages pour la Bd classique sont de plus en plus faible. 3 000 albums publiés par an, soit environ 10 par jour. Pour gagner sa vie et être rentable pour un éditeur, il faut un tirage de 20 000 exemplaires, ne pas oublier la hausse du prix du papier. Quand un album est publié à 10 000 exemplaires, les droits d’auteur du scénariste, du dessinateur, du coloriste, du lettreur sont donc dérisoires. Par conséquent je trouve choquant ces offres commerciales genre Croisement un album à 1€ si on achète ses courses dans le magasin. Cela dévalorise le travail de ces gens talentueux qui passent un an à créer, dessiner, coloriser, lettrer. C’est profondement dangereux car que vaut un album pour le lecteur à 1€. Quand on pense au prix de vente de Pif hors série où s’exprime le Président immature à 8,95€. Ces offres commerciales devraient être interdites, c’est comme si Hermès vendait des sacs Birkin en promo à 100 euros pour attirer un nouveau public. Cela ne rime à rien et dévalorise fortement les créateurs de Bande dessinée. Or donc que faire pour améliorer la vie de tous ceux qui se passionnent pour cet héritage glorieux des dessins pariétaux de la Grotte de Lascaux. La bande dessinée classique doit proposer des bd style livre de poche en N&B à 7€ à 9€. Les jeunes achètent des mangas car ils peuvent les transporter dans leurs sacs à dos, et les lire dans le bus ou le métro contrairement au format album qu’il est impossible de lire quand on est tassé comme des sardines ou choisir l’option luxe des albums comme des éditions luxueuses et limitées comme les albums bibliophiles de Blake et Mortimer. Beaucoup de jeunes travailleurs préparent leur retraite en créant leur propre fond de pension en achetant des maisons, des appartements, des oeuvres d’art comme des dessins d’auteurs de bd connus, et donc acheter des oeuvres limitées est une spéculation qui leur plaît. La bande dessinée classique, celle de mon enfance risque de disparaître si elle devient inaccessible financièrement pour les jeunes tiraillés par l’usage immodérée du smartphone, des jeux vidéo. Ma vision de vieux co..... est simpliste, mais je suis attaché à mes héros d’enfance de la bande dessinée classique qui disparaissent au profit des mangas moins chers. Dans mon hypermarché un énorme rayonnage plus grand que le rayonnage livre de poche ou de la bd est consacré au manga et dans mon magasin album la moitié des titres sont des mangas. Le prix et le forme des Bds classiques initiés par Casterman en 1941 doivent changer sinon, cette littérature va disparaître.

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    • Répondu le 1er avril 2023 à  13:19 :

      C’est fini, l’âge d’or franco-belge, il faut se faire une raison. La BD est mondiale, et il existe toujours une BD européenne. Mais les temps ont changé et les derniers nostalgiques ont du mal à l’accepter.

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      • Répondu le 1er avril 2023 à  14:21 :

        Surtout, ce ne sont pas les tirages qui font vivre les auteurs, mais les ventes. Le monsieur dit qu’en dessous d’un tirage à 20 000, un auteur ne peut pas gagner sa vie. Mais depuis bien longtemps, l’écrasante majorité des livres se vendent en dessous des 3000. Ce sont des tirages aux alentours des 5000. Il est difficile de vivre de sa plume ou de son pinceau mais ça n’a rien d’un phénomène nouveau.

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      • Répondu par gugu pompon le 1er avril 2023 à  14:46 :

        Au Japon, on se désole de la désaffection du format papier (et des magazines de prépublication à l’ancienne) et de l’engouement des plus jeunes pour le format webtoon (le smartphone étant encore plus pratique et d’un format plus petit que celui d’un manga).

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