« C’est un vrai sujet » nous dit un libraire. Certes, celui-ci se prépare au lancement des 48hBD (du 31 mars et le 1er avril. ) et se destine à offrir une sélection d’ouvrages, 12 BD et mangas à... 3 euros pièce (au début ils étaient gratuits, puis passés à 1€ pour enfin tripler la mise), une grosse machine promotionnelle destinée à faire revenir -espère-t-on- les acheteurs en librairie une fois le printemps venu : 500 animations, 300 auteurs, des interventions dans les écoles, dans les médiathèques, les festivals, et chez plus de 1700 libraires. « Le vendredi soir, tout est parti, nous dit l’un d’eux. Cela fait venir des gens qui ne poussent pas habituellement la porte de la librairie. »
On a beaucoup glosé sur le succès des mangas, sur le « coup de pouce » du Pass Culture qui a fait exploser les ventes ces deux dernières années. Cette année encore, même si le début d’année fait grise mine, les libraires ne sont pas inquiets, surtout avec un Astérix à la rentrée : ils feront leur chiffre.
Le retour de la grande distribution
Mais iI y a un truc qui les rend nerveux : c’est la multiplication des opérations commerciales à petits prix dans les grandes surfaces. Ainsi, cette semaine dans une grande enseigne, on peut découvrir des palettes de manga d’un grand éditeur comme Pika à 3 euros l’unité. Souvent les éditeurs font ces promotions en début de cycle : un numéro 2 donné gratuitement avec le numéro 1, les premiers ouvrages aussi sont offerts à prix cassés, comme dans ces collections de classiques de la BD (Les Tuniques bleues, Alix,…) vendues en kiosque.
« Cela consiste à recruter de nouveaux lecteurs que l’on tente de fidéliser ensuite… » nous dit-on. Voire. Car si, désormais, le format poche permet d’offrir une deuxième vie aux titres comme récemment chez Casterman par exemple. Dix euros chez Caster (pas mal pour un Corto Maltese ou un Silence), mais entre 5 et 10€ chez Urban Comics qui tente de mettre V pour Vendetta d’Alan Moore et David Lloyd ou encore les classiques de Batman, dans le plus de mains possible. Panini, avec ses superhéros Marvel, depuis plusieurs saisons maintenant, offre des comics à moins de 3 euros…
Ce qui interpelle en revanche, c’est de voir des Boule & Bill, des Spirou, des Tuniques bleues, à... 4,99€ ! « Ce sont sans doute des opérations spéciales faites avec des tirages spécifiques avec un code-barre différent, analyse un libraire, mais que doit penser un acheteur qui achète à 5 euros un Lucky Luke en grande surface et qui vient acheter la suite à 12€ dans nos librairies ? On passe pour des voleurs, c’est une façon déguisée de contourner la Loi Lang sur le Prix unique du livre ! »
vocifère-t-il. Le sujet est sur la table au Syndicat National de la Librairie nous dit-on.
Il y a pire, nous dit le même libraire : il y a le groupe Bamboo (Grand Angle, Fluide Glacial…) qui a proposé un million de BD vendues à… un euro ! « Sans code barre » pour éviter qu’ils reviennent dans les retours des libraires.
Alors que les hausses de prix galopent et que la grande distribution communique énormément sur ses « paniers anti-inflation », le marché de la BD est en train de vivre une sorte de séisme. Quelle répercussion sur le réseau des libraires, alors que l’année 2022 a marqué un record d’ouvertures de nouveaux points de vente ? Quelle répercussion auprès des jeunes lecteurs ? Cela les intéressera autant que les mangas ? La question reste ouverte.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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