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Michel Aroutcheff « J’ai envie de sortir de la bande dessinée. »

Par Olivier Wurlod le 29 mai 2009                      Lien  
Profitant de son séjour dans la belle cité suisse de Lausanne et sa visite à [la Librairie Crobar->http://www.crobar.ch/], l’occasion était idéale pour faire la connaissance de Michel Aroutcheff, ce créateur de talent, sorti de l’école des beaux arts en architecture et qui, sans réellement sans rendre compte à l’époque, a construit les premières fondations de ce que l’on appelle aujourd’hui le Para BD. Rencontre.

Comment en êtes-vous arrivé à vous lancer dans la Para BD ?

De retour en France après quelques années passées à Montréal (Canada), j’ai rapidement quitté Paris pour la Haute Savoie où je me suis mis à y faire des jouets. Mon travail a vite évolué vers la conception de jouets en bois plus aboutis, plutôt destinés aux adultes. J’ai commencé par des modèles de voitures et c’est en cherchant de la documentation sur des modèles d’avions et d’hydravions que je suis tombé un peu par hasard sur Tintin et la bande dessinée. De là, je m’en suis inspiré pour mes voitures ou la fusée. En plus de beaux objets de déco, j’y voyais une forme de clin d’œil à ce que l’on a tous connu dans notre enfance.

Michel Aroutcheff « J'ai envie de sortir de la bande dessinée. »

Dès lors vous lanciez un marché parallèle à la bande dessinée qui connaît aujourd’hui une ampleur impressionnante. Vous rendiez-vous compte à l’époque de ce que vous étiez en train de provoquer ?

Non, absolument pas, je ne m’en suis pas du tout rendu compte et d’ailleurs je ne comprends toujours pas cette ampleur qu’a pu prendre le Para BD. Maintenant, c’est vrai que je suis reconnu comme l’initiateur de ce mouvement et à l’époque où j’ai lancé mes projets autour de Tintin, je sais avoir contribué à la relance des aventures du célèbre Reporter. Pourtant, au début, j’ai eu du mal à convaincre, car personne ne croyait à cette idée de jouets autour de Tintin tels que je les imaginais et ils furent d’abord destinés à être vendus dans des boutiques de design ou de cadeaux pour hommes comme objet décoratif. Ce n’est que bien plus tard que les librairies spécialisées dans la bande dessinée s’y sont intéressées et que mes jouets sont devenus de vrais objets de collection.

Quels sont vos goûts en bande dessinée ?

Et bien cela surprend beaucoup de monde, quand je déclare que je ne lis que très peu de bandes dessinées. D’ailleurs je suis resté très ligne claire dans celles que je peux lire à l’occasion. Non, ce que j’aime vraiment c’est faire des jouets et mon travail se rapproche de ceux en tôle du début du XXème siècle, du genre des voitures Citroën.

Dans votre catalogue, on peut remarquer que la majeure partie sont liés aux véhicules, dont la voiture en majeure partie.

En effet, j’ai une passion pour le véhicule de manière générale, mais plutôt pour les modèles anciens (Peugeot 1948, dauphine 4 CV des années 1960), car les modèles plus modernes tels que ceux qu’on retrouve avec la voiture classique de la police new-yorkaise des années 1980 pour Soda ou la Ferrari de XIII ne m’attirent pas du tout. Je les fais, car la demande existe, mais voilà, elles m’ennuient d’autant plus qu’on trouve ça dans n’importe quelle boutique de jouets ! Soda et Linda

Du coup, on s’intéresse à votre manière de monter un nouveau projet ?

Du point de vue technique, je crée le visuel, je monte le modèle de véhicule, mais ce n’est pas moi qui fabrique les personnages. Je les confie à un sculpteur Dominique Mufraggi (connu pour d’autres belles œuvres Para BD). Sinon, je travaille depuis cinq ans avec Figures & Vous. Je crée pour eux les modèles (outillages, pièces détachées et moules) et eux ensuite se chargent de les produire en Chine, puis de les vendre. Mais pour le moment, je suis, appelons ça, “en stand-by“, parce qu’on est plus vraiment d’accord sur plusieurs points. Un désaccord qui nous mène, je pense, vers une probable séparation.

On se souvient qu’en 2004, votre société rompait ses relations avec Moulinsart. Suite aussi à des désaccords ?

La faute surtout à ses dirigeants qui ne supportaient pas qu’un créateur indépendant possède une licence de Tintin. À partir de l’ère Nick Rodwell, Moulinsart a voulu récupérer le contrôle total autour de Tintin et son univers. Sauf qu’entre faire du T-shirt et ce que je proposais, on ne jouait pas dans la même cour. Maintenant, cela n’empêche pas qu’ils produisent, aujourd’hui, avec Fariboles ou Pixie des choses sympas.

Des regrets subsistent-ils par rapport à une collaboration qui s’est établie sur presque deux décennies et qui vous a même sans le savoir lancer dans ce domaine de la Para BD ?

Là où je n’ai pas de regrets, c’est dans ma collaboration avec ceux qui dirigent aujourd’hui le patrimoine autour de Tintin et qui ont rompu toute ma motivation à leurs faire de beaux objets. Le seul que je puisse avoir, c’est que je trouve qu’il y avait encore beaucoup de choses sympas à faire autour de l’univers de Tintin.

Demesmaeker et sa ford mustang

Face à la croissance dans le Para BD, comment luttez-vous face à la concurrence ?

Moi, je n’ai pas de concurrence. Je suis quasiment le seul à faire des véhicules. On parlait de Pixie un peu avant, qui se sont aussi lancés dans ce créneau, mais ce sont des amis de très longue date, ce qui fait que je ne les considère pas comme des concurrents. D’ailleurs ils ont démarré leur collaboration sur Tintin grâce à moi. C’est moi qui les ait présentés à Moulinsart pour qu’ils commencent à travailler dessus.

Vos projets à venir ?

Avec la rupture avec Moulinsart en 2004, puis celle avec Dupuis un peu après, depuis quelques années travailler dans le domaine de la bande dessinée ne correspond qu’à des emmerdes. C’est pour ça que j’ai envie de sortir aujourd’hui de la bande dessinée et ne faire plus que de beaux objets sur le thème du véhicule sans lien avec le neuvième art. Actuellement, je travaille sur plusieurs projets dans cette idée, mais aussi sur un bouquin qui retracera mon parcours. Un beau livre de 250-300 pages qui sera plein de superbes illustrations et de quelques anecdotes.

À 63 ans , comment voyez-vous l’avenir de votre société ?

Je me donne encore quelques 18 mois pour continuer à travailler et on verra après. J’ai quatre filles, qui aiment beaucoup mes objets, mais qui travaillent chacune dans leur propre domaine bien éloigné du mien. Non, rien de prévu encore, mais je ferai certainement encore par la suite quelques projets pour le plaisir et pour d’éventuels clients.

(par Olivier Wurlod)

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