"Porcelaine", l’impressionnant conte gothique de Benjamin Read et Chris Wildgoose

Lors d’une nuit d’hiver une bande d’enfants des rues, digne d’Oliver Twist, décide de cambrioler une riche demeure, à la réputation lugubre. C’est la gamine qui se trouve désignée pour tenter l’aventure et escalader l’imposant mur d’enceinte. C’est ainsi qu’elle rencontre son étrange propriétaire qui, séduit par son esprit vif et bien trempé, lui propose de l’héberger. Il passera pour son oncle.

S’installe alors un joli bonheur, constitué de gâteaux et de lectures, mais également d’alchimie. En effet, l’oncle fabrique des créatures de porcelaine, presque vivantes, qui peuplent son domaine, y faisant office de gardiens et de serviteurs. Il fournit également la noblesse dirigeante de la ville en créatures de porcelaine. L’oncle apprend à la gamine les rudiments de son art, mais lui interdit une pièce particulière de son atelier, dans lequel il apporte secrètement la touche finale à ses créations...

Une demeure bien trop grande pour un homme seul...

Porcelaine © Benjamin Read et Chris Wildgoose / Delcourt

Porcelaine © Benjamin Read et Chris Wildgoose / Delcourt

Porcelaine est un roman graphique à la dimension artistique forte et revendiquée. Il offre tous les aspects d’un projet artistique ambitieux et chéri par ses auteurs, Benjamin Read et Chris Wildgoose, connus initialement pour leur travail sur les adaptations comics des films True Grit et Super 8. Dans le but de réaliser des projets plus personnels, ils fondent en 2009, avec Laura Trinder, Improper Books, un collectif d’artistes dont Porcelaine est la première production [1].

Pour une première œuvre « personnelle », ses auteurs se sont appliqués dans cette histoire à l’ambiance gothique qui s’inscrit dans la tradition du conte populaire anglo-saxon. Notons au passage que les personnages sont désignés non pas par leurs noms, mais par leur « rôle » : la gamine, l’oncle, etc.

Le ton se veut initiatique, passant par les étapes classiques du bonheur innocent, puis de la dispute pour s’achever sur la transgression de l’interdit, source de drame et du passage à l’âge adulte. Une structure classique pour un récit qui n’en demeure pas moins particulièrement efficace, par ses qualités narratives et graphiques, proposant de nombreux passages poétiques et touchants.

Le graphisme, léché et précis, repose sur des décors et des conceptions de personnages et de créatures forts réussis dont on appréciera en particulier le travail sur la gamine, ni jolie, ni laide, à la fois sauvage et débordante d’amour. Le tout est servi par des dialogues qui sonnent justes, comme par exemple lors de la rencontre, saisissants d’ingéniosité et de malice, entre la gamine et l’oncle.

L’alchimie est aussi un art de graphie...

Porcelaine © Benjamin Read et Chris Wildgoose / Delcourt

Proposé dans un format de type franco-belge, Porcelaine a toutes les caractéristiques formelles d’une bande dessinée bien de chez nous, jusque dans son atmosphère, proprement européenne.

Cet ouvrage est le premier d’une trilogie dont chaque tome portera sur une étape de la vie de l’héroïne : l’enfance, dans ce premier album, qui sera suivi de sa vie de femme, puis de mère. Le tome deux, non encore publié aux États-Unis, est annoncé au premier semestre 2015 et le troisième pour fin 2015.

Une bien belle bande dessinée, toute en simplicité, un conte de noël gracieux et poétique, dont nous attendons la suite avec impatience !

Porcelaine © Benjamin Read et Chris Wildgoose / Delcourt