Berlin, terre d’accueil des réfugiés syriens, de nos jours, et l’Afghanistan en 1939 : deux zones de tension, de croisement, de découvertes. Deux relations contrariées qui balbutient. Sous la plume de Mathias Enard, écrivain à succès qui inaugure un rôle de scénariste BD, les guerres et leurs conséquences révèlent les tourments sentimentaux.
Développées dans un récit au long cours (344 pages), ces rencontres en miroir éclosent dans les fascinantes planches de Zeina Abirached, magicienne du noir et blanc, de la géométrie des formes et des ambiances.
Avec une liberté rare dans la mise en page, les auteurs alternent à la fois les lieux et les rythmes. Séquences en dialogues et en gros plans sensibles d’un côté, double pages presque contemplatives de l’autre. Des pages parfois si éblouissantes de délicatesse et de grâce qu’elles en menacent la clarté de l’intrigue. Le terme de roman graphique prend tout son sens dans une telle variété d’interprétation d’un texte qui finalement aurait pu tenir dans un format de 48 pages.
L’idée de la fuite - à plusieurs sens - et de ces refuges forcément précaires et provisoires laisse le lecteur sur une sensation de douleur apaisée, d’amertume des rendez-vous manqués, mais aussi de bienfait de la compréhension humaine.
(par David TAUGIS)
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