"Pulp Festival" à la Ferme du Buisson - La bande dessinée se donne en spectacle

La Chute de la Maison Usher de Loo Hui Phang et Ludocvic Debeurme

"La BD comme vous ne l’avez jamais vue/lue !", tel est le mot-d’ordre du Pulp Festival qui se donne comme mission « d’atteindre la pulpe d’une bande dessinée particulière et innovatrice, ce par le moyen du reproductible ou de tout autre moyen... ».

La pulpe de la bande dessinée ? "Atteindre la pulpe, cela signifiait alors appliquer à ce médium une curiosité permanente, en repousser les bornes artistiques, mettre à nu ses ressorts propres pour mieux le renouveler" précise Vincent Eches, directeur de la Ferme du Buisson.

Décloisonner en somme afin "d’explorer de nouveaux territoires plastiques et narratifs en proposant au lecteur, devenant spectateur, d’autres modalités et d’autres temporalités pour appréhender l’œuvre dessinée." "

Le lecteur devenant spectateur", une belle idée déjà exploitée par les expositions, les concerts dessinés et autres "tac-au-tac" qui accompagnent les festivals de BD depuis des années déjà. Mais ici, c’est différent : ce sont les auteurs de BD eux-mêmes qui s’emploient à créer des événements qui transforment la bande dessinée en un spectacle vivant.

Pour preuve cette exposition "Bandes fantômes" imaginée par Gwen de Bonneval (qui en assure le commissariat) et Philippe Dupuy (scénographie et direction artistique) : "Il s’agit, nous dit-on, d’une exposition-installation présentant des projets de bandes dessinées n’ayant jamais vu le jour : soit qu’ils n’aient pas trouvé d’éditeur, soit qu’ils aient été abandonnés par leurs auteurs ou encore qu’ils aient subi les sanctions de la censure, voire été détruits par accident ou par choix. Plus de 200 traces de ces projets sont réunies. Ils couvrent le XXe siècle jusqu’à nos jours, en langue française. Ils émanent aussi bien d’auteurs de grande renommée que d’artistes moins connus. Une majeure partie de ces ébauches a donné lieu à des visuels : planches ou esquisses, mais aussi à des scénarios ou synopsis, mais certains n’existent qu’à l’état de discussions, voire d’intentions."

"Bandes dessinées fantômes" de Gwen de Bonneval et Philippe Dupuy

"Jim Curious, plongée dans la 3D" d’après "Jim Curious, Voyage au coeur de l’océan", de Matthias Picard

Aux cimaises, aussi bien Alfred, que Blutch et Bézian, que Chaland, Calvo, Moebius, Tardi, Jochen Gerner, Fabrice Neaud, Cyril Pedrosa, que J.-C. Menu, Franquin ou Zep. "Il s’agit ici d’interroger la ligne qui sépare une proposition qui voit le jour, d’une autre qui n’existera pas. À travers la mise en scène d’esquisses, d’univers et de personnages recalés, le visiteur s’imaginera comprendre pourquoi certains ont été abandonnés... Ou au contraire s’indignera de ne pas en voir d’autres aller au bout, effaré, frustré d’un album ou d’une série qu’il aurait aimé lire. Faire travailler son imaginaire, l’inciter à avoir un avis, installer un trouble... Ouvrir des fenêtres poétiques sur des mondes « refusés, abandonnés ou en suspens », des univers fantômes, à la frontière de l’existant."

Montrer le caché, le dissimulé, l’effacé..., joli projet !

"Quartier Lointain", une pièce de théâtre de Dorian Rossel, d’après Jirô Taniguchi.

Autre idée originale : Cette exposition-installation de La Chute de la maison Usher, où la scénariste Loo Hui Phang s’associe à Ludovic Debeurme pour plonger le visiteur dans l’univers étrange et sombre de la nouvelle d’Edgar Allan Poe  : "Donner des sensations plutôt que raconter l’histoire, telle est l’ambition de cette exposition. Armé de quelques indices distillés, le visiteur sera dans la même position que le narrateur, qui découvre l’histoire de cette famille. Le souhait de Loo Hui Phang et Ludovic Debeurme est de mettre en lumière cette opposition entre la maison qui devient vivante, organique et les personnages de la nouvelle qui, eux, se désincarnent."

Les anciens lecteurs du Journal de Pilote (Mâtin !...) seront surpris de découvrir une création théâtrale, J’ai Horreur du printemps, inspirée du Petit Cirque de Fred par Mélissa Von Vépy & Stephan Oliva  : "À la manière des planches de la bande dessinée, des tableaux surréalistes se forment, révélant la rudesse mais aussi la poésie du parcours. Manège triangulaire entre musique, spectacle et bande dessinée, J’ai horreur du printemps est un hommage au chef d’oeuvre intemporel de Fred".

Nous ne saurions vous résumer tous les événements qui émaillent ce week-end exceptionnellement créatif, parmi lesquels une adaptation théâtrale de Quartier Lointain de Jirô Taniguchi par Dorian Rossel,un hommage à l’émission Tac au Tac, une installation de Ruppert & Mulot, et bien sûr une grosse librairie où les œuvres évoquées s’apprêtent à rejoindre votre bibliothèque. Pour plus de détails, nous vous renvoyons au site internet du Festival.

Il est clair que, désormais, le "Pulp Festival" est devenu l’un des événements incontournables du printemps.

"J’ai Horreur du printemps", tiré du Petit Cirque de Fred.