Le comté de Craw, Alabama. Son seul titre de gloire : son équipe de football américain, championne d’État. Et toute la ville de tourner autour de cette équipe et de celui qui l’entraîne, "Boss", le véritable maître de la cité. Lorsque Earl revient dans ce trou perdu quarante ans après l’avoir quitté, ce devait n’être qu’une affaire de quelques heures, deux jours au plus. Il en sera tout autrement, bien entendu.
Il s’agissait juste de récupérer ce qui pouvait l’être dans la maison familiale, à présent désertée. Mais le hasard des circonstances, mêlé à la remontée de souvenirs douloureux, bouleverse radicalement ce programme. Hanté par une figure paternelle pesante, révolté par la bêtise dont il redécouvre l’étendue, Earl entame un combat contre des forces qui le dépassent.
Jason Aaron et Jason Latour livrent là un récit entièrement dédié à la peinture du Sud des États-Unis dont ils sont tous deux originaires. Une région de leur pays qu’ils ont comme fuie et dont ils disent eux-mêmes qu’on ne peut que la haïr et l’aimer à la fois. Une région a priori calme, sereine, mais littéralement pourrie par le comportement d’abrutis finis, ces "enfoirés" et "fils de pute" comme ils les désignent dans la préface de ce premier tome.
La montée en puissance de la tension dramatique de Southern Bastards se révèle tout bonnement excellente. Lentement mais sûrement, le lecteur se voit pris par ces petits accidents qui en provoquent de plus gros et assiste, lui-même impuissant, révolté, à la violente horreur qui en découle, le plus naturellement du monde semble-t-il là-bas.
Earl, vieillard magnifique, puissant et tragique, étonnant héros pour un tel comics, porte de bout en bout cette histoire, surnageant superbement au milieu de la crasse dans laquelle il s’est plongé. On pourra émettre des réserves quant au trait, à notre gout un peu rigide et un rendu qui nous semble trop "numérique", mais le souffle de cette aventure (in-)humaine emporte tout avec lui.
À découvrir, notamment grâce au prix de lancement de 10 euros, et à suivre, immanquablement.
(par Aurélien Pigeat)
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Southern Bastards T1 : "Ici repose un homme". Par Jason Aaron (scénario) et Jason Latour (dessin). Traduction Benjamin Rivière. Urban Comics, collection "Urban Indies". Sortie le 20 mars 2015. 112 pages. 10 euros.