Souvent, ce que l’on retient de l’information se trouve réduit aux manchettes de journaux, même pas la longueur d’un tweet. L’attaque d’un voilier français en 2009 par des pirates somaliens prenant en otages cinq passagers dont un enfant de trois an et demi, tout le monde en a entendu parler. Son arraisonnement par la marine française, provoquant la mort du skipper français et de deux pirates, aussi, vaguement.
Mais que s’est-il passé ? Les pirates sont ramenés en France. Ils doivent être jugés, ne parlent pas le français. On ignore tout des circonstances personnelles qui les ont amenés à faire de la piraterie, ni le rôle exact que chacun d’eux dans cette équipée meurtrière, ni même le déroulement exact de l’action de la marine française dans les eaux internationales. L’enquête prend des mois, des années...
Un Somalien en Bretagne
Mohamed est l’un d’eux, il rencontre sur son chemin Maryvonne, une volontaire venue apprendre le français au seul Somalien enfermé dans la prison de Plœmeur en Bretagne. Elle ne connaît évidemment pas sa langue d’origine, baragouine l’anglais. Elle est au chômage, quasiment retraitée, alors autant se rendre utile et elle le fera en donnant généreusement son temps, fonctionnant de manière intuitive.
Elle apprend le parcours du jeune homme au rythme de son apprentissage du français, comprend sa situation, l’aide à organiser sa défense et lui trouve même, grâce à Emmaüs, la possibilité d’entrevoir une perspective à sa vie jusqu’ici tributaire de la pauvreté et des circonstances politiques et sociales de son pays de naissance.
Au-delà de tout cela, c’est une formidable amitié qui nous est contée par Simon Rochepeau, issu de la communauté d’Emmaüs et qui a vécu de près cette histoire vraie. Thomas Azuleos s’est emparé de ce récit, le mettant en lumière par son beau dessin élégant, souple et empathique dans ce qu’il convient d’appeler une aventure humaine qui ne se résume pas à des chiffres, des articles de loi et des idéaux de vertu qui s’accommodent bien peu de la réalité du monde. Un album au souffle exceptionnel.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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