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Quoi de neuf ? Tillieux parbleu !

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 1er mai 2010                      Lien  
Parmi les figures éminentes de la bande dessinée belge, Maurice Tillieux reste l’une des plus remarquables et des plus attachantes. Les vrais amateurs lui vouent un culte qui ne faiblit pas depuis sa disparition tragique dans un accident de voiture en 1978.
Quoi de neuf ? Tillieux parbleu !
Le Tome 2 de l’Intégrale. Incontournable.
Ed. Dupuis

C’était au bas d’une planche du Captivant d’Yves Chaland et Luc Cornillon : « Merde, Tillieux est mort !Tout fout le camp. »

Maurice Tillieux (1921-1978) revenait du festival d’Angoulême après avoir quitté son ami Jean-Louis Pesch, le dessinateur de Bec-en-Fer chez qui il résidait. Un dépassement hasardeux et c’est le crash. La voiture, lui qui la dessinait comme personne, devenait son tombeau.

Il laisse derrière lui une œuvre d’une intelligence exemplaire pour ceux qui apprécient l’art de la bande dessinée : comme dessinateur avec Félix, Gil Jourdan, Marc Jaguar… et comme scénariste : Jess Long, Marc Lebut, Tif & Tondu, Natacha… Sa trace est indélébile, ses héritiers nombreux, à commencer par ce Yves Chaland qui lui rend hommage et qui contribua à faire prendre conscience de la modernité de ce classique.

Retour en librairie

Pourtant, 32 ans après sa disparition, il reste présent en librairie. Grâce aux intégrales Gil Jourdan dont Morgan di Salvia écrivait dans ces pages qu’il était « un chef-d’œuvre de référence de la BD belge. » Le deuxième tome (1960-1963) est sorti récemment, toujours aussi riche en inédits, toujours magnifiquement édité, avec une éclairante introduction de José-Louis Bocquet, admirateur de longue date du maître. On y trouve quatre « masterpieces » : L’Enfer de Xique-Xique, Surboum sur quatre roues, Les Moines rouges et Les 3 taches . Incontournable.

Le 7e tome de l’Intégrale de Tif & Tondu par Will et Tillieux. Sans doute le sommet de la série.
Ed. Dupuis

On le retrouve aussi sur la série Tif & Tondu dont il reprit le scénario à la suite de Maurice Rosy à la demande de son ami Will. Ayant contribué à l’appareil critique du 7e volume, j’ai pu prendre la mesure à la fois de la technicité de ce scénariste-dialoguiste hors pair, mais aussi de ses hésitations et de ses repentirs. C’était un créateur intuitif qui était devenu le messie du scénario dans les années 1970 et qui, pour alimenter une demande abondante, recyclait ses vieux Felix dans une forme plus moderne. S’il avouait une facilité pour écrire, il créait néanmoins dans le doute et cette « revisitation » de ses propres œuvres, comme le fit avant lui Hergé, est sûrement à l’origine de ce regard distancié, éminemment moderne, qui était le sien.

Zappy Max

Même les spécialistes en arrivent à oublier sa série Zappy Max : Ca va bouillir qu’il réalise pour Pilote, dès le N°1 de cet hebdomadaire. Ce travail de commande où il met son dessin au service d’un récit écrit par St. Julien est pourtant symbolique des échanges tendus entre Paris et Marcinelle. Voici Tillieux, une des hautes figures de Spirou, qui passe « à l’ennemi ».

C’est qu’en 1959, il fallait être particulièrement visionnaire pour imaginer l’importance historique que prendront Pilote et René Goscinny, alors « scénariste clandestin » sur Lucky Luke (bien qu’il les écrive depuis 1954, son nom n’apparaîtra qu’en 1962 sur les albums). De la même façon, Tillieux n’était pas encore une « vedette ».

Daniel Depessemier, fondateur des Éditions de l’Élan, vient de republier Zappy Max. Il s’attache depuis quelques années à rééditer les incunables du grand Maurice Tillieux. Cet ancien collaborateur de Michel Deligne sur les publications de Curiosity House, premier éditeur des « Félix » dans les années 1970, avait un temps envisagé de faire une carrière d’auteur de bande dessinée mais choisit finalement le métier plus stable et plus rémunérateur de dessinateur d’étude pour l’industrie nucléaire. Aujourd’hui à la retraite, il crée les éditions de l’Élan qui se donnent comme objectif de publier deux albums par an. Après plusieurs albums de Tillieux, il envisage de publier d’autres auteurs publiés par la revue belge Heroïc Albums, où Tillieux fit ses débuts (mais aussi Tibet, Duchâteau, Greg…), une revue fauchée en pleine gloire, en 1955, par la commission de censure de la Loi de 1949.

Zappy Max : Ca va Bouillir de Tillieux & St-Julien.
Editions de l’Élan

« Au début des années 2000, nous sentions le besoin de refaire parler de Tillieux, nous raconte Depessemier. Dupuis ne publiait plus que des intégrales d’ailleurs en fin de parcours. Les jeunes générations n’avaient plus accès à Tillieux. J’ai eu l’idée de publier un hommage à Maurice Tillieux, en association avec Alain Van Passen et Jean-Pierre Verheyleweghen.. Nous avons réuni nos collections pour publier « Achille & Boule de gomme » mais avec les moyens du bord de l’époque. Nous avions tiré à 500 exemplaires. Dans l’introduction, nous avons interrogé François Walthéry et un ami d’enfance de Tillieux. »

Mais une fois l’album sorti, l’éditeur a des problèmes de santé et se retrouve à l’hôpital. Malgré cela, miracle !, sans aucun diffuseur, grâce au bouche à oreille, le tirage s’épuise. Il publie ensuite Bob Bang et Les aventures de Monsieur Balourd et une aventure d’Ange Signe, La Grotte au démon vert, tous tirés à 800 exemplaires et aujourd’hui épuisés. Il faut dire que ces BD de Tillieux sont d’une rareté insigne, jamais sorties en albums.

Zappy Max, né en 1921, était animateur sur RTL, une immense star de la radio à l’époque. Au lancement de Pilote, RTL étant partenaire de l’hebdomadaire, René Goscinny eut l’idée d’animer ses pages avec les « héros » de la radio. C’est ainsi que Zappy Max se retrouve à combattre l’affreux Kurt Von Straffenberg, alias « Le Tonneau » dans un feuilleton qui connut plus de 3.000 épisodes. La version BD figurait en 4e de couverture du journal de Goscinny et connut 44 planches signées par Tillieux pour le dessin et Saint-Julien pour les textes, d’abord sous l’image, puis dans l’image sous forme de bulles. Tillieux abandonna la série ensuite et la confia à Devaux. Elle s’acheva au N°113 de l’hebdomadaire.

Grâce aux éditions de l’Elan, nous avons accès à cet « incunable ».

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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En médaillon : Maurice Tillieux par François Walthéry.

Pour obtenir les publications des éditions de l’Elan, prenez contact directement auprès de l’éditeur sur son SITE INTERNET.

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Lire l’interview de Zappy Max.

 
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9 Messages :
  • Le 7e tome de l’Intégrale de Tif & Tondu par Will et Tillieux. Sans doute le sommet de la série.

    Là c’est vraiment une question de goût, car personnellement je trouve les scénarios de Rosy bien supérieurs, bourrés d’idées originales et plein d’humour. Ceux de Tillieux sentent le rechauffé, le bricolage, ils sont agréables, mais Tillieux n’a pas compris l’esprit de la série. Les pires sont les derniers avec Desberg, carrément à angle droit (dans le mur). Rosy est un scénariste génial, sous-estimé et finalement assez méconnu.

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    • Répondu par MR le 2 mai 2010 à  13:00 :

      Je rejoins tout à fait ce point de vue. Le travail de Tillieux sur Tif&Tondu est de qualité, mais l’a transformé en une série policière, assez loin de l’esprit original. Enfin original, j’ignore ce que faisait Dineur, mais disons que l’esprit que la reprise Will/Rosy imrègnait depuis le début.
      Il y a de vraies réussites dans le duo Tillieux/Will mais le sommet de Tif&Tondu se situe mes yeux juste avant la reprise. Des titres comme "La Matière verte" ou le génial "Le Grand combat" restent insurpassés dans la saga.

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  • Brigade orthographique
    1er mai 2010 17:50

    « lui vouent », plutôt.

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    • Répondu par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 1er mai 2010 à  20:35 :

      Bien entendu. Merci.

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  • Quoi de neuf ? Tillieux parbleu !
    1er mai 2010 21:39, par Oncle Francois

    Bravo pour cet excellent article consacré à un des ténors inoubliables de l’école Spirou (même s’il faut parfois pratiquer des piqures de rappel aux petits jeunes incultes) ! Je signale toutefois qu’il existait auparavant un recueil de cette histoire, parue en 1979 aux éditions Furioso(tirage de 1000 exemplaires si ma mémoire est bonne, peut-être moins. Epuisé depuis des années !). Cordialement

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    • Répondu par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 2 mai 2010 à  09:14 :

      Vous avez raison, mais cette précision cependant : cet ouvrage-ci est en couleurs (l’édition que vous citez est en noir et blanc) et comporte un joli dossier introductif écrit par Zappy Max lui-même et par Daniel Depessemier, grand spécialiste de Tillieux, et qui a bourré son texte d’anecdotes et de dessins & documents inédits de l’auteur de Félix.

      J’ajoute à l’attention des spécialistes que l’un des deux éditeurs des éditions Furioso n’est autre que... Dominique Véret, le co-fondateur des éditions Tonkam !

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  • Quoi de neuf ? Tillieux parbleu !
    3 mai 2010 08:08, par PPV

    Et quoi de neuf avec la biographie de Dayez ? Et quoi de neuf avec les splendides rééditions de Felix par NIffle ? Ce dernier a d’autres chats à fouetter, je m’en doute, mais peut-être passerait-il la main ? (ou profiterait de sa position chez Dupuis pour leur filer le bébé ?)

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    • Répondu par marcelinswitch le 3 mai 2010 à  11:32 :

      Je rejoins ce lecteur pour espérer la continuation de la réédition des "Félix" chez Niffle. Les histoires sont des petits bijoux et le travail de restauration de Frédéric Niffle est impeccable. Celui-ci disait au moment de sa nomination à Spirou Hebdo (avril 2008) que les 3/4 du 4e volume était terminé, cela fait 2 ans ; encore un effort !
      Félicitations également aux passionnés des éditions de l’Elan même si je trouve que la qualité des albums n’est pas toujours là.

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      • Répondu par DCA le 5 mai 2010 à  20:56 :

        Personnellement, je n’ai rien à redire concernant la qualité des Editions de l’Elan ! Je la trouve même parfaite ! Je viens de terminer l’album Zappy Max, un régal ! Et très bien documenté, comme à l’habitude. Je possède tous leurs albums. Vive Tillieux l’incomparable !

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