Créé dans le numéro 1 de Pif gadget du 3 mars 1969, Rahan, "Le Fils des âges farouches", perpétue une tradition de la représentation de la Préhistoire influencée par La Guerre du feu de Rosny-Aîné, mais aussi par Tarzan d’Edgar Rice Burroughs. Ses prédécesseurs directs sont belges : Timour de Xavier Snoeck et Sirius et Tounga D’Édouard Aidans. Timour est roux, Tarzan et Tounga sont bruns-noirs, on fera donc un héros blond.
Ce qui distingue Rahan des précédents hommes des cavernes, c’est son ton pédagogique et social. Le Parti Communiste, éditeur de Pif Gadget, était « le parti des fusillés » et portait les valeurs résistancialistes d’un journal qui se piquait de pédagogie, comme ses concurrents cathos Bayard et Fleurus Presse. Rahan se veut une bande dessinée éducative diffusant les idées socialistes du grand frère communiste diffusé sur les marchés le dimanche, L’Humanité : collectivisme, éminence du progrès, diabolisation du profit capitaliste et de l’impérialisme, respect des femmes et de la nature, combat contre l’obscurantisme, les superstitions… Choses encore très contemporaines !
Son scénariste, Roger Lécureux, publie dans le journal dès 1945, à une époque où le PCF, profitant que Cœurs Vaillants, publié sous l’Occupation par Fleurus Presse, était interdit en attendant qu’une commission statue sur son degré dans la collaboration (il sera autorisé à reparaître) lance Vaillant rien que pour embêter les Cathos. Lécureux est engagé pour gérer les abonnements du journal. Puis il entre petit à petit dans l’équipe rédactionnelle pour en devenir le pilier : on lui doit de nombreuses séries : il succède à Michel Debonne, pour Fifi, Gars du maquis, puis quelques-unes des séries les plus célèbres de Vaillant et de Pif Gadget comme Les Pionniers de l’Espérance, Nasdine Hodja, Teddy Ted, Le Grêlé 7/13...
Du point de vue du dessin, André Chéret (82 ans en juin prochain) emprunte ses anatomies emphatiques à la bande dessinée américaine. C’est une des BD les plus diffusées dans les années 1970, le personnage ayant droit à son mensuel personnel, assorti comme il se doit du gadget approprié : Le coutelas ou le collier de dents de fauve en plastique.
Rahan, ayant perdu son clan lors d’une éruption volcanique, parcourt le monde afin de découvrir où se couche le soleil, croise toutes les civilisations, et trouve sa force dans un talisman donné par son père Crao. Rahan est un beau blond, blanc, sage mais capable de se défendre, un héros idéal vecteur de civilisation. Chéret en dessine plus de 3500 planches, à certains moments au rythme de 30 planches par mois. L’intégrale comporte 28 volumes et trois hors-série.
À la mort de Lécureux en 1999, c’est le fils du scénariste qui reprend le scénario, tandis qu’à la suite d’un procès avec Pif, les auteurs récupèrent leur personnage et les histoires sont publiées, dans une nouvelle édition encore récemment, en intégrale par les éditions Soleil. Vendues à plus d’un million d’exemplaires, ces albums font que, plus de 50 ans après sa création, le fils de Crao est loin de rejoindre le « royaume des ombres. »
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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