Duke McQueen est un Américain âgé d’une soixantaine d’années qui est touché par une indicible douleur : sa femme vient d’être emportée en peu de temps par un cancer et il perd ainsi celle qui donnait sens à sa vie. Même si ses fils et ses petits-enfants sont à ses côtés lors du douloureux jour où il doit enterrer sa femme, Duke sait qu’il va retrouver terriblement seul : en dehors de la défunte, tout le monde croit que Duke est un menteur sénile. Personne ne veut ainsi croire qu’il y a quarante ans, il a voyagé à travers une faille spatio-temporelle et sauvé le monde inconnu qui se trouvait au-delà.
Le lecteur n’a alors pas le temps de se poser la question de savoir si Duke est un menteur ou non : un vaisseau spatial atterrit dans son jardin le jour du premier anniversaire de la disparition de sa femme, il en sort un adolescent ; âgé selon ses dires de 86 ans ! Krish, de son nom, implore l’aide de celui qui a sauvé son monde et de celui dont la statue gigantesque se remarque depuis tous les recoins de la capitale. Seul le légendaire Duke McQueen pourrait selon lui faire disparaître la dictature qui s’est établie dans ce monde étranger depuis son départ !
Le hic, c’est que Duke se sent vieux : autant son énergie de la vingtaine le soutenait dans son combat initial, autant il ne sent plus la force d’affronter de telles épreuves à plus de soixante ans... Mais, entre un monde qui vous oublie et vous moque et un autre qui vous admire, lequel Duke va choisir ? Sans espoir vis-à-vis de sa situation sur Terre, Duke décide d’accompagner le jeune Krish sur sa planète pour mettre à bas une dictature sanguinaire qui s’est établie depuis son départ.
Après un démarrage très émouvant de sa série, le scénariste Mark Millar n’hésite pas à l’orienter vers l’action et les hommages dès que son personnage principal foule à nouveau de ce monde extraterrestre. Ainsi, les aventures de Duke pour contrer les plans dictatoriaux des nouveaux maîtres des lieux font furieusement penser aux récits de Flash Gordon et des personnages analogues de l’histoire des comic-strips. C’est avec respect et non caricature que Mark Millar reprend l’esprit chevaleresque et épique de ces récits pour organiser le sien ; on se laisse ainsi volontiers porter par les aventures de Duke et de ses camarades de la liberté.
Une nouvelle fois, Mark Millar nous surprend en n’ayant pas recours à une violence très démonstrative dans son propos. Au contraire, il happe le lecteur par une intrigue simple mais efficace, mais surtout porté par un personnage principal qui attire comme un aimant l’empathie du lecteur. Le vieillissant Duke se révèle être un héros qui est plein de ressources, de bon sens, et surtout, bien loin de l’image sénile et mythomane que lui renvoient la société et ses propres fils. Une large partie du plaisir que procure la lecture de cet album tient en ce personnage principal très bien travaillé.
Mark Millar et son partenaire au dessin, Goran Parlov, l’un des meilleurs des meilleurs dessinateurs croates actuels, parviennent aussi à attirer l’attention du lecteur grâce à des références amusantes aux classiques, plus ou moins récents, de la science-fiction, aussi bien dans leurs dialogues que dans leurs planches. C’est notamment le cas pour Goran Parlov qui connaît son Moebius par coeur.
Nous vous recommandons donc chaudement la lecture de cet album, qui est par ailleurs l’un des rares Comics que nous avons pu lire ces derniers temps dont l’ensemble de l’intrigue tient sur un seul et unique volume. À l’image de Superior récemment, Mark Millar prouve une nouvelle fois avec Starlight qu’il sait émouvoir et emmener les lecteurs vers de jolis récits. L’industrie hollywoodienne du cinéma ne s’est probablement pas trompée en récupérant les droits de cet album, comme bon nombre des dernières créations du scénariste écossais.
(par Romuald LEFEBVRE)
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Starlight. Par Mark Millar (scénario) et Goran Parlov (dessins). Traduction de Nicole Duclos. Panini Comics, collection Best of Fusion. Sortie le 7 septembre 2016. 144 pages. 18,00 euros.
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