Savita Bhabhi correspond à la femme mariée indienne dès plus classique, portant le sari (costume indien traditionnel), le sindur (vermillon à la racine des cheveux, signe distinctif d’une femme mariée), le bindi (point rouge sur le front) et le mangalsutra (pendentif en or, l’équivalent de l’alliance chez nous). Mais l’absence répétée de son mari lui pèse. À l’aide de sa plastique de rêve, elle tue le temps dans les bras de tous les hommes qui peuvent lui tomber sous la main.
Malgré la banalité des scénarios, plus de 4000 visiteurs, dont la majorité d’indiens, ont afflué dès le premier mois sur le site mettant en ligne les sulfureuses aventures de la jeune Indienne. Selon le quotidien gratuit romand Le Matin Bleu, le site aurait d’abord été disponible uniquement en anglais, mais vu son succès les frasques de Savita ont rapidement été traduites en neuf langues indiennes, dont le tamoul et le hindi. Une réussite qui risque fortement de nuire au futur de la jeune femme, car les autorités locales commencent à s’y intéresser et à chercher qui se cache derrière le groupe Indian Porn Empire. Ce n’est pas pour rien que les auteurs de cette bande dessinée la signe sous des pseudonymes : Deshmukh pour son créateur et Dexstar et Madman pour les deux dessinateurs.
Il faut dire que dans un pays où de nombreux tabous autour du sexe subsistent, cette initiative peut paraître totalement folle et l’anonymat reste de vigueur afin d’éviter tout risque de poursuites, à l’exemple assez récent de Maqbool Fida Husain contraint à l’exil en 2006 (suite à de nombreuses menaces de mort) à cause de ses peintures de déesses nues réalisées dans les années soixante-dix, mais n’ayant attiré l’attention des autorités qu’à partir de 1996. Un laps de temps dont ne bénéficieront certainement pas les auteurs de Savita, étant donné le véritable buzz qui s’est créé autour de leur héroïne. Une pétition a d’ailleurs d’ores et déjà été lancée par le directeur d’un centre indien contre la cybercriminalité, M. Vijayashankar, dans laquelle il demande le blocage du site et appelle à une action en justice contre ses propriétaires. Ce dernier avait déclaré : « Pour moi ce site est plus dangereux qu’un site pornographique classique car il s’adresse à la jeune génération et dégrade l’image de la femme. »
Aujourd’hui, la grande question tourne autour de la volonté des créateurs de la pulpeuse indienne. Est-ce une simple entreprise commerciale ou bien peut-on y voir un éloge de l’irrévérence et de l’ironie, comme le prétend l’hebdomadaire Tehelka ? La réponse se trouve peut-être dans le nom de famille de l’héroïne, puisque Bhabhi signifie en indien belle sœur. Or, les valeurs familiales sont sacrées en Inde. D’ailleurs si l’on en croit Patricia Oberoi, sociologue au Centre d’Études des Sociétés en Développement : « le site annonce l’arrivée de l’âge de la pornographie en Inde, car ce travail n’utilise que des expressions indiennes. »
Quoiqu’il en soit le site (pour lecteurs avertis seulement) www.savitabhabhi.com continue d’être mis à jour quotidiennement et Savita Bhabhi de vivre ses sulfureuses aventures extra-conjuguales.
(par Olivier Wurlod)
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