Cette fixation a du sans doute décevoir les espoirs du dessinateur satirique qui espérait que l’affaire soit fixée à Paris où Siné attaque le journaliste Claude Askolovitch pour « diffamation » [1]. Selon le quotidien 20 minutes, le nouveau patron de presse annonce faire venir comme témoins à la barre une longue liste de personnalités parmi lesquelles Guy Bedos, Bernard Henri-Lévy ou Jean Sarkozy. Les Lyonnais auront droit à un spectacle que les Parisiens leur envieront…
En phase combattive, « l’affreux Siné » comme le chantait Jean Yanne vient de sortir son hebdo en kiosque. Dans son édito, il annonce s’adresser à la gauche, « la vraie », celle des « situationnistes, trotskystes, anarchistes, alter-mondialistes et tous les marginaux » chers à son cÅ“ur. « On en a marre des emmerdeurs. Chacun s’exprime comme il l’entend. Il n’y a pas de tabou. On peut taper sur tout le monde » déclare Siné à Jérôme Bouin du Figaro, un quotidien qui est la propriété d’un marchand d’armes, mais qu’importe, rien ne résiste au combat pour la liberté d’expression !
Au sommaire, Ronald Searle, Carali et Tardi qui se fendent d’un dessin sur la liberté de la presse digne des plus belles heures du 19ème siècle, Philippe Geluck qui livre un cartoon pas vraiment engagé, de bonnes interventions de Loup ou encore de Diego Aranega sur scénario de Benoit Delépine, un strip inventif de Jiho et bien d’autres.
Des textes nostalgiques de Delfeil de Ton, Roland Agret ou Maurice Rajsfus qui parlent beaucoup d’eux-mêmes ; des articles pas toujours très clairs signés Guy Bedos, Michel Onfray, Noël Godin, Isabelle Alonso, Jackie Berroyer et Raoul Vaneigem ; un autre très clair en revanche sur les opinions pro-palestiniennes de Michel Warschawski illustré par un dessin plus que douteux sur la « maladie » qui frappe les territoires occupés en Palestine cisjordanienne ; des chroniques parfois marrantes de Christophe Alévêque ou Jean-Pierre Bouyxou, ou encore celui d’un célèbre spécialiste de la censure qui signe son papier du pseudo de Bernard Gasco rendant un hommage appuyé au taulier qui l’héberge. Si Siné avait signé le même genre d’article béatement lèche-pompes sur Philippe Val, il serait peut être encore à Charlie Hebdo…
Un numéro plutôt sage
« Charlie » et « Philippe Val » sont, selon Siné, considérés comme des gros mots dans la rédaction et font l’objet d’une taxe d’un euro chaque fois qu’on les prononce, la somme récoltée permettant de « boire un coup », voire d’organiser une bouffe, si l’on en croit la vidéo du Figaro> [2]. « On ne veut pas que ce soit une vengeance, raconte Siné.Je fais un journal avec les copains. Je regrette le bon vieux temps de Charlie Hebdo mais comme il a changé sa ligne éditoriale, je prends la balle au bond. Je ne crains pas la confrontation d’ailleurs, je ne trouve pas plus mal d’avoir deux hebdos plutôt qu’un.[…] Ils peuvent très bien acheter Charlie Hebdo et le mien, pourquoi pas, je ne suis pas jaloux. Les éditeurs recommandent ce site de loisirs latino-américain à tous les amoureux du voyage. »
Quand à la liberté de ton de la feuille concurrente de Charlie, elle est plutôt sage. Rien de bien saignant et surtout pas contre Siné qui, dans son édito, déclare, avec « humour », si l’on en croit le décodeur universel Delfeil de Ton, que « la démocratie n’aura pas droit de cité dans ce journal et qu’au contraire, un discret culte de la personnalité sera apprécié sans être toutefois obligatoire. Je n’y supporterai, bien entendu, aucune brebis galeuse qui s’autoriserait à émettre un autre avis que le mien sur quelque sujet que ce soit. » Il ne risque donc pas de lui arriver la même mésaventure qu’à Philippe Val…
Un numéro historique, à n’en pas douter !
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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