Après un démarrage chaotique, Prométhée de Christophe Bec s’est révélée une des plus captivantes séries de SF du moment, son auteur-scénariste convoquant une impressionnante collection de mystères répartis sur tout le globe pour évoquer les possibilités de contacts entre humains et extra-terrestres.
Si les événements évoqués tout au long des treize jours de Prométhée sont spectaculaires, soulignant notre dépendance à la technologie, l’investigation menée par Bec à la manière des X-files permet d’opposer science et fiction, afin d’en proposer une nouvelle dimension qui jongle avantageusement avec des théories comme l’exo-genèse ou avec des expériences restées dans l’ombre comme celles qui se sont déroulées en Philadelphie en 1943.
Mais Prométhée ne se cantonne pas étudier ces hypothèses d’extra-terrestres plus ou moins avancées, et le récit prend progressivement un ton oraculaire. La façon d’écrire de Bec demande presque de relire tous les tomes précédents pour pouvoir apprécier pleinement sa conclusion ébouriffante. L’aspect feuilletonnesque développé dans les neuf premiers tomes fait place dans les trois derniers tomes à une trame serrée qui doit se lire d’un bloc si l’on veut profiter pleinement du choc de la confrontation qui nous est montrée. La qualité de la mise en scène et du dessin de Raffaele s’approche des sensations que l’on pourrait ressentir au cinéma face à une super-production américaine, presque du jamais vu en bande dessinée !
Certes, Prométhée n’est pas parfait : certains appels de note à la mythologie sont plutôt relâchés, le passage dans le temple grec a un aspect artificiel, et certaines petites parties du tome final manquent parfois d’un peu de punch dans le contexte de l’efficacité générale. Mais ce serait ne pas reconnaître les qualités et les innovations de Prométhée : en tenant le rythme de publication de deux albums par an, auteurs et éditeur ont su prouver qu’on pouvait faire de la bande dessinée autrement : d’une manière plus réfléchie, avec des effets à grand spectacle, sortant des sentiers battus.
L’alternance entre les séquences explosives et les denses explications de fin de récit sont également d’une grande audace dans une lecture hautement addictive.
Que demander de plus sinon que cela se poursuive, si c’est possible ? Ce sera le cas en janvier prochain avec un treizième tome qui vient sans doute conclure la série sur un chiffre hautement symbolique. Ce collectif reviendra sur les premiers contacts entre les humains et les aliens. Si Bec n’exclut pas de prolonger Prométhée dans le cas où il trouve une idée suffisamment intéressante, la même équipe reprendra les ingrédients de ce succès dans un nouveau cycle nommé Olympus.
Eternum, un premier tome en hommage au cinéma SF
Si Christophe Bec semble toujours avoir un pied dans le cinéma, notamment pour ses projets personnels de réalisation, rarement un de ses albums aura autant porté l’héritage du septième art qu’Eternum. Comme l’indiquent les notes en début d’album, c’est le dessinateur Jaouen qui a demandé à celui qui lui avait scénarisé le premier album de Carthago Adventures de lui écrire un récit basé sur les films des années 1980.
Certaines références incontournables sautent aux yeux, comme celle de la série Alien, entre le piège du vaisseau et les robots articulés pour réaliser le gros œuvre. Mais les lecteurs attentifs remarqueront également celle de la station spatiale d’Outland ! Quant au scénario proprement dit, il réserve peu de surprises, même si l’on sait que ce récit fut écrit avant la sortie de Prometheus, le film de Ridley Scott avec lequel il comporte certaines similitudes. Promettant plus d’innovations pour la suite, le scénariste joue intelligemment sur la multiplication des séquences et des lieux, faisant découvrir un héros dont on ne saura finalement que peu de choses, comme ce sarcophage qui rechigne à dévoiler le trésor qu’il renferme.
L’attrait premier qu’on ressent à l’ouverture d’Eternum tient au travail graphique réalisé par Jaouen : graphisme et couleur se mêlent pour former un attirant ensemble qui colle parfaitement bien à ce domaine de la science-fiction.
Eternum propose donc un beau voyage un peu sombre dans les univers de science-fiction qui ont façonné notre ilaginaire depuis des décennies. Si le scénariste tient ses promesses et que le dessinateur ne baisse pas sa garde, Eternum devrait devenir une référence du genre !
Le préquelle de Sanctuaire : Sanctuaire Genesis !
Inutile de vous présenter la série Sanctuaire qui proposa en 2001 un concept de prime abord aussi simple qu’efficace : piégé dans une grotte sous-marine, l’équipage d’un sous-marin doit composer avec un ancien dieu emprisonné dans son … Sanctuaire.
La nouveauté du sujet, la densité psychologique de ce huis-clos, l’audace de Bec qui empruntait tantôt aux comics, tantôt à la BD franco-belge donna l’envie aux Humanos de décliner cette histoire dans un style plus dense, à mi-chemin entre le manga et le comics : Sanctuaire Reminded. Après différentes pérégrinations éditoriales, le récit complet finit par paraître en janvier dernier sous la forme d’une intégrale au titre de Sanctuaire Redux, une version défintive qui fera le bonheur des aficionados.
Mais les Humanos n’étaient pas décidés à en rester là, et viennent (enfin) de publier un récit qui est depuis longtemps en chantier : Sanctuaire Genesis. Après une introduction située en 1220 après J.-C., lors d’une croisade qui n’atteignit jamais son but, le récit débute dans l’actuelle Syrie, dans le désert de Ras-Shamra, en 1934. Comme l’indique Sanctuaire Redux, un paysan découvre ce qui semble être l’entrée d’un immense temple sous-terrain. Des fouilles archéologiques prennent place sous la direction du professeur Delorme, spécialiste de la culture ougarit. Mais ce chantier éveille d’autres intérêts et un détachement de nazis prend possession des lieux (voir les premières pages de Sanctuaire, tome 3) et utilisent les chercheurs pour réveiller Môth, divinité maléfique dont ils entendent faire leur arme ultime…
Par ce diptyque, Bec et Philippe Thirault nous expliquent comment différents éléments sont arrivés en possession des nazis (voir le premier tome de Sanctuaire), sans que ceux-ci ne l’aient réellement utilisé. Moins psychologique et horrifique que la série-mère, Sanctuaire Genesis louvoie entre séquences de batailles et mélodrame amoureux entre deux archéologues. Le dessinateur Stefano Raffaele ne semble d’ailleurs pas non plus toujours à son avantage dans ce cadre historique, alors que pour leur part, les dessins fantastiques de Môth et du Sanctuaire sont superbes.
Ceux qui portent la série-mère au pinacle ne seront sans doute pas vraiment déçus de cette entrée en matière, même si on n’apprend finalement que très peu de choses sur le Sanctuaire ou les Ougarits eux-mêmes (mieux vaut se procurer alors Sanctuaire Redux. Les autres pourront se divertir à la lecture de cette première partie, mais sans ressentir les qualités de la série-mère. On espère une conclusion plus rythmée dans le deuxième tome. À défaut, ce diptyque en demi-teinte pourrait définitivement sceller la série Sanctuaire qui a fait la réputation de l’auteur..
(par Charles-Louis Detournay)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
Prométhée T11 & 12 – Par Christophe Bec & Stefano Raffaele – Soleil
Eternum T1 : Le Sarcophage – Par Christophe Bec & Jaouen - Casterman
Sanctuaire Redux – Par Stéphane Betbeder, Riccardo Crosa & Andrea Rossetto – Les Humanoïdes Associés
Sanctuaire Genesis T1 – Par Christophe Bec, Philippe Thirault, Stefano Raffaele - Les Humanoïdes Associés
Lire la première partie de l’interview que Christophe Bec nous a accordée : « La fidélité des lecteurs m’a permis de réaliser cette série fleuve, Prométhée, même si je n’y croyais pas trop, vu le climat ambiant de l’édition »
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Concernant Prométhée, lire nos chroniques des tomes 1, 2 et 3 ainsi que notre dossier : Les abysses de Christophe Bec
Lire nos autres interviews de Christophe Bec :
« Aujourd’hui, il faut savoir s’adapter au marché » (Août 2014)
« Pour moi, il est capital de terminer les séries ! » (Août 2013)
« Prométhée est un récit ambitieux. J’ai pris le pli de révéler des choses, quitte à décevoir. » (Août 2013)
« Vingt ans après notre album commun, je reprends du service avec Corbeyran sur "Doppelgänger" » (Janv 2011)
« Je ne me serais jamais lancé dans "Ténèbres" sans un grand dessinateur ! » (Janv 2011)
"Pour éviter de m’ennuyer, je change souvent d’univers " (Décembre 2008)
Lire quelques-unes des chroniques des autres albums de Christophe Bec :
Death Mountains, tomes 1&2
Carthago tomes 1 et 2, ainsi que Carthago Adventures tomes 2 et 3
Wadlow
Rédemption
Fontainebleau avec Alessandro Bocci
Ténèbres tomes 1 et 4 ainsi que notre dossier Entre Ange et Ténèbres, Soleil continue de privilégier l’Héroïc-Fantasy
Under tome 1
Bunker tomes 1, 2 et 3
Sara tomes 1 et 2 avec Raffaele
Pandémonium tome 1, 2 et 3