En 2012, Matt Fraction crée une série nouvelle pour un personnage qui est souvent relégué à l’arrière-plan dans les souvenirs des lecteurs : Clint Barton, plus connu sous le costume de l’Avenger Hawkeye.
Clint est un peu à part dans cet univers de super-héros : élevé pour être un voleur, il quittera bien vite ses habitudes de gredin pour devenir l’un des premiers membres des Avengers mais aussi... il est l’un des rares super-héros chez Marvel à ne pas avoir de super-pouvoirs !
Fraction s’intéresse principalement, dans sa série, à raconter ce à quoi peut bien ressembler la vie quotidienne de Clint lorsqu’il n’a pas une mission pour sauver le monde sur le feu avec les Avengers. Autant l’avouer, cette vie de tous les jours n’est pas de tout repos...
Si la plupart de ses collègues Avengers habitent des demeures luxueuses ou de non moins confortables appartements prêtés par le gouvernement américain, Clint est un type de la classe moyenne qui vit à Brooklyn, dans un appartement modeste au voisinage cosmopolite. Souvent amoché par ses aventures ou en convalescence, Clint se retrouve régulièrement à vivre cette vie ordinaire de citadin qui lui sied bien. Malheureusement pour lui, Clint sait surtout attirer deux choses vers lui : les ennuis et la colère des femmes.
Sous la plume de Fraction, Clint se retrouve à devoir gérer simultanément une mafia russe en survêtements désuets qui n’est pas ravie d’avoir perdu pied dans le quartier à cause de lui, un divorce qui s’éternise eu égard à la capacité des deux parties à mourir et à renaître sans prévenir, des amies et des ex qui s’interrogent sur le devenir de sa vie, un chien borgne et âgé qui réclame la tendresse qui lui est due... Le lieu sert aussi de repère à une jeune Avenger (Kate Bishop) qui a déjà repris l’arc de Hawkeye lorsqu’il n’était plus de ce monde. Si l’on ajoute à cela l’obligation de survivre à une situation périlleuse à cause de l’ouragan Sandy ou bien encore l’envoi par les hautes strates de la mafia new-yorkaise d’un terrible assassin, le programme est chargé pour Clint dans ce volume !
Ce qui fait la force de ce récit, c’est assurément son trait et sa sensibilité. Abordons tout d’abord à cette dernière : Fraction trouve à chaque fois le bon angle pour que son lecteur soit intéressé par les déboires de Clint. Dépassé par les évènements alors qu’il aspire à l’accalmie, Clint est présenté comme un personnage foncièrement humain qui n’a pas à chaque fois la bonne réponse aux problèmes qui se posent à lui, notamment dans les relations avec ses proches.
Le parallèle entre l’image de bon-à-rien qu’a de lui Clint et la haute estime de l’homme qu’ont ses proches est très souvent touchante et donne une dimension sensible appréciable à cet univers extravagant qu’est celui des super-héros.
Comme évoqué précédemment, le travail du dessinateur David Aja fait des merveilles avec cette série : chacun des épisodes où il officie est un véritable régal pour les yeux. Il n’est pas étonnant d’apprendre que le dessinateur espagnol a raflé cette année les prix Eisner du meilleur dessinateur et de la meilleure couverture grâce à cette série.
Évoluant dans un registre graphique proche de ce que pouvaient être les comics dans l’après-guerre, le titre présente un caractère bien singulier et éloigné des canons contemporains du genre. De plus, la gestion des planches confine au génie lorsqu’elle appuie des initiatives originales du scénario, comme par exemple l’épisode centré sur le chien Lucky.
Tout, absolument tout, est centré sur lui : sa perception du monde, des humains, ses centres d’intérêts sont représentés de manière astucieuse sur les planches qui, parfois, sont élaborées d’un seul tenant pour rendre compte de ses mouvements. D’un procédé que l’on pourrait concevoir comme un gadget lors des premières planches, on se retrouve finalement avec un épisode qui n’est pas superficiel et qui même s’avère décisif pour le récit ; un très beau moment de lecture.
Hawkeye est une série à ne pas manquer, et ce pour n’importe quel amateur de bande-dessinée. Ce second recueil en particulier est incontournable tant il est généreux en moments de riches découvertes.
(par Romuald LEFEBVRE)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
Participez à la discussion