Il y a fort à parier que les Hmongs constituent une découverte à la lecture de ces lignes. Le monde de la culture ne s’est intéressé qu’en de très rares occasions à cette ethnie d’Asie du Sud. Il a fallu attendre 2009 pour que ce peuple soit mis à l’honneur dans le cinéma américain avec le Gran Torino de Clint Eastwood. Quatorze ans plus tard, Vicky Lyfoung fait entrer les siens dans le neuvième art.
La primo-autrice délivre un récit autobiographique condensé ; celui d’une jeune femme incomprise par ses camarades de classe à l’évocation de ses origines, qu’elle-même ne comprenait pas en raison du silence de ses parents. En 2005, le reportage du journaliste Cyril Payen à propos des derniers survivants hmongs vivant reclus dans la jungle puis le décès brutal de son père en 2012 vont la pousser à en apprendre davantage.
Hmong retrace cette découverte d’elle-même et des secrets de famille enfouis, à laquelle l’histoire de ce « peuple libre » (signification du terme « Hmong ») est intimement liée. Pour ce faire, l’autrice a recours à une narration fluide et efficace. Celle-ci allie anecdotes personnelles comme la fuite de ses parents pour la France ; et évènements à la fois mythologiques et historiques, à l’image des alliances commerciales et militaires nouées avec la France puis les États-Unis qui les condamnent à l’exil pour fuir la répression.
Vicky Lefoung dresse un contraste saisissant entre la tragédie de ce récit et le trait super-deformed [1] qu’elle attribue à ses personnages. Le noir et blanc adopté tranche également avec la richesse des informations anthropologiques et historiques délivrées. Le mélange des genres autobiographiques et documentaires nous tient en haleine tout au long de ces 160 planches.
Plus qu’un simple exposé de la culture hmong, le ton très personnel de l’autrice nous plonge pleinement dans sa quête d’identité ; parfois même en se laissant aller à quelques remarques humoristiques pour dédramatiser les épreuves que son peuple a traversées. Le travail important accordé à la contextualisation nous permet de saisir complétement les enjeux liés à la question de cette population ; sans pour autant ressentir l’effet d’être noyé sous les nombreuses informations.
Cette première bande dessinée constitue une très belle découverte en provenance de la collection Encrages de Delcourt. La bande dessinée réussit sa mission principale de nous sensibiliser à l’histoire des Hmongs, forcés de vivre dans l’errance et l’oubli. Pour celles et ceux qui se sont laissés convaincre, Vicky Lyfoung continue sa tournée de dédicaces en France !
(par Alexandre Delaitre)
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Hmong - par Vicky Lyfoung - Editions Delcourt - collection Encrages - 160 pages - Format : 173x237mm - Date de parution : 08/02/2023 - prix : 16,50 euros
[1] super-deformed style graphique dans lequel les personnages sont dessinés avec une tête plus grande que leur tronc.
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