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La politique, pour rire ?

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 31 mars 2017                      Lien  
Et si on gardait l’humour, et avec lui l’espoir ? C’est le sentiment qui ressort de deux nouveautés qui surfent sur l’atmosphère anxiogène de cette période électorale : «Portrait de la France» de François Boucq (Editions I) et «La Vague» de François Durpaire, Laurent Muller et Farid Boudjellal (Les Arènes BD – Demopolis).

La politique, pour rire ?« Pendant des années, je me suis dit : "Je ne suis qu’un amuseur, un peu futile et inutile." À la réflexion, c’est faux. Quand vous avez des coups durs dans la vie, ce qui vous sauve, c’est le rire. Un des malheurs de la vie, c’est qu’on prend les gens au sérieux, et qu’ils se prennent au sérieux. Si on avait vu Hitler sous l’angle grotesque, petit bonhomme agité, disant des stupidités, si autour de lui les gens avaient ri, au lieu de le prendre au sérieux, ça aurait économisé quelques millions de morts. » Cette réflexion est de René Goscinny dont on s’apprête à célébrer les 40 ans de la disparition dans une double exposition à Paris en septembre, au Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme et à la Cinémathèque française.

Certes, il n’y a pas de quoi rire devant la montée des périls : une extrême droite aux portes de l’Élysée, une Russie et une Turquie de plus en plus autoritaires, des guerres aux frontières de l’Europe, un centre de gravité économique qui bascule de plus en plus vers le sud de la planète (Chine, Inde, Brésil…), l’impuissance des gouvernements face aux multinationales et aux instances supranationales (Union européenne, FMI, OTAN…), des nouvelles technologies qui bouleversent complètement notre conception du monde…

Mieux vaut en rire ?

Les défis sont nombreux et complexes, et il n’est pas sûr que le personnel politique, quel qu’il soit, puisse y répondre efficacement. L’économiste Joseph Aloïs Schumpeter avait pointé depuis longtemps, dans Capitalisme, socialisme et démocratie (1942. Payot, 1951), la contradiction profonde entre la démocratie, une utopie politique, et la réalité économique : un système rationnel orienté sur le rendement positif du capital qui tient peu compte du facteur humain et qui s’appuie sur l‘innovation et sa « création destructrice » pour se renouveler sans cesse. Les défis écologiques, géostratégiques, politiques et sociaux qui se présentent à nous finiront peut-être par anéantir un capitalisme qui aura confisqué le politique au profit d’un socialisme qui fera de même. La question est de savoir si ce sont des états ou des entreprises qui régiront ce nouveau monde.

© François Boucq

Ce questionnement est au centre du recueil de dessins Portrait de la France de François Boucq. On y voit en couverture une Marianne à la face déformée par un développement cancéreux que le dessinateur surnomme le Lepénisme. Rien de vraiment bien militant dans cet album financé sur Ulule, juste une grosse inquiétude dont l’auteur s’amuse en prenant tous ces faits, comme le recommande Goscinny, sous l’angle grotesque. Il s’en dégage une petite philosophie qui consiste à trouver la drôlerie dans chaque slogan, dans chaque concept, bref à ne pas prendre au sérieux les invectives, les promesses, les attitudes... Pour ceux qui avaient oublié que l’« esprit français » est avant tout un esprit critique.

Ressac

François Durpaire et Farid Boudjellal
Photo DR

Avouons que nous prenons le troisième volume de la série La Présidente de François Durpaire et Farid Boudjellal, désormais un succès de librairie, avec un brin de circonspection : allait-on continuer à hurler aux loups et à détailler les conséquences de la politique de Marine Le Pen si elle était élue présidente ? D’autant que le dessin de Farid Boudjellal a un peu changé : il devient de plus en plus photographique... Hé non, et c’est là le miracle : Marine Le Pen est à son deuxième mandat et c’est sa nièce qui lui succède. Le pouvoir se renforce grâce aux nouvelles technologies. Ainsi, les informations récoltées par l’ogre Google peuvent calibrer sur chaque individu une politique de sécurité sociale. Exit le déficit ! Idem pour l’information qui sera canalisée en fonction des besoins du pouvoir en place. L’information, mais aussi l’éducation. Exit, la caste enseignante truffée de gauchistes !
Heureusement, devant l’accumulation des inégalités, devant une abdication totale face aux multinationales américaines : Google, Amazon, etc., la société française s’organise face aux diktats des maîtres du monde. Et Le Pen finit par être renversée au profit de… Macron ! Le pouvoir du citoyen coïncidera-t-il avec celui du consommateur ? Les auteurs s’amusent dans cette uchronie qui fait du bien dans cette campagne gagnée par l’esprit de sérieux, et donc forcément grotesque.

© Les Arènes BD

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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Code EAN : 9782352045885

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