Alors vint Marc Silvestri, tombé tout droit de la série X-men où il avait été remplacé, fatigué lui aussi, par le célèbre Jim Lee.
Au niveau des ventes, les records s’enchaînent à la fin des années 1990. Raison à cela : le comic book s’est adjoint, aux côtés du réseau de comic shops spécialisés, des "corners" où se côtoient de plus en plus des figurines et des cassettes vidéos VHS des premiers films de super-héros des années 1990, tournant commercial essentiel qui a reboosté l’industrie US du comic-book, également soutenue par la vogue des Trade Paper Backs (TPB), anthologies de récits anciens classiques s’engouffrant dans la voie ouverte par la vogue des romans graphiques.
Les records de vente ont leur revers : Silvestri, Lee, McFarlane et d’autres qui font exploser les ventes iront fonder le Label Image Comics pour en faire un gros concurrent de Marvel et DC Comics... Mais c’est une autre histoire...
Marc Silvestri donc, une des grosses influences de Jim Lee. Qui, curieusement, influencera son mentor par la suite. Marc Silvestri -influencé d’abord par John Buscema- n’a pas son pareil pour densifier les ambiances horrifiques.
Arrivent ensuite Adam et Andy Kubert, entre autres. Sur ces licences-phares de mutants, les fils de Jo Kubert, légendaire figure de l’Âge d’argent, apparaissent comme des clones de Jim Lee, se fondant dans le moule du méga-vendeur de la Marvel, comme d’autres en cette période de flottement. Ils sont partis pour une longue période créative de navigation à vue, mais là encore, c’est une autre histoire...
Un nouveau (ancien) costume
L’arrivée de Jim Lee pour animer le mutant aux longues griffes est un autre moment marquant. Jim Lee redonne sa tenue Jaune et bleue originelle à Wolverine. Il annonça tout fier la chose à John Byrne, qui reprenait les scénarios des séries X-men après le départ de Claremont. La bouche en cœur, il lui annonce "qu’il lui avait redonné son "vrai" costume !" Il ignorait visiblement que Byrne était l’auteur de son changement... Byrne apprécia moyennement...
Comme il se doit, suite à ces développements, la vie personnelle du mutant griffu va connaître des avatars de toutes sortes. Au fil des épisodes, vont se multiplier les révélations sur son présent et son passé. On va effectivement en apprendre de bien bonnes...
L’embrouillamini des origines
D’abord sur les origines du personnage : comment a-t-il obtenu son squelette et ses griffes en adamantium ? L’excellent "Weapon X" de Barry Windsor-Smith où le dessinateur anglais intervient comme auteur complet (histoire, dessin, encrage, couleurs, lettrage), chose assez rare dans les comics, en donne l’explication : pour en faire une super-arme.
Barry Smith fait joliment valoir sa science des hachures, son style s’inspirant directement des peintres préraphaélites anglais.Cette version des origines de Wolverine va sérieusement contrarier Chris Claremont, qui n’était pas encore parti de chez Marvel. Il avait évidemment sa propre version de l’histoire...
On apprend ensuite, dans le désordre le plus absolu, que Wolvy aurait vécu longtemps seul, à demi-sauvage, nu, dans une région montagneuse du Canada. Qu’il aurait été aussi mercenaire. Et un tas d’autres choses, vraiment beaucoup d’autres choses.
Sa mémoire est suspecte. Dans le cadre du programme X, il a reçu des implants de mémoire. Bien pratique pour gérer les incohérences des scénaristes ! À un momen, on le voit perdre son adamantium, griffes et squelette compris !, et on nous annonce que ses griffes ont toujours naturellement existé, en os, cette fois. Elles sortent de ses mains sanguinolentes. On apprend que leur enclenchement est particulièrement douloureux, depuis toujours...
Heureusement qu’il y a le pouvoir auto-guérisseur ! Wolverine retrouve, on s’en serait douté, son squelette métallique à un moment donné, mais, nouvelle idée aussi brillante que saugrenue, son corps le rejette : l’adamantium est un puissant allergène ! Jusqu’à présent il l’aidait à concentrer son pouvoir auto-guérisseur qui avait tendance à exalter ses pulsions et caractéristiques animales, lui dont la mutation est un processus continu. Voici notre Wolverine qui régresse à l’état sauvage, pour un temps, puis finalement, après moult péripéties, il retrouve enfin son squelette d’adamantium. Ouf !
Et on parle pas de ses innombrables identités, parents, femmes, enfants, clones, sa mémoire partie puis revenue, etc. Pas mal pour un personnage fondamentalement solitaire et secret dont le grand succès dépend en grande partie de sa nébuleuse aura de mystère .
Lein Wein l’avait conçu comme un adolescent de dix-neuf ans. Dave Cockrum l’avait soudainement vieilli autour des quarante ans. Byrne en avait ajouté vingt ans de mieux. Actuellement, il aurait une centaine d’années (merci le pouvoir auto-guérisseur !) et paraît en avoir vécu mille ! Ça doit être ça un super-héros. Sans compter qu’il est censé mesurer 1m60 et que, suivant les artistes, il peut sembler en mesurer le double ! C’est un mutant les gars, pas un magicien !
À un moment, il est décidé par l’éditorial de lui écrire des origines plus précises, avant qu’Hollywood ne le fasse. On estime avec justesse que c’est au département comics de le faire. On découvre donc qu’il s’appelle James Howlett, né dans les années 1880, qu’il est frêle et malade... Oui. C’est alors que tout un tas de péripéties l’amèneront à vivre seul avec des loups dans la montagne...
Mais c’est assez pour aujourd’hui.
Avec tout ça, vous pensez tout savoir sur la création de l’énigmatique Wolverine. Sur celui que Neal Adams voit comme un très vieux baroudeur qui a semé les moutards illégitimes aux quatre coins de la planète (on vous a dit que c’était bien pratique le coup des pertes de mémoires !), sur celui que Marvel s’apprêterait, paraît-il, à faire mourir ? Tss, tss.
Pour rester dans l’esprit comics, on se doit d’utiliser la célèbre formule habituellement en usage dans cet univers : le meilleur reste à venir !
À suivre...
(par Pascal AGGABI)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
Participez à la discussion