En novembre dernier, Louis Delas créait la surprise en démissionnant de son poste de PDG de Casterman.
En fait, cette surprise n’en était pas une : fils de Jean Delas, l’un des fondateurs, avec la famille Fabre qui codirige le groupe, de L’École des Loisirs (un chiffre d’affaires légèrement plus important que celui de Casterman, 110 employés et un bon nombre d’animatrices sur le terrain), il partait prendre la direction de son groupe familial à la suite du départ en retraite de son père : "Le groupe de L’École des Loisirs a vocation à se développer dans d’autres axes éditoriaux que la jeunesse. C’est un choix du groupe depuis longtemps et cela correspond à l’évolution du marché, des réseaux et du métier. En février 2012, nous avons proposé, dans le cadre du projet d’acquisition de Flammarion par Gallimard, de se développer ensemble avec cette alliance entre Casterman et le groupe familial de L’École des Loisirs, Nova."
Mais le nouvel acquéreur de Flammarion refuse : "Cette proposition n’a pas recueilli l’agrément d’Antoine Gallimard. Il a toujours été transparent avec lui ainsi qu’avec les dirigeants du groupe Flammarion et les équipes de Casterman que si Antoine Gallimard ne souhaitait pas donner suite à cette proposition d’alliance, je partirais ; et que dans l’hypothèse de ce refus qui est son droit le plus strict, je développerais un pôle de bande dessinée dans le cadre de notre groupe. Ceci, en aucun cas, j’insiste, en opposition avec Casterman ou qui que ce soit. C’est une nouvelle activité éditoriale qui est en train de naître chez nous -elle n’en est qu’à ses balbutiements, je viens juste d’arriver à L’École des Loisirs- et pour laquelle nous communiquerons quand nous aurons des choses concrètes à annoncer."
Cela dit, L’École des Loisirs a déjà un label de BD, Mille Bulles, dont un certain nombre de nouveautés (sous forme d’achats de droits) sont déjà annoncée pour le Printemps 2013 : parmi les auteurs qui figurent dans ces nouveautés, on remarque Lewis Trondheim, David Chauvel, Fred Simon, David de Thuin, Bruno Heitz ou Richard Marazano. Cela donne quand même une idée de l’orientation. Mais l’heure est à la discrétion et des "grosses surprises" nous sont annoncées : "Il est trop tôt pour communiquer, nous dit Delas, il nous faut préparer tout cela. On est en train de travailler sur le nom de ce nouveau label, il n’est pas encore entièrement entériné. Mais nous ne manquerons pas de vous tenir informés. On communiquera là-dessus au mois d’avril, après le Salon du Livre de Paris."
Cela dit, c’est plutôt chez Casterman, qu’il y a du remous. Dans l’immédiat, on dénombre chez cet éditeur pas moins de quatre démissions de personnes qui vont rejoindre le groupe de Louis Delas. Notamment l’éditrice Nadia Gibert qui devrait prendre en charge les collections BD ado-adultes et Charlotte Moundlic, actuellement directrice artistique jeunesse (Père castor et Casterman) qui prendrait en charge la BD jeunesse du futur label. Une collaboration avec l’ancien patron de Fluide Glacial, Thierry Tinlot, serait également évoquée.
"Gallimard est un partenaire pour L’École des Loisirs"
"Une fois encore, nous dit Louis Delas, j’insiste sur deux points : premièrement le fait que cette démarche est connue depuis un an. C’est en parfaite connaissance de cause qu’Antoine Gallimard a acheté le groupe Flammarion et refusé cette alliance. Gallimard est un partenaire pour L’École des Loisirs [il en assure la distribution. NDLR.] et nous souhaitons qu’il le reste. C’est pourquoi nous avons voulu être transparent et correct. Deuxièmement, les projets de développements, dans le domaine de la bande dessinée, du groupe de L’École des Loisirs ne se font pas avec en confrontation avec qui que ce soit. C’est simplement un projet éditorial nouveau. Après, qu’il y ait des gens, notamment de Casterman, qui souhaitent rejoindre ce projet, c’est logique, c’est la vie des entreprises."
Mais avec ce transfuge d’éditeurs, est-ce que des auteurs vont faire défection à leur tour ? "Les équipes de Flammarion et de Casterman sont tout à fait remarquables mais les auteurs sont libres, nous dit Louis Delas. Ils travaillent pour la plupart dans différentes maisons d’édition. Ils vont là où il leur semble qu’ils sont les mieux accueillis pour des projets bien précis. Casterman est une société qui a deux siècles d’existence et là il s’agit d’un projet d’édition de bande dessinée qui démarre. Il faut comparer des choses qui sont comparables. Il n’y a pas d’histoire de Casus Belli. Il y a un projet éditorial qui, je crois, le plus enthousiasmant possible avec une philosophie de proximité de l’auteur mais aussi avec les libraires, par les temps qui courent c’est absolument essentiel : une sorte de triangle équilatéral entre l’éditorial et la librairie qui est un élément absolument essentiel qui dans les circonstances de marché d’aujourd’hui nous paraît majeur. Ce projet vivra sa vie, Casterman vivra la sienne. Casterman est dans une nouvelle phase qui va se développer avec d’autres gens, et c’est très bien."
Et de temporiser les effets de cette situation : "Tout cela est d’un grand classicisme. Il n’y a pas d’opposition, ni d’agression, au contraire : je n’ai que des bons souvenirs de mon passage chez Casterman où il y a des gens que j’aime beaucoup et qui font magnifiquement leur travail."
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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