Suite à la diffusion du film de Marjane Satrapi & Vincent Paronnaud, Persepolis, par la chaîne tunisienne privée Nessma, des attaques perpétrées par une frange extrémiste de croyants musulmans salafistes contre les locaux de la chaîne ont obligé son patron, Nebil Karoui, à présenter des excuses auprès des Tunisiens.
En cause, une séquence du film où la dessinatrice iranienne représente Dieu avec une barbe, chose proscrite, dit-on, dans l’Islam où le divin ne peut être représenté.
Cette colère extrémiste est d’autant plus étonnante que le film avait été projeté en salle dans tout le pays sans jamais provoquer de réactions hostiles. C’est par Facebook que des menaces de mort et des appels à brûler la chaîne ont été lancés. Dimanche, quelque 200 salafistes avaient tenté d’attaquer les locaux de Nessma à Tunis. Ils ont été dispersés par la police.
Cette affaire intervient alors que les Tunisiens sont appelés aux urnes le 23 octobre prochain pour les premières élections libres depuis la chute du président Ben Ali. Selon l’AFP, les islamistes sont considérés comme les favoris de ce scrutin.
Le principal parti islamiste, Ennahda, a condamné ces violences mais s’est néanmoins montré « choqué » par ce qu’il appelle « les attaques » du film contre les symboles sacrés de l’Islam, un thème repris par le Premier Ministre du gouvernement tunisien et par un collectif d’une centaine d’avocats qui a porté plainte contre la chaîne pour « atteinte aux valeurs du sacré ». Le procureur de Tunis a même ouvert une enquête préliminaire…
Cette histoire jette une ombre certaine sur tous ceux qui espéraient que le Printemps arabe ouvre une ère de démocratie et de tolérance dans le monde arabo-musulman. Le chemin reste hélas encore bien semé d’embûches.
Déjà critiquée par le régime autoritaire iranien, l’œuvre de Marjane Satrapi deviendrait-elle le curseur de la démocratie dans ces contrées, marquant la fin de l’illusion née au Printemps ? C’est visiblement le cas.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
"Persepolis" de Marjane Satrapi est publié à L’Association.
Participez à la discussion