"Tinta Run", un shônen à la française
Le bourg de Mont-Sereny possède une gloire que toute la Mérovie lui envie : le pâtissier Yvano Vitch. Chez qui, placé par sa mère qui espère voir ainsi le bouillonnant caractère de son fils dompté, Arty effectue un stage. Mais d’incompréhensions en provocations, de violences en catastrophes, Arty réveille un pouvoir enfoui en lui et se trouve contraint de fuir le village pour aller plaider sa cause à la Capitale.
Le début d’une aventure rocambolesque pleine d’énergie, de surprise et d’humour. Voilà les ingrédients de base de ce global manga - puisque réalisé par un jeune auteur français - particulièrement dynamique et efficace. Si certains éléments de caractérisation du héros peuvent un peu hérisser le lecteur dans les premières pages, cette impression s’estompe vite et l’on se trouve embarqué dans les péripéties vécues par Arty qui a fort à faire entre sa maladresse propre et la bêtise crasse de ceux qu’il rencontre.
Car la société de Tinta Run pose question à bien des égards, notamment par la place qu’occupe la règle - ici clairement désignée sous le nom de "Doxa". Celle-ci, impérieuse, s’avère d’origine magique et touche le fonctionnement même d’un monde dont Arty va tenter de déjouer les aberrations. Et pour cela, il va s’appuyer sur son pouvoir, une énergie appelée "Tinta", malgré la forme menaçante qu’elle prend chez lui.
Mais tout cela demeure pour le moment traité sur un mode burlesque réjouissant. On l’observe au graphisme et au ton général qui empruntent beaucoup à Dragon Ball et à One Piece, pour leur côté loufoque, jubilatoire et décontracté. S’y ajoute un bon travail sur l’expression des personnages, entre jeux de mots, tics de langage, et autres parlers étonnants qui enrichissement un comique déjà bien installé à travers les situations créées. C’est drôle, et on ne s’ennuie pas une seconde.
Ajoutons à cela que le titre se découvre en sens de lecture français et que son tome deux paraîtra le 4 juillet prochain. Une bonne pioche, donc, mais qui en appelle d’autres : Glénat s’apprêtent à lancer quatre autres mangas d’ici l’été prochain, c’est-à-dire d’ici Japan Expo.
"Versus Fighting Story", "Horion", "4Life" et "Mortician" : d’autres mangas made in Glénat
Le premier de ces titres étonne d’abord par son sujet : l’Esport, c’est-à-dire le monde des compétitions vidéoludiques. Versus Fighting Story s’inscrit d’ailleurs dans le cadre d’une franchise non seulement réelle mais aussi très célèbre : Street Fighter ! Les deux auteurs, Kalon au dessin et Izu, alias Guillaume Dorison, au scénario naviguent dans le monde du global manga depuis quelques années, notamment depuis l’époque de Shogun Mag, revue publiée il y a une douzaine d’années par les Humanoïdes Associés.
Horion se présente lui comme un shonen d’aventure plus traditionnel, à base de pays merveilleux et de pouvoirs mystérieux. Avec un héros parti à la poursuite de son frère dans une quête valant voyage initiatique. Et deux auteurs, Aienkei et Enaibi, apparemment moins rompus au monde de l’édition. Deux volumes à paraître en mai et juillet prochain.
Seinen cette fois, avec 4Life, et sur un univers étonnant étant donné le registre annoncé : celui des magical girls. Mais ici, les héroïnes s’avèrent de jeunes cosplayeuses, victimes d’un accident, héritant des pouvoirs des tenues qu’elles portaient en guise de déguisement, et devant lutter à la fois contre des forces obscures et le mystère de ces pouvoirs qui menacent de prendre possession d’elles. Un pitch original et alléchant, et un duo d’auteurs déjà reconnus : Antoine Dole, aussi connu sous le pseudonyme de Mr Tan et Vinhyu, vainqueur l’an dernier des deuxièmes Tremplins Ki-oon après Yami Shin.
Enfin, c’est une valeur sûre du catalogue global manga de Glénat qui clôt cette vague de publication : un nouveau titre de VanRah, autrice de Stray Dog et d’Ayakashi (avec Izu au scénario pour ce dernier). Outre le tome 4 de Stray Dog annoncé lui aussi pour le 4 juillet, VanRah étoffe l’univers qu’elle a inventé en proposant une préquelle directe de sa série avec Mortician.
Un ensemble qui donne une idée de la manière dont Glénat Manga abordera Japan Expo 2018, avec nombre d’auteurs susceptibles d’être présents lors de la manifestation. Et si la "Frenchtouch" s’avère toujours à la fête lors de l’événement de Villepinte, en témoignent les éditions 2016 et 2017 des conférences consacrées au sujet, Glénat Manga pourra légitimement prétendre nourrir le phénomène. Car comme le dit sa directrice éditoriale Satoko Inaba :
« Aujourd’hui le manga n’appartient plus aux seuls Japonais. Depuis trois décennies il a nourri des lecteurs du monde entier. Il est dès lors légitime que la France, deuxième pays lecteur de manga, voie naître toute une génération de jeunes auteurs bercés par cette bande dessinée et jouant naturellement avec ses codes. »
(par Aurélien Pigeat)
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