Réinventer l’exercice de l’autobiographie est un pari singulier. À 80 ans, l’Américain Jerry Moriarty bouscule tous les codes. Celui-ci propose une narration éclatée en plusieurs moments de sa vie, un personnage imaginaire qui joue les passeurs, et des choix graphiques mouvants. Et l’auteur n’oublie pas d’expliquer son esthétique de « paintooning », une valse créative mêlant BD et peinture, planches contemplatives et narration en cases. Il s’appuie sur son retour à la campagne, lorsqu’il quitte Manhattan pour revenir sur son enfance et son éveil à l’art.
Il faut donc accepter la balade. Les surprises de couleurs parfois enfantines, étalées joyeusement sans chercher à coller au réel. Les dialogues sensibles souvent accompagnés de dessins sommaires, fragiles, qui ne veulent surtout pas voler la vedette à ces souvenirs précieux. Et puis de temps en temps, de superbes tableaux crépusculaires, qui rappellent quelques grands noms de la peinture américaine, s’intercalent. Des moments de grâce.
La liberté et la fantaisie de Moriarty demandent aux lecteurs d’accepter de quitter les sentiers battus, y compris ceux du roman graphique. Mettre en avant l’incontestable originalité de sa démarche ne suffira pas à convaincre les sceptiques. Il faudrait simplement avoir envie de voyager, calé discrètement au fond du train.
(par David TAUGIS)
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