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Calpurnia : la fin du dix-neuvième siècle à travers le quotidien d’une gamine.

Par Jacques Schraûwen le 11 juin 2020                      Lien  
Nous sommes aux Etats-Unis, dans une propriété "blanche" de producteurs de coton. Calpurnia a onze ans, des rêves plein la tête, des révoltes aussi, et un regard sur un monde qui dénie l’égalité des races comme celle des hommes et des femmes !

Bien sûr, officiellement, l’esclavage n’existe plus en cet an de grâce 1899. Mais il n’empêche que les cueilleurs de coton ont la peau couleur d’ébène. Et quand Calpurnia, fille du patron, du haut de sa presque adolescence, veut à son tour cueillir le coton pour savoir ce que c’est comme réalité, il y a cette terrible phrase que lui assène la cuisinière noire : « Tu joues à être un nègre »…

Calpurnia : la fin du dix-neuvième siècle à travers le quotidien d'une gamine.

Cela dit, le racisme omniprésent à cette époque, à travers le monde entier, à travers toutes les races aussi, n’est pas le sujet de ces deux livres. Il en est une des trames, pas plus, au même titre que la famille, le rôle de la femme, le rôle de l’enseignement, une certaine forme de libéralisme.

Le sujet de ces deux livres, c’est l’éveil d’une jeune fille à des envies qui ne peuvent pas être de son sexe. Une jeune fille de bonne famille se doit de savoir la cuisine, d’être bonne musicienne, de faire un beau mariage, d’être dépendante des hommes. Et Calpurnia ne veut pas de ces obligations…

Et c’est là une des belles réussites de ce livre : ne pas juger d’une époque bien précise de l’Histoire au travers des convictions qui sont nôtres aujourd’hui. Calpurnia est une enfant, et ce diptyque, qui est en quelque sorte son journal, nous immerge dans SON époque, dans SA vie, dans SES réalités, pour mieux nous faire sentir le chemin accompli depuis ce dix-neuvième siècle si proche encore. A ce titre, on peut dire que c’est en parlant d’hier qu’on peut le mieux appréhender le présent. C’est d’ailleurs ce que fait Calpurnia en s’opposant, tranquillement, aux diktats de sa mère, des diktats nés d’une tradition qu’elle refuse de suivre, en parlant aussi avec son grand-père, scientifique observateur de la nature, mais aussi, avec un détachement qu’on pourrait qualifier de serein, de la vie quotidienne de sa famille.

Calpurnia est une fille curieuse de tout. Une fille qui se découvre de vrais talents « scientifiques », avec l’aide de son grand-père. Une adolescente qui veut se confronter à la vraie vie, et ne pas dépendre de règles adultes, une gamine qui découvre l’importance que les femmes ont eue dans l’évolution de la science tout au long de l’Histoire, une enfant qui sait que le naturalisme deviendra sa passion, une enfant, oui, qui veut devenir une femme libre, de cette liberté dont on dit, quelque part dans ces livres, qu’elle est une chose aussi rare que belle.

Cette BD est sans doute destinée à un public jeune, de l’âge de son héroïne. Mais elle est aussi un livre pour tous les publics, tous les âges, dans la mesure où c’est de thèmes universels qu’elle parle. Dont celui du féminisme, de la possibilité que chacune a ou devrait avoir d’influer sur le déroulement de son existence.
Avec des références assez évidentes à quelques œuvres de la littérature mondiale, comme Le Petit Prince et sa rose, l’autrice du roman, Jacqueline Kelly, et son adaptatrice en narration dessinée, Daphné Collignon, nous racontent une histoire simple et lumineuse, en y abordant des tas de petits points auxquels chacune et chacun peuvent se rattacher, dans lesquels chacune et chacun peuvent se reconnaître. Comme la complicité entre les âges, entre Calpurnia et son grand-père. Son grand-père qui lui donne, en souriant, un conseil dont on devine qu’elle le suivra toute sa vie durant : « Nous devons fêter chaque échec, parce qu’il indique clairement que notre voyage de découverte n’est pas encore fini. Et c’est le voyage qui compte. ».

Très actuel dans son propos, Calpurnia est un voyage, oui, dans les méandres de la science qui se doit d’être observation et non jugement, dans l’orée d’un siècle qui verra bien des révolutions et des évolutions se vivre. Dans tout simplement une adolescence naissante qui nous dit que tous les rêves peuvent être vécus… Tous les espoirs, donc… Oui, ce diptyque est un voyage dans le monde de l’adolescence, celle d’avant-hier comme celle d’aujourd’hui.

(par Jacques Schraûwen)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN : 9782369816539

Calpurnia – deux tomes - par Daphné Collignon d’après le roman de Jacqueqline Kelly - Rue de Sèvres – 90 pages chaque volume - Sortie février 2020

Lire également une autre chronique d’ActuaBD concernant Daphné Collignon

 
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