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Casti. Quand l’Etat mutile - Par Aubry, Kotelnikoff et Aurel - Delcourt/ Encrages

Par Romain BLANDRE le 22 novembre 2023                      Lien  
Casti, c’est Florent Castineira. Casti est une « gueule cassée » moderne. Casti est aussi un ultra bien connu du stade de la Mosson de Montpellier.

Casti. Quand l'Etat mutile - Par Aubry, Kotelnikoff et Aurel - Delcourt/ Encrages
Casti, c’est Florent Castineira. Casti est une « gueule cassée » moderne. Casti est aussi un ultra bien connu du stade de la Mosson de Montpellier. En ce mois de septembre 2012, il purge son dernier match de suspension pour avoir allumé un fumigène dans le stade quelques temps auparavant.
Comme tout ultra qui se respecte, il rejoint quand même ses compères rassemblés autour de la buvette. Eux vont pouvoir assister à la rencontre contre Saint-Etienne. Alors qu’il est assis à une table, le drame éclate. Casti s’effondre inconscient. Il est touché par un tir de flashball qui l’éborgne.
Débute alors l’histoire de cette Bande dessinée à la fois biographique, puisqu’elle s’appuie sur le témoignage du blessé, et documentaire dans la mesure où le récit est régulièrement entrecoupé d’interviews ou de reportages sur des questions qui entourent l’évènement central : les traditions des supporters, la pluralité de ceux qui se disent victimes des violences policières, la solidarité dans leur combat qu’ils engagent, bien que les circonstances et les faits soient souvent totalement différents selon les cas…

Casti prend tout d’abord difficilement conscience de sa mutilation. Il doit assumer la violence de ce qui lui est arrivé. Il doit supporter ses cauchemars, le regard des autres, et surtout sa différence maintenant qu’il n’a plus qu’un œil valide. Il doit réapprendre des gestes simples comme se servir un verre d’eau ; les borgnes ne perçoivent plus les reliefs. Il se demande s’il doit retirer cet œil mort quitte à se retrouver avec un trou béant en plein visage, ou s’il doit garder ce bandeau qui cache sa nouvelle infirmité. Vivre pacifiquement, relativiser ou laisser éclater sa haine, surtout lorsqu’on le provoque.
C’est à l’aide de ses amis de gradins, mais aussi grâce au soutien des supporters des autres équipes qu’il trouve la voie et la force de se lancer dans un long et difficile procès contre ceux qui lui ont tiré dessus. Les ultras sont rivaux dans les stades mais solidaires devant ce qu’ils considèrent comme de la répression.
L’ouvrage retrace l’enquête, expose les témoignages contradictoires, fait état de la version des policiers qui s’oppose à celle des supporters témoins de la scène. On y retrouve aussi les plaidoiries des avocats et la longue et difficile route pour réussir enfin, plusieurs années après les faits, à se procurer la vidéo des caméras de surveillance. Espoirs et déconvenues s’ajoutent au drame et à une reconstruction difficile.

Mais l’intérêt de la BD réside surement aussi dans les questionnements auxquels le lecteur est soumis au fil des pages : la gestion par les forces de l’ordre des violences lors des manifestations est-elle appropriée et efficace ? Peut-on considérer le flashball comme une arme non létale ? L’IGPN, la police des polices, est-elle totalement neutre dans ce genre d’affaire ? Notre système judiciaire est-il encore adapté à ce genre de problèmes qui sont de plus en plus récurrents (cf les gilets jaunes ou l’intervention dans les ZAD) ? D’autant plus qu’aujourd’hui, il semble plus difficile de faire condamner un individu qui aurait commis une bavure, plutôt que de faire porter le chapeau à l’Etat qui doit assumer les fautes de certains de ses représentants.
« Quand l’Etat mutile » annonce avec fracas la couverture de la bande dessinée scénarisée par Laura Kotelnikoff-Beart et Antoine Aubry et dessinée par Aurel, dans un style proche de ce qu’il produit dans la presse écrite. Titre provocateur qui peut rebuter et qui pourtant n’est que l’écho de la condamnation prononcée en 2018 par le tribunal administratif contre l’Etat qui a dû dédommager la victime au titre des préjudices imputables à l’intervention des forces de l’ordre. Un peu moins de 50 000 euros en compensation de la perte définitive d’un œil…

(par Romain BLANDRE)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN : 9782413049401

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