Réfugiée un temps chez un journaliste lui-même victime d’un drame récent, elle ne supporte pas l’idée de vivre cachée et encore moins celle de mettre en danger son protecteur. Alors Rojin décide de fuir en secret, pensant échapper à ses bourreaux fanatiques qui la cherchent.
S’ouvre ensuite l’odyssée d’une femme qui cherche à vivre libre et qui erre dans certaines parties du monde pour trouver un havre de paix où elle pourra décider de son propre destin. Mais où aller ? Son périple l’amène à Amed, ville du Kurdistan turc afin d’y rejoindre sa tante, seul membre connu de sa famille. Rojin est loin de se douter que cette ville et cette région ne lui sont pas plus favorables et sécurisants que là d’où elle vient. La ville est entre les mains des Turcs qui abusent de leur autorité pour faire subir la violence aux minorités Kurdes et Yézidis : assassinats politiques, pressions et oppressions, passages à tabac et viols en réunion… actes classiques commis dans les dictatures.
Victimes de la haine et de la violence, Rojin décide alors de s’engager dans le combat. La liberté qu’elle n’a pas réussi à acquérir, elle va tenter de l’avoir par la lutte armée aux cotés des Peshmergas qui se battent contre Daesh sur la ligne de front de Syrie. Après un entraînement militaire, elle participe à la bataille de Kobane, occasion pour les deux auteurs de la BD de faire état crument des exactions du groupe terroriste de l’Etat islamique. Cette fois encore les circonstances se retournent contre la jeune fille qui subit le sort des femmes devenues esclaves et vendues comme du bétail.
Mais rien n’est assez fort pour atténuer le désir de Rojin d’accéder à son idéal de liberté. La suite de son histoire la ramène au point de départ parisien, jusqu’au dénouement ultime de son périple.
Les deux auteurs, Kudret Gunes, scénariste et réalisatrice de film, et le dessinateur Christophe Girard ont pris le parti de faire incarner en un seul personnage, Rojin, tout ce que peuvent subir les femmes dans le contexte des guerres et des dictatures religieuses. Certains diront qu’un tel scénario est inenvisageable dans la réalité. Peu importe, l’essentiel est de mettre l’accent sur les violences subies afin de les dénoncer. Ensemble, ils montrent comment les conflits qui se déroulent à des milliers de kilomètres de nos frontières peuvent avoir des conséquences dans notre pays.
Les traditions ancestrales, qui paraissent bien désuètes aux yeux de ceux qui n’ont connu que la démocratie, restent cependant bien ancrées dans certains cercles extrémistes et communautaristes. Si le personnage de Rojin peut alerter les lecteurs et dénoncer cet obscurantisme qui règne parfois juste à côté de chez eux, alors la bande dessinée aura rempli son rôle éducatif et de lanceur d’alerte.
(par Romain BLANDRE)
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