Essayant de s’abstraire du bras de fer qui s’annonce entre le Festival International de la Bande Dessinée et ses financeurs (nous vous en reparlerons bientôt), la Cité de la BD s’emploie à occuper le terrain toute l’année, et notamment lors de cette dernière saison 2016, prélude à une année 2017 qui s’annonce flamboyante avec, en ouverture, une exposition Eisner coproduite avec le FIBD.
Le propre d’un paquebot comme la Cité, c’est que les manœuvres sont pénibles et lentes. Pénibles car le chenal qui mène au public est jonché d’obstacles : la situation d’Angoulême, ville peu touristique en vérité, la complication du marigot politique local, les contraintes budgétaires de plus en plus lourdes, sans parler des incertitudes du FIBD. Lentes car quelles que soient les décisions, on subit toujours les choix faits dans le passé sans pour autant disposer des moyens nécessaires pour assurer l’avenir.
Mais le propre de toute navigation, c’est qu’il faut se fixer un cap et, en dépit des vicissitudes, garder l’œil fixé sur l’horizon. Pierre Lungheretti, le nouveau directeur général de la Cité, s’est fixé un cap : « se faire l’écho des émergences en s’affirmant comme la Cité des auteurs, ouverte sur l’ensemble des public. » [1]
Affiches de bande dessinée
Les expos en cours en ce moment dans la cité en témoignent, tel « Un siècle d’affiches politiques et sociales en bande dessinée », un accrochage dans le bon timing à quelques mois des Présidentielles.
Le parcours est en trois parties : les affiches sous forme de BD du XIXe et du début XXe ; les affiches syndicales et révolutionnaires anonymes de l’avant et de l’après Mai 68, enfin les affiches d’auteurs de BD contemporains où l’on découvre les signatures de Wolinski, de Reiser, de Cabu, mais aussi d’un certain… Brice Lalonde, illustrateur et candidat écologiste.
Il met en lumière deux périodes distinctes : celle du XIXe où c’est surtout la droite qui s’exprime par le dessin avec des thèmes comme l’antisémitisme, l’anti-maçonnisme et l’anticommunisme. Puis, à partir de 1969, où il y a comme un basculement, où les auteurs de BD s’expriment plutôt autour de slogans de gauche, voire libertaires.
Appuyée sur les trésors du collectionneur et érudit de la caricature Michel Dixmier, co-commissaire de cette exposition avec Thierry Groensteen, ces documents nous font toucher du doigt toute la puissance de l’image, mais aussi à quel point les slogans ont peu changé en deux siècles ; scandales, accusations de corruption, promesses sans lendemain semblent les constantes de la communication politique. De quoi donner une perspective un peu plus longue aux affrontements du moment…
Émergences
Autre moment d’éducation civique à Angoulême, c’est cette exposition de panneaux, « Suivre Charlie : dessin, citoyenneté et liberté d’expression ». Destinée à circuler dans tous les lieux éducatifs et culturels (bibliothèques, centres culturels, etc.), cette suite très didactique remet en place certaines idées fondamentales un peu bousculées depuis l’attentat de Charlie en janvier 2015 et notamment le fait que le journal satirique du mercredi est l’héritier d’une tradition qui remonte à plusieurs siècles.
Après ces regards vers le passé, le Musée d’Angoulême ouvre aussi ses cimaises à des artistes « émergents » tel Frédéric Logez et ses « Portraits debouts ». Ce n’est pas un auteur de BD, mais plutôt un peintre et un plasticien venu du Nord. Sur des espèces de dazibaos, il fait le portrait de gens de sa région en grandeur nature et raconte leur histoire en BD. Le récit est fragmenté, comme le souvenir de ces gens, vecteur mémoriel inédit, qui croise les techniques des différents arts.
Trois expos en un seul lieu, sans compter la très riche collection permanente, Angoulême reste une attraction, même en dehors du Festival.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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Cité internationale de la bande dessinée et de l’image
Jusqu’au 31 décembre 2016.
Photos : D. Pasamonik (L’Agence BD)
[1] Editorial de la brochure de la saison culturelle 2016-2017.
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