Dans mon précédent billet daté du 8 avril 2020, les nouveaux croyants de la santé publique me répondant dans le forum se complaisaient à prendre les citoyens comme des enfants assez débiles pour risquer leur vie en allant acheter des livres chez des libraires aussi irresponsables qu’eux. Il ne fallait pas selon eux que les libraires rouvrent !
Pourtant, je réaffirmais dans le même article les précautions à prendre : distanciation, masques, lavage des mains, gestes barrières, éviter les rassemblements inutiles… Je pointais la solution du « take away » avec, comme dans les pharmacies, une guérite de protection, des gants, du gel… Comme c’est le cas aujourd’hui dans les grandes surfaces. Alors oui, c’était jusqu’ici acté par le gouvernement, le livre n’était pas nécessaire, les libraires, les éditeurs, les imprimeurs et les auteurs non plus. Il est vrai que nous avons tous dans nos bibliothèques des livres qui mériteraient d’être lus et relus, alors on peut bien attendre quelques jours.
Mais à l’avenir ? « Réfléchir à long terme est une mauvaise méthode pour résoudre les problèmes économiques, professait le grand économiste John Maynard Keynes. Car à long terme, nous serons tous morts. » La sentence est connue. Effectivement, c’est de court terme qu’il faut parler. Pourquoi attendre le 11 mai pour remettre la machine du livre en route ?
« Faut-il s’attendre à des faillites ou à une vague de licenciements ? Oui, sur les deux points » déclarait cette semaine à Livres-Hebdo Vincent Montagne, président du Syndicat National de l’Édition et du groupe Média-Participations, propriétaire de Dargaud, Dupuis, Le Lombard, Kana et Urban Comics. Et de préconiser pour les industries culturelles et créatives un plan de « 8 à 10 milliards d’euros pour éviter un désastre économique. » Sachant qu’à la rentrée, d’ores et déjà : « Il y aura moins de titres. Et aussi certainement moins d’éditeurs… »
Contre-mesures
Dès lors, il faut arrêter de chipoter et mettre en place dès à présent des moyens de relancer l’activité, surtout pour les petites structures. Car si la logistique fonctionne de façon sécurisée pour Amazon, pour la FNAC ou pour La Poste, chacun mettant en place les stratégies d’une économie de guerre, pourquoi ne le pourrait-on pas pour les petits éditeurs et les librairies indépendantes ?
Le réseau de Canal BD (plus de 100 points de vente spécialisés) maintient jusqu’à ce jour la fermeture de ses points de vente. Grand bien lui fasse ! Pourtant, depuis le 21 avril 2020, Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances, Cédric O, secrétaire d’État chargé du Numérique, et Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie et des Finances, ont déclaré encourager le « click & collect », l’achat à distance et le retrait de commande ou la livraison pour les points de vente qui n’auraient pas l’autorisation de recevoir du public en raison du Covid-19. La chose figure en clair sur le site du Ministère de l’économie. : « Les activités d’achat à distance et de retrait de commande « click & collect » ou bien de livraison sont conformes à l’article 8 du décret du 23 mars 2020, sous réserve de l’application des mesures barrières. Elles constituent un relais d’activité précieux pour les commerçants en cette période. »
Débrouille
Les distributeurs de BD ont compris le mot d’ordre. Déjà Madrigall (Casterman, Futuropolis, Denoël Graphic…) ou MDS (groupe Média-participations) se sont remis à fonctionner avec, pour Madrigall, la possibilité d’une livraison logistique directe au client, en toute transparence, pour une commande effectuée auprès d’un libraire. Le petit diffuseur indépendant Makassar n’a jamais cessé son activité logistique avec une équipe réduite respectant les conditions sanitaires, les envois se faisant La Poste, GLS ou à disposition au comptoir pour les libraires de Paris et de la région parisienne.
De nombreux points de vente à Paris ou en province, comme La Réserve à Bulles à Marseille, BDLib à Evreux, Le Comptoir de la BD à Boulogne-Billancourt ou Hisler BD à Metz ont d’ores et déjà mis en place leur « Drive-In ». Le système consiste à proposer au client de passer commande sur le site de la librairie, de payer par carte bleue, puis de se faire livrer les ouvrages ou être invité à venir les chercher à un guichet sécurisé dans un créneau horaire défini une ou deux fois par semaine.
C’est de la débrouille, mais cela permet d’attendre l’échéance du 11 mai dont on ignore de toute façon quelles seront les conditions d’application. Hauts les cœurs !
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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