Cette intégrale regroupe tous les « Frank Margerin Présente » parus d’abord dans Métal Hurlant et plus tard dans la revue Rigolo depuis les débuts en 1976 jusqu’en 1989. Viennent s’ajouter quelques dessins inédits issus de la collection privée de l’auteur. On constate que dès les premières planches, le tout jeune Frank avait déjà son propre style où il dépeint avec humour la vie de ses contemporains. Sa force, c’est le souci du détail qu’il ne cessera de développer tout au long de ses séries à succès. Lorsqu’il nous décrit un bistrot ou une épicerie, tout y passe jusque dans les moindres recoins. Ce qui nous replonge non sans une certaine nostalgie dans une époque révolue où tout n’était pas rose mais la mémoire humaine étant sélective, on ne retient que le meilleur et on en rigole. On s’amuse à reconnaître une panoplie d’objets kitchs des années 70 et 80 comme la tour Eiffel dans la boule à neige posée sur l’énorme poste de télévision gros comme un aquarium ou encore la danseuse espagnole de flamenco en plastique qui pendait au rétroviseur (objet totalement inutile mais très distrayant qui a sans doute causé plus d’accidents que le portable au volant de nos jours).
Mais Frank Margerin, c’était aussi dès le début, en plus de son sens inné de l’observation, une imagination des plus florissantes au service de l’humour. Aux cotés des Moebius, Druillet et Dionnet, dans Métal Hurlant, il a garni ses planches d’extra-terrestres, le magazine étant porté sur la science-fiction. Ceux-ci venaient observer et souvent ensuite imiter le comportement étrange des humains. Cela débouche sur des situations très drôles voire cocasses. On s’amuse déjà beaucoup avec les frasques de ces petits Martiens mais la grosse tranche de rire arrive avec des gags hilarants comme « Les Cinq Dernières Heures » où l’auteur imagine quel serait le comportement des gens s’ils apprenaient qu’il ne leur reste que ce court laps de temps d’existence. On assiste à un délire généralisé de toute beauté. Les zygomatiques en prennent un sacré coup et cela fait du bien jusqu’à en pleurer.
Par la suite, on retrouve des personnages haut en couleurs et tellement authentiques dans des gags à thème tels la télévision, les voitures, les animaux domestiques, etc., véritable étude sociologique du comportement humain au quotidien toujours servie avec cet humour efficace et ce même talent narratif. De la franche rigolade avant tout nous affirmerait Frank Margerin.
Il est à noter que ces planches que l’auteur de Lucien a dessinées entre deux albums de ses séries phares ont, pour certaines, déjà été publiées dans les albums Alerte aux envahisseurs, Tranche de brie et Tutti frutti. Les retrouver dans cette intégrale et en enchaîner la lecture chronologique permet d’apprécier l’évolution du talent de Frank Margerin et procure par la même occasion une cascade continue de rires provoquée par un déluge de gags. En attendant un prochain album de Lucien que l’on souhaite vivement, ce recueil vient combler un vide.
(par David SPORCQ)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.