200 originaux ! Au travers desquels on découvre l’étendue du talent de l’un des auteurs les plus populaires du 9e Art, pendant plus de cinquante ans (1964-2010). Nous avons là des pièces provenant de ses plus grandes séries : XIII, Bob Morane, Bruce J. Hawker, Bruno Brazil, Ramiro, Howard Flynn, Ringo... Depuis la dernière vente à la galerie Maghen en 2006, on n’avait jamais vu autant d’œuvres rassemblées dans ce qui est probablement l’ultime exposition-vente faite par l’artiste.
William Vance, très affaibli depuis plusieurs années par une maladie dégénérative, n’a pas pu être présent mais son fils, qui a fourni l’essentiel de ces planches à cette occasion, le représentait. De même que Jean Van Hamme venu, « à la demande de Daniel Maghen », rencontrer les journalistes.
Il faut dire qu’une partie sa collection et de celle de son épouse Huguette se retrouve sur les cimaises. On sait que le scénariste imposait à ses partenaires de jeu de recevoir quelques planches de chaque album. Au bout de quelques années, la cote de ces artistes s’étant envolée vers des sommets, cela représente un patrimoine croquignolet, comme dirait Jupiter. Jean Van Hamme n’a pas d’état d’âme : « Il me reste peut-être vingt ans à vivre nous dit le scénariste du haut de ses 78 ans, mes enfants ont la cinquantaine. Autant qu’ils en profitent !... »
Du dessin de William Vance, vous aviez émis cette formule un peu vacharde : « Il ne dessine que des faces et des profils, jamais de trois-quarts… »
Ce n’était pas moi qui l’avait inventée, j’ai dû lire ça quelque part… Mais c’est exact (rires), ce qui n’enlève pas grand-chose à l’efficacité de son trait.
Est-ce que la bande dessinée n’est pas justement cet art pauvre dont les moyens sont limités ?
Oui. On n’a déjà pas le son, on n’a pas le ralenti. On est donc déjà un peu déforcés par rapport au cinéma. Il y a certains effets que l’on ne peut pas assumer. Peu de dessinateurs peuvent traduire des éléments de scénario comme « On pouvait lire dans son regard toute l’amertume qu’il avait accumulée depuis vingt ans… »
Tout l’art n’est-il pas de suppléer à ces manques ? Comment Vance s’en sort-il ?
Il y a deux choses très fortes chez lui. Le décor d’abord. Il est un extraordinaire décoriste, alors que beaucoup de dessinateurs s’en soucient peu ou le délèguent à un assistant. Dans XIII, par exemple, il a vraiment un décor qui frappe, et plus on est dans un quartier où les maisons sont croulantes, dégueulasses, ou dans une maison de passe où les femmes sont affriolantes, plus c’est réussi.
Ses personnages féminins sont vraiment superbes. Il parvient vraiment à les faire exister, plus facilement encore que le personnage principal qui est moins intéressant, c’est une sorte de Tintin. De Bob Morane en passant par Bruno Brazil jusqu’à XIII, c’est un formidable illustrateur. Le mouvement est parfois un peu raide mais, quand il le sait, le scénariste favorise toujours ce que le dessinateur sait bien faire. Je travaille comme cela avec tous mes co-auteurs. Ils ont en commun d’être incapables de dessiner un bébé, mais les peintres du XVe siècle ne le savent pas davantage ! Quand il s’agit de dessiner un baiser, William n’est pas terrible à ce niveau-là. Les scènes de lit, les scènes d’affection avec Jones ou une autre manquent un peu de chaleur.
En même temps, XIII n’est pas très à l’aise avec les femmes. Est-ce le dessin qui a dicté cet infléchissement ?
Peut-être. Mais c’est surtout parce que cela n’amuse pas William. Donnez-lui une scène de bagarre entre militaires et ce sera parfait.
Le style en dessin n’est-il pas précisément fondé sur les défauts d’un dessinateur ?
Évidemment, William excelle dans les uniformes et les armes. Je ne lui en ai pas fait assez, il le regrette d’ailleurs. Pour lui, Rouge Total ou S.P.A.D.S. étaient le sommet de la série. Le personnage de Ben Carrington est celui qui convient le plus parfaitement à Vance. J’ai connu Vance en lisant Bruno Brazil et les Bob Morane quand ils paraissaient dans Tintin. Brazil accumulait tous les clichés greguiens imaginables mais ça fonctionnait bien. C’est Greg qui me l’a présenté, c’est une histoire connue... Je débutais. Outre les décors, Vance faisait des gueules de mauvais formidables.
La BD a-t-elle changé ?
Oui, je peux le constater en tant que membre du jury du Prix Diagonale. Je reçois 120 bouquins sur lesquels il y en a 80 qui ne m’intéressent pas. Il y a de plus en plus d’adaptations de romans… Où est l’imagination dans tout cela ?
C’est un constat d’échec ?
Pour moi, c’est un constat d’appauvrissement de l’imaginaire et donc un impasse pour la création de nouveaux héros. Ce n’est pas un échec : parfois c’est bien. Et puis les séries n’existent plus : on fait un one-shot et, si ça marche, on en fait d’autres.
C’était mieux avant ?
J’ai connu la belle période, pas seulement en bande dessinée. C’étaient les Trente Glorieuses, de 1946 aux années 1973-1974. On pouvait encore se faire une place parce qu’il y avait moins d’auteurs…..
Avec l’arrivée de Trump à la présidence aux États-Unis, est-ce que le scénario de XIII, Rouge Total n’est pas en train de se réaliser ?
Donald Trump est isolé, il n’y a pas un véritable complot. Je ne suis pas sûr qu’il ait les militaires avec lui, même s’il a augmenté le budget de l’armée. Mais c’est tout à fait plausible que cela ait pu tenter certains conservateurs. Les États-Unis se mêlent de la vie des autres pays et nous ne nous mêlons pas de la vie des États-Unis. Ils peuvent faire une révolution, nous nous contenterons de la constater. Idem pour la Chine. La sortie de l’OTAN ? Ce sera autre chose et plus l’OTAN. La vie aux USA n’est pas rose pour tout le monde, surtout quand on a un Trump qui massacre systématiquement tout ce qu’Obama a essayé de faire. C’est sans grande conséquence, je crois. Par contre, en Europe, nous avons un populisme de droite qui se dégage en Hongrie, en Autriche, en Pologne… C’est une tentation en période de crise parce que la gauche veut faire du social, mais il faut pour cela les moyens… Elle perd donc des plumes. L’extrême-droite encourage la création d’argent qui va à ceux qui sont bien obéissants.
C’est ça, le monde du futur ?
Je le crains, oui.
Propos recueillis par Didier Pasamonik
(par Didier Pasamonik - L’Agence BD)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
Rétrospective William Vance – Expo-vente de la galerie Maghen
Espace Commines – Jusqu’ au 31 octobre 2017
17 rue Commines (Paris 3e)
Métro : Filles du Calvaire (ligne 8)
HORAIRES D’OUVERTURE
Du jeudi au mardi : 10h30 – 19h
Mercredi : 10h30 – 16h
L’exposition sera prolongée à la Galerie Daniel Maghen (Paris 6e) du 2 au 18 novembre ; une centaine de planches seront exposées dont une cinquantaine d’originaux de XIII.
Galerie Daniel Maghen – Du 2 au 18 novembre 2017
47 Quai des Grands Augustins (Paris 6e)
Métro : Saint-Michel (ligne 4)
HORAIRES D’OUVERTURE
Du mardi au samedi : 10h30 – 19h
Participez à la discussion