Il est comme un de ces astres pris dans un mouvement képlerien qui subit des attractions multiples dans sa révolution. Dans la musique, son orbite est plus courte et l’astre apparaît plus souvent, d’autant que le chanteur est pratiquement toujours sur la route, sauf en temps de Covid.
Dans le roman, ces dernières années, c’est aussi plus régulier, mais avec des éclats différents. Mais dans la bande dessinée, l’orbite est plus longue et on s’étonne à chaque fois de le voir réapparaître, au point que dans la fiche consacrée à Kent sur Wikipedia, ces grands intellectuels anonymes au savoir approximatif, ses bandes dessinées n’apparaissent pas dans sa bibliographie.
Or, la dernière fois, ce n’était pas il y a si longtemps : c’était en 2019, dans une biographie d’Elvis Presley avec Patrick Mahé, Elvis – entre ombre et lumière (Delcourt/Seuil) que notre chroniqueur maison, fin connaisseur de Rock et de BD, David Taugis, qualifiait de magistral ! Cela a dû échapper aux pompeurs shadokiens de l’encyclopédie américaine en ligne.
Benjamin Herzberg, un Français qui habite Washington, a depuis longtemps Kent dans son radar. Aucune de ses révolutions ne lui a échappé. « Voilà quelqu’un qui donne beaucoup de lui-même, dans la musique et dans la BD » nous dit-t-il avec admiration. Au point qu’il a décidé de concevoir et de produire un documentaire pour lui rendre justice. Le titre fait allusion à sa BD sur Elvis : « Kent, auteur de BD, entre ombre et lumière ». Un clin d’œil appuyé.
Un documentaire touchant, où l’artiste se livre. Quand il publie ses premières pages dans Métal, la réception est plutôt bonne, certaines de ses histoires se trouvant traduites dans plusieurs langues. « Il s’en est fallu de peu pour que ce soit le moteur principal, la bande dessinée. nous confie-t-il On n’aurait pas eu la chance qu’on a eue au début avec Starshooter, parce qu’on a vraiment eu beaucoup de bol pour se faire connaitre, peut-être qu’aujourd’hui je serais un dessinateur de bande dessinée qui fait de la musique pour se distraire… »
Mais bientôt l’astre Métal Hurlant se met à pâlir et son autre éditeur, Futuropolis, se retrouve vendu à Gallimard tandis que son fondateur, Étienne Robial, s’en allait faire de la maquette chez Canal +. Pire : son scénariste et complice en bande dessinée, Philippe Bernalin, vient à mourir. « Tout cela en l’espace d’une année... », constate Kent. Dès lors, l’attraction de la musique fut plus forte.
Pas évident de revenir dans ces circonstances : « Il n’y a rien qui m’inspirait pour faire une nouvelle BD, avec en plus, ce complexe de la légitimité : quand je rentre dans un magasin de BD et que je vois la multitude d’albums, je me dis : - qu’est-ce que je viens foutre là-dedans. J’ai l’impression que je participe à un embouteillage… » Fausse impression. Chaque auteur est singulier, chaque lecteur est singulier, pourquoi empêcher une rencontre ?
D’autant que cette production n’est qu’une des facettes de la personnalité de l’artiste : « Le point commun entre la musique, la bande dessinée et le roman, dit-il, c’est l’inspiration. À un moment donné, une idée germe. Je ne me dis pas, chaque fois que j’ai une idée, que je vais soit faire un livre, soit une BD, soit une chanson… » C’est le centre de gravité et la puissance d’attraction des astres contraires qui en déterminera la destination. Tout cela est très bien raconté dans le documentaire de Benjamin Herzberg. « Magneto, Serge ! »
Propos recueillis par Didier Pasamonik, avec la complicité de Benjamin Herzberg.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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La biblio-BD de Kent :
1982 : SALES AMOURS, Kent Hutchinson, Les Humanoïdes Associés
1984 : AFRICAN NIGHT FLIGHT, Philippe Bernalin et Kent Hutchinson, Les Humanoïdes Associés
1984 : MA VIE EST FORMIDABLE, Les Humanoïdes Associés
1985 : CIEL DE SABLE, Bergouze et Kent Hutchinson, Futuropolis
1985 : L’ENFER BLANC, Bergouze et Kent Hutchinson, Futuropolis
1986 : LE DICTATEUR FRANÇAIS, Bergouze et Kent Hutchinson, Futuropolis
2005 : À L’EAU, LA TERRE, Kent, Alofa Tuvalu et Agence pour le développement et la maîtrise des énergies (ADEME)
2006 : L’INVASION DES MÉGAPOUBS, Kent, Agence pour le développement et la maîtrise des énergies (ADEME)
2008 : L’HOMME DE MARS, Kent, Actes Sud BD
2019 : ELVIS (OMBRE ET LUMIERE), Patrick Mahé et Kent, Seuil – Delcourt
"Kent, auteur de BD, entre ombre et lumière" © GASP ! Editions, tous droits réservés.
Un film documentaire diffusé en ligne, produit et réalisé par Benjamin Herzberg . Prises de vues, son et montage : Agence No-Mad - Farid Kounda et Jérôme Weibel - no-mad.fr. Entretien mené par et grâce à l’aimable participation du journaliste Laurent Jaoui.
Retrouvez Kent sur son site KENT ARTISTE
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