Lorsqu’elle rejoint son frère dans l’ancienne demeure familiale, Éléonore apprend que leur père, qu’ils croyaient mort, est bien vivant. Au fil des échanges entre les deux jeunes gens et avec les rares voisins de cette demeure isolée, les souvenirs resurgissent. De lourds secrets de famille vont refaire surface au cours de ces étranges retrouvailles. Qu’est-ce qui a pu pousser ce père à tout quitter du jour au lendemain ? Quel rôle ont joué ces voisines aux attitudes ambiguës et parfois contradictoires ? C’est par Théo, le fils d’Eléonore et ses étranges visions que cette énigme trouve en partie sa conclusion.
À l’image du décor hostile et oppressant de cette histoire (tempête de neige sur fond de grisaille et de lande triste et désolée), cette immersion dans l’obscurité des rapports humains et des non-dits plonge le lecteur dans la confusion des sentiments et le doute avant un dénouement lent et progressif.
Après des études aux Beaux-Arts de Tournai, Nicolas Delestret a entamé une carrière de dessinateur chez Delcourt (L’homme qui rit avec Jean David Morvan. Après un passage chez Dargaud (Les enquêtes d’Andrew Barrymore) il a rejoint les éditions Bamboo en 2017 avec Adieu, monde cruel sur un scénario de Stéphane Massard et Jean Rousselot.
Après cette épopée macabre autour du sentiment de vie ratée et du désir de suicide, il s’attaque désormais à un récit dense, souvent bavard, révélant peu à peu la part d’ombre de secrets de famille.
Aussi bien par le sujet que par son traitement narratif, l’auteur qui assure ici scénario et dessins aborde une thématique peu courante dans le format album. Pas de coups de théâtre tonitruants ni d’effets spectaculaires mais la construction lente et patiente d’une histoire mêlant l’intrigue autour de la disparition mystérieuse du père et le difficile rapprochement du frère et de sa sœur. Si on peut regretter quelques lenteurs dans la narration et un graphisme assez convenu, mais par son audace, cette entreprise courageuse et originale suscite l’intérêt.
Au final, on est assez vite embarqué dans cette chronique sombre, complexe mais chaleureuse, au graphisme souple et fluide. En dépit d’une grande abondance de texte, l’ensemble séduira le lecteur amateur de huis clos et de drame familial psychologique. Une initiative suffisamment peu fréquente au sein du label Grand Angle pour que l’on s’y intéresse.
(par Patrice Gentilhomme)
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