Paris, 1825. Victor Hugo est avachi sur son bureau : il rêve. Sa voiture, perdue au beau milieu d’une route de campagne, s’arrête devant un arbre sur lequel poussent de drôles fruits : « Des pendus ! » Trois hommes, paupières et bouches ouvertes, tanguant doucement la langue au vent, émettent une plainte à son oreille : « Victor... Victor... C’est toi qui nous as tués. »
Commence alors le temps du grand tiraillement – une vraie tempête sous ce crâne plein de vers ! « Guillotiner, ou ne pas guillotiner ? », telle est la question. Finalement, il tranche (enfin si j’ose dire) : ça sera « non » !
Victor Hugo se lance à l’assaut des bourreaux, écrit d’arrache-cœur et d’arrache-pied, tire et tire sur la corde de son génie (et pas du pendu), renverse la table et fait tourner les autres – oh, pauvre Léopoldine ! – puis enfin s’exile à Guernesey où son seul regret sera, dit-il, de mourir avant « elle » (c’est-à-dire la peine de mort) mais aussi après « elle » (c’est-à-dire sa fille).
Au tout début, je me suis dit : « Cette BD n’a aucun intérêt », c’est un sujet éculé, vu et revu, un nouveau moyen pour les Français de ne pas avoir à se frotter au texte, à lire les livres ; car après tout, il faut bien leur mâcher le travail à ces enfants, pas vrai : ces pauvres petits enfants qui pourtant ont les dents longues...
Selon un récent sondage, 55 % des Français seraient favorables au rétablissement de la peine de mort (de vraies dents de loup finalement !). Le père Hugo, cocu de ses idéaux, doit certainement se retourner dans sa tombe en entendant ça, et Robert Badinter, vieux ténor enroué du barreau, rester sans voix !
À croire que la quatrième de couv’ de la BD a visé juste : en effet, « le sujet est d’une brûlante actualité », et mieux vaut abandonner l’idée de faire lire aux gens une biographie d’Hugo ou ne serait-ce que quelques lignes du Dernier jour d’un condamné... ça serait peine (de mort) perdue.
Décidément, les Français ne méritent pas la France ; et comme disait Voltaire : « Allez, mes Welches [Français], Dieu vous bénisse ! vous êtes la chiasse du genre humain. Vous ne méritez pas d’avoir eu parmi vous de grands hommes qui ont porté votre langue jusqu’à Moscou. C’est bien la peine d’avoir tant d’académies pour devenir barbares ! »
(par Florian UZAN)
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