Pour avoir convoité une nymphe d’Artémis, le satyre Eustis a été banni. Seul parmi les humains, il garde néanmoins sa joie de vivre et son amour pour la dive bouteille. En venant en aide à un fantôme, il s’attire les bonnes grâces de la déesse Hécate, qui lui indique un moyen de mettre fin à son exil du monde des dieux.
Il lui faudra ni plus ni moins se rendre aux Enfers et convaincre Hadès de libérer l’un de ses hôtes. Eustis, Ulysse des temps modernes, est prêt à tout pour retourner chez lui. Il accepte la quête, accompagné par un vieil érudit et un fantôme antique.
Le récit prend de l’ampleur progressivement dans un décor contemporain magnifié par les couleurs vibrantes et le dessin éblouissant de Fabrizio Dori. Puis Eustis le conteur nous plonge dans la beauté sauvage de l’Antiquité où faunes et satyres s’ébattent dans des territoires vierges. Après quelques séquences pleines d’une mélancolie à la fois joyeuse et poétique, la quête d’Eustis commence et le lecteur est happé par un récit haletant, drôle et d’une incroyable richesse visuelle et narrative.
Fabrizio Dori connaît le milieu de l’art sur le bout des doigts et a déjà exposé ses travaux dans toute l’Italie. Il y a publié le roman graphique Uno in diviso. Le Dieu vagabond est sa seconde bande dessinée publiée en France, après Gauguin, l’autre monde, déjà chez Sarbacane.
Comme dans son précédent album, l’auteur milanais rend hommage à un peintre. Après Gauguin, c’est Van Gogh dont on retrouve les couleurs et les motifs. Comme lui, le dessinateur utilise des volutes de traits pour figurer les tournesols, la nuit étoilée ou la végétation touffue.
Mais le peintre d’Arles n’est pas la seule référence du virtuose Fabrizio Dori, qui joue des références et des styles pour notre plus grand bonheur. Les divinités antiques sont représentées dans un style digne des plus belles heures de l’art nouveau et des cases rappellent les motifs peints sur les amphores gréco-romaines : c’est un éblouissement visuel à chaque page.
Les références sont omniprésentes, mais elles sont transformées et modernisées. Les divinités, immortelles par définition, sont encore vivantes de nos jours mais ont subi les effets du temps. Arès, le dieu de la guerre, est représenté en soldat américain atteint de stress post-traumatique suivi par le psychologue Chiron. Le territoire d’Aphrodite, déesse de l’amour et de la sexualité, est une gigantesque fête foraine où règnent les tentations et la publicité. Même le Little Nemo de Winsor McCay, une sommité d’un autre genre, fait une apparition inattendue dans ces pages.
Le récit tisse des va-et-vient constants entre les récits mythiques et notre quotidien, parvenant avec brio à montrer que, de l’antiquité gréco-romaine à nos jours, les aspirations des hommes sont identiques. Tous sont préoccupés par la quête de sens et la réalisation d’un destin personnel, qu’il s’agisse de gloire, d’amour ou d’art.
(par Lise LAMARCHE)
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Tous les dessins sont sous © Fabrizio Dori / Sarbacane 2019.
Le Dieu vagabond - Par Fabrizio Dori - Éditions Sarbacane.
160 pages, 29,8 x 1,8 x 22,1 cm.
Sortie : 2 janvier 2019. Prix : 25,00 €