40 millions d’albums vendus et 400 millions d’euros de chiffre d’affaire, 0,3% de croissance en chiffre d’affaire dans une croissance du livre qui se chiffre à 3,4% en volume, ainsi se solde –positivement- l’année 2009 après un tassement de plusieurs années, d’après la société d’études de marché GfK. Confirmant les analyses du rapport 2009 de Gilles Ratier sur la production de la bande dessinée en France, la crise n’a pas touché le monde de la BD cette année : « Le livre et la bande dessinée résistent bien à la crise, comme la vidéo et le cinéma » observe Céline Fédou, chef de groupe du marché du livre chez GfK qui publie opportunément ces chiffres à la veille du Festival d’Angoulême.
Les chiffres Ipsos/Livres-Hebdo se montraient pourtant moins affriolants à la fin de l’année dernière, au point que Gilles Ratier, toujours un peu alarmiste, titrait son dernier rapport en parlant d’une « vitalité en trompe l’œil ». Pourquoi un institut d’études voit-il un verre à moitié vide et un autre un verre à moitié plein ? « Ipsos ne suit pas du tout les ventes en ligne, nous objecte Céline Fédou, Or, elles pèsent pas mal sur le marché. Nous avons aussi plus points de vente sondés qu’Ipsos, ce qui explique les petits écarts. »
Or, croissance il y a et ce sont principalement les enseignes culturelles (FNAC, Leclerc, Virgin…) qui en sont les responsables, compensant cette année le recul de la grande distribution
Une année Astérix
Est-ce qu’Astérix expliquerait tout ? Sa potion magique a-t-elle dopé les ventes ? « Oui, ses ventes sont énormes sur ce marché, nous répond-on. Les gens n’étaient pas obligés de l’acheter. Ils auraient pu acheter du « Twilight »… Le choix s’est porté sur la BD, c’est un fait. Ce sont vraiment les librairies culturelles (FNAC, Leclerc…) et Internet qui tirent la croissance. On est à plus de 19% d’augmentation cette année sur Internet, ce qui explique que les chiffres d’Ipsos diffèrent un peu des nôtres. »
Quand on examine les listes des best-sellers, on s’aperçoit que, contrairement à ce que prétendent certaines pythies alter-éditoralistes, la BD classique a encore la cote –on l’a vu notamment avec le retour des Passagers du Vent. Les nouvelles formes éditoriales (intégrales, romans graphiques) dynamiseraient-elles le marché ? L’une comme l’autre le font, en fait. On peut presque dire que le marché progresse sur ses deux jambes : « Il suffit de regarder le podium : c’est Astérix, Naruto, Blake & Mortimer qui dominent… Ce sont les grands éditeurs qui concentrent la croissance. Ce sont aussi les circuits comme les points de vente multimédias qui marchent le mieux. En fait, cette croissance provient d’une alchimie entre ceux que l’on attend –On sait que « Blake & Mortimer » sera dans le Top 5- et ceux qu’on n’attend pas, comme « Happy Sex » de Zep en troisième place cette année-ci. C’est ce mélange-là qui fait que le marché est stable. »
Premiers chiffres négatifs pour les mangas
Les mangas en revanche essuient leur premier ressac après plus de 10 ans de croissance ininterrompue. Rien d’alarmant : la décroissance était visible depuis plusieurs années et ce genre est solidement établi avec 25% de parts de marché.
La BD jeunesse, quant à elle, souffre davantage quand la grande distribution baisse : « Ce n’est pas un constat d’échec, analyse Céline Fédou,, car il y a des séries, comme « Lou » par exemple, qui s’en sortent très bien. Il y a une place à trouver qui n’est pas très facile entre le livre jeunesse qui marche très fort et la BD jeunesse très dépendante de la grande distribution. » C’est plutôt l’absence d’une proposition adaptée qui fait souffrir ce secteur. Le jour où il sera plus créatif, éditorialement et commercialement, il aura des chances de reconquérir des parts de marché.
Face à un marché véritablement stable comme nous le qualifions, il y a quelques jours, ce que vient confirmer l’étude de GfK, la bande dessinée numérique représente un possible relais de croissance dans le futur : « Son impact, notamment sur le manga, peut bouleverser beaucoup de choses confirme Céline Fédou. On attend de voir ce que va annoncer Steve Jobs cette semaine à propos de son Reader. Cela nous donnera une petite idée de l’évolution des tendances [1]. » Cette évolution prendra le temps qu’il faudra, mais elle semble bien inéluctable pour la plupart des observateurs du marché.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
[1] Le PDG de Apple doit annoncer le lancement de sa tablette numérique, une sorte d’iPhone de grand format. NDLR.
Participez à la discussion