Interviews

Florian Rubis : « Contrairement à Hugo Pratt, je n’ai pas eu que le désir d’être inutile »

Par Charles-Louis Detournay le 28 janvier 2010                      Lien  
Ancien collaborateur d’Hugo Pratt, Florian Rubis nous apprend plus sur l'auteur de Corto Maltese. Malgré un livre fourni en détails et secrets dévoilés, nous avions envie de savoir plus.

Comme il se présente lui-même, Florian Rubis collabora ponctuellement avec Hugo Pratt, mais grâce à ces discussions et à la confiance dont le maître l’honora, il pu percer un peu la carapace de ce géant de la bande dessinée. C’est cette vision qu’il nous livre dans le Sens de la fable.

Florian Rubis : « Contrairement à Hugo Pratt, je n'ai pas eu que le désir d'être inutile »
Le livre de Florian Rubis

Vous avez abordé l’enfance de Pratt. Pourriez-vous développer pourquoi elle est l’instigatrice de son imaginaire, selon vous ?

Même s’il l’a lui-même décrite comme heureuse, notamment dans ses livres concoctés avec Dominique Petitfaux, je pense que son enfance ne correspondait pas à ses aspirations en devenir, spécialement d’un point de vue intellectuel. Il vivait dans l’appartement vénitien de son grand-père, avec de nombreux membres de sa tribu familiale dominés par l’idéologie de l’époque en Italie : certains aimaient se pavaner en uniformes et avaient des idées apparemment aussi exiguës que l’endroit. J’ai la conviction que cela ne coïncidait pas avec sa largesse de vues et à son imaginaire débridé en train de se constituer.

La réaction à ce milieu étriqué a commencé à s’esquisser chez lui avec la découverte cruciale d’une échappatoire lorsque, en 1938, il est tombé sur un épisode de Terry et les pirates de Milton Caniff, dans un numéro de la revue L’Avventuroso des Éditions Nerbini. Ce fut la clef de son ouverture ultérieure au monde, anglo-saxon en particulier, voire d’une liberté d’esprit et d’un éclectisme culturel mis en avant intensément dans son œuvre de papier.

Est-ce pour cela que vous le qualifiez d’expressionniste ?

Un des lions de l’Arsenal de Venise
© Florian Rubis

Tout-à-fait ! Premièrement, il l’était en tant que dessinateur, appartenant à l’école en noir et blanc de même nom de Milton Caniff. De plus, conformément à la meilleure définition donnée selon moi à l’expressionnisme, par le critique Herwarth Walden dans sa revue Der Sturm en 1910, celui-ci serait : « Un art qui donne forme à une expérience vécue au plus profond de soi-même. » Ce qui me fait dire qu’Hugo Pratt était également expressionniste dans sa démarche créatrice et son rapport au monde. À partir de la révélation procurée par la découverte du travail de Milton Caniff, le Vénitien a pris conscience d’une relative insatisfaction, en réaction notamment contre son déterminisme familial. À partir de là, se forgeant une intellectualité autodidacte, par la fréquentation assidue des livres, il a cultivé tout au long de sa vie un art, le neuvième, qui a conféré une forme, marquée par le sceau de son individualité et de sa fantaisie personnelle sortant de l’ordinaire, à cette expérience vécue au plus profond de lui-même.

Votre livre regorge de références. Est-ce une façon de vous rassurer sur cet aspect neuf de la personnalité de Pratt que vous livrez aux lecteurs ?

Ce n’est en aucune façon un moyen de me rassurer, mais bien de procurer des prises solides au lecteur sur lesquelles s’appuyer pour mieux découvrir tous les aspects neufs de la personnalité et des créations d’Hugo Pratt qui y sont dévoilés. Étant historien de formation, m’appuyer sur les recherches, la documentation et les vérifications fait partie intégrante de ma méthode en tant que critique BD, appliquée dans mon ouvrage.

En outre, cela me permet de renouer avec une manière de travailler pratiquée, au départ, au contact d’Hugo Pratt. Puisque, comme je l’explique, j’ai effectué, étant étudiant en Histoire, plusieurs voyages de recherche documentaire pour son compte, dans divers pays. Ceux-ci ont fourni des informations réutilisées dans l’élaboration de certains de ses scénarios et un nombre important de livres achetés pour lui au cours de ces périples ont rejoint ensuite les rayonnages de sa maison-bibliothèque de Grandvaux, près de Lausanne. De plus, outre des repérages géographiques ou photographiques, ces enquêtes sur le terrain ont contribué au désir de ce maniaque du détail de corriger des erreurs ou anachronismes commis dans ses bandes dessinées. À certaines époques où, comme lors de la publication des récits courts de la série Corto Maltese dans Pif Gadget, le manque de temps ne lui permettait pas de consacrer à leur élaboration toute la minutie souhaitée.

Au large des Îles Cayman, Florian Rubis est en repérage pour Hugo Pratt afin de reconnaître le récif corallien Misteriosa Bank. L’équipage du bateau.
© Florian Rubis, 1993.

Mais, au-delà de cela et de l’expression de mon propre souci du détail, partagé avec Hugo Pratt, il faut aussi voir dans mon déploiement de références une forte réaction à l’encontre de la méthode, si l’on peut parler de méthode, employée par la très grande majorité des auteurs ayant consacré des ouvrages à Hugo Pratt jusqu’ici, en France ou dans d’autre pays, dont l’Italie.

Sans vouloir être pédant, je trouve contestable la façon dont ceux-ci se fondent quasiment uniquement sur leurs interprétations personnelles, souvent sans fondement, voire fantaisistes, pour analyser ou évaluer l’œuvre d’Hugo Pratt. Ils ont ainsi abouti à de nombreuses erreurs, ajoutant de la confusion, voire à des considérations grotesques. Je pense aux spéculations inexactes relatives à la conception ou à la prétendue existence réelle de ses personnages et, notamment, de Corto Maltese. Elles auraient fait, sans aucun doute, se « gondoler » son dessinateur vénitien doté d’un sens de l’ironie très prononcé !

Délices turcs : un projet d’album sur Lawrence d’Arabie.
© Florian Rubis & Lele Vianello, décembre 1996.

Comme je l’explique dans mon livre, certains en on fait les frais, Dominique Petitfaux, Jean-Claude Guilbert et d’autres, la plupart du temps, manifestement, sans s’en apercevoir. Notamment parce qu’ils n’ont pas suffisamment procédé aux efforts de vérification nécessaires auxquels je me suis systématiquement livré. Avec l’exigence, chaque fois que j’affirmais quelque chose, de donner scrupuleusement au lecteur la possibilité d’aller vérifier mes dires. En conséquence, la rédaction de mon ouvrage a pris plusieurs années de travail, à l’aide de recherches appuyées et de la réalisation d’entretiens avec diverses relations du « Maestro ».

Ce qui est particulièrement intéressant dans votre ouvrage, c’est également la mine de références cinématographiques qui, selon vous, ont inspiré Hugo Pratt dans ses scénarios et ses dessins. Vous dévoilez donc ses secrets de fabrication ?

Ces sources cinématographiques très précises constituent effectivement une part cruciale des références ayant présidé à l’élaboration des séries majeures et personnages d’Hugo Pratt. C’est la première fois qu’on traite de cette contribution à sa création de manière aussi exhaustive. À côté de cela, avec une ambiguïté caractéristique, le Vénitien manifestait là encore la volonté de demeurer très discret, voire secret, à ce sujet.

Florian Rubis, l’auteur du Sens de la Fable
© Pascal Saez

Je ne pense pas que dévoiler les inspirations de Pratt pour Corto Maltese diminue sa qualité de créateur, car c’est vraiment le caractère du personnage qui en a fait le succès que l’on connaît. Pourquoi a-t-il été si réticent à dévoiler ses origines ?

Corto Maltese est devenu unique et mythique, notamment parce que son auteur a su lui conférer une profondeur psychologique exceptionnelle, qui empruntait à sa propre personnalité, charismatique. Toutefois, comme je le révèle dans mon livre, il ne s’agit initialement pas exactement d’une création ex-nihilo, mais inspirée par des modèles très précis ; par exemple jusque dans son costume ou ses qualités de pirate et de mercenaire. Quoi qu’il en soit, ce qu’il est devenu, soit un véritable mythe du neuvième art, est le résultat d’un long travail, persévérant, dû à son auteur.

Néanmoins, sa réticence à dévoiler lui-même ses sources d’inspiration les plus importantes peut se comprendre. Car, le grand public oublie un peu trop souvent que, hormis ses vingt-cinq dernières années de carrière, florissantes, Hugo Pratt a plutôt connu, en dehors de son séjour en Argentine, durant les années 1950, avec des prolongements jusqu’en 1965, une carrière en dents de scie, avec de sévères traversées du désert et une reconnaissance tardive.

Pour avoir partagé certaines conversations intimes avec lui à ce sujet, certains soirs à Grandvaux, je sais qu’il conservait de ce type d’expériences une persistante amertume. Même si ces difficultés n’avaient jamais ébranlé sa conviction qu’avec la bande dessinée, il avait choisi la meilleure voie dans la vie pour imposer son imaginaire flamboyant. Dès lors, il paraît plus compréhensible qu’il ait voulu, jusqu’à la fin, ne pas trop en dire sur ses secrets de fabrication et, ainsi, préserver l’unicité du véritable mythe de la bande dessinée qu’il était parvenu à mettre sur pieds. Avec le souci, à tort ou à raison, de ne pas le dévaloriser aux yeux du public croissant dont il était parvenu, malgré un style de dessin très personnel et grâce à son talent de conteur, à se gagner la faveur, à force de persévérance.

Fenzo prolongea entre autres les aventures du Capitaine Cormorant
© Cong SA/Glénat/Fenzo

Le fait d’expliquer dans le détail tout cela dans mon livre, avec plus de franchise, constitue désormais une avancée critique salutaire. Ce que me confirment les réactions des premiers lecteurs, des confrères journalistes BD et des dessinateurs qui ont le mieux connu Hugo Pratt, unanimes pour reconnaître que, dans ses pages il n’est nullement question de ternir sa légende, mais bien d’aller vers plus d’éclaircissements et de vérité que cela n’avait été fait auparavant. C’est d’ailleurs le sens des merveilleux soutiens reçus à ce sujet de la part, notamment, de José Muñoz, maître argentin de l’école graphique en noir et blanc d’Hugo Pratt, de Stelio Fenzo, continuateur vénitien de trois de ses séries ou de Lele Vianello, son disciple et collaborateur pendant vingt-cinq ans. Tous les trois comptant parmi ceux qui, réellement, l’ont le mieux connu, y compris professionnellement parlant…

Mis à part la couverture, aucun dessin de Pratt ne vient illustrer votre livre. Est-ce lié au coût demandé par Cong SA, gérant les œuvres de Pratt ? Aurait-il été imaginable que votre livre puisse être publié chez Casterman, et soit alors plus illustré ?

Un indien Abénakis
© Lele Vianello

Cette absence d’illustrations provenant d’Hugo Pratt tient d’abord au fait que je disposais de nombreux documents et photos personnels relatifs aux voyages et travaux de recherche documentaires effectués pour lui. J’y ai ajouté des endroits chers à sa mémoire, fréquentés en sa compagnie ou visités sur ses conseils, catalyseurs de son imaginaire, comme Venise, Paris, l’Irlande, les îles Cayman ou l’Afrique du Sud. Je tenais à les mettre en valeur en priorité. J’ai préféré cette option, au détriment de la reproduction de planches, strips ou cases déjà maintes fois vues ailleurs.

En outre, je suis plutôt doté d’un caractère d’électron libre, une caractéristique qu’Hugo Pratt appréciait chez moi. La principale motivation qui m’a animé dans l’élaboration de ce projet, qui m’a pris plusieurs années d’investissement personnel, consistait à le concevoir de A à Z, selon mes désirs, dans une totale liberté, du point de vue éditorial, concernant son contenu. Ayant travaillé auparavant quinze ans dans les domaines de la presse et de l’édition, c’est cette farouche volonté d’indépendance qui m’a conduit spontanément à me tourner vers un éditeur qui a respecté ce choix. Ce dernier n’étant pas spécialement impliqué dans le monde de la bande dessiné, mais reconnu pour son savoir-faire dans d’autres domaines, j’ai été jugé uniquement sur la qualité du texte proposé. Ce qui me convenait parfaitement.

Au demeurant, je reste ouvert à toute collaboration, dès lors que l’on m’offre des garanties d’autonomie, vitales pour moi. Cependant, je ne peux pas préjuger de ce qui serait advenu si je m’étais adressé à la Cong S.A. ou à Casterman, ne l’ayant pas fait.

Vous utilisez tout de même quelques beaux dessins de Lele Vianello, qui font d’ailleurs se demander pourquoi ce n’est pas lui qui reprend les bandes de Pratt.

Le Fanfaron, un préquel de Corto autorisé par Hugo Pratt de son vivant.
© Lele Vianello/Casterman 1993

Assistants vénitiens d’Hugo Pratt, Guido Fuga et Lele Vianello sont certainement deux des personnes possédant la connaissance la plus intime de l’œuvre d’Hugo Pratt [1]. Contrairement à Hergé, le « Maestro » évoquait la continuation de son œuvre après sa mort. Et pour cela, il citait toujours comme ses successeurs possibles, Milo Manara ou Lele Vianello pour reprendre Corto Maltese. Ce dernier est l’auteur d’une préquelle réussie de la série dans son album Le Fanfaron (Casterman, 1993).

Les contributions de Lele Vianello à l’œuvre d’Hugo Pratt, en termes de dessins et d’encrage notamment, demeurées jusqu’ici relativement dans l’ombre, principalement du fait de la discrétion naturelle de son disciple le plus proche, renforcée par son sens aigu de l’amitié, se révèlent très importantes de 1971 jusqu’à 1995, date de la mort du père du marin à la boucle d’oreille. Il faut savoir que, durant ses vingt-cinq dernières années d’activité, celui-ci travaillait fréquemment dans des conditions proches de celles d’un studio. Même s’il n’a pas rechigné à certaines périodes antérieures de sa carrière à reproduire méticuleusement décors, véhicules militaires et autres détails, il considérait de plus en plus cela comme un pensum, voire une perte de temps. Il était davantage préoccupé de raconter, d’abord, une histoire. Une telle pratique n’étonnera que les gens peu familiers de la bande dessinée, sachant qu’elle est systématique aujourd’hui chez les grands mangaka japonais. Mais elle était courante dès les années 1940, en Amérique du Nord, par exemple chez le maître d’Hugo Pratt, Milton Caniff, assisté dans son travail. Tout comme le faisait Hergé en Europe, dès cette époque.

Un extrait du Fanfaron
© Lele Vianello/Casterman

Concernant la reprise de Corto Maltese, vous vous demandez si elle est artistiquement possible, tant le personnage et l’auteur étaient intimement liés. Marini, le dessinateur du Scorpion, de Gipsy et des Aigles de Rome est souvent évoqué

Je pense sincèrement qu’il faut avoir l’honnêteté intellectuelle d’attendre la sortie d’un album de la part de continuateurs pour pouvoir juger de leur travail sur pièce. Nous verrons alors. Ceci dit, l’idée de recourir, éventuellement, à Enrico Marini, au niveau du dessin, ne semble pas mauvaise. Italien, vivant en Suisse, son parcours ne manque pas de points communs avec celui de l’auteur de Corto Maltese. Et puis, surtout, il a beaucoup de talent sur le plan graphique, inspiré par des influences qui lorgnent, notamment, du côté des mangas. Ce qui pourrait amener du sang neuf dans la réalisation de la série. Même si cela risque d’être diversement apprécié par les puristes car son graphisme ne s’inscrit pas réellement dans la lignée de celui du « Maestro » ou de son école, dominée par le noir et blanc.

Les Enfants de Caïn : une bande dessinée inédite sur les guerres de la frontière nord-américaine, au XVIIIe siècle, avec des Amérindiens.
© Florian Rubis & Lele Vianello, avril 1997.

Pourtant, pour avoir interviewé Enrico Marini à deux reprises par le passé, je sais qu’il porte un grand intérêt à Milton Caniff, le maître de toujours d’Hugo Pratt, renforcé par sa collaboration avec Thierry Smolderen (Gipsy). Avant même qu’il y pense vraiment lui-même, m’appuyant sur ses affinités de vie avec ce dernier, j’avais demandé à Enrico Marini s’il envisagerait un jour de relever un tel défi. À l’époque, il paraissait trop admiratif pour y songer véritablement, impressionné par un tel enjeu. Il a, depuis, gagné encore en maîtrise technique et en maturité. Alors, nous verrons bien…

Concernant le scénariste que vous nommez dans votre livre, Gianluigi Gasparini, compagnon de Patrizia Zanotti, je suis beaucoup plus surpris de ce possible choix de. Cela ressemble plus à du népotisme qu’autre chose. La méconnaissance de cet « auteur » est-elle vraiment le gage d’un talent caché ?

Je ne suis pas un adepte de la polémique. Ceci dit, malgré un conditionnel de pure forme employé dans mon livre, je suis persuadé que c’est Gianluigi Gasparini, alias Marco Steiner, qui va endosser ce rôle, en cas de continuation. Ses contributions répétées à la rédaction des préfaces des nouvelles éditions de la série chez Casterman le confirment d’ailleurs. Son bref premier roman, L’Ultima Pista, publié en italien aux éditions romaines Cadmo, en 2006, ne me semble pas suffisamment significatif pour déterminer si, d’un point de vue critique, son auteur aurait la « carrure » pour assumer une telle reprise. D’autant que, pour moi, en vrai amoureux de la bande dessinée, celle-ci procède, certes, en partie de la littérature, mais, littérature dessinée, elle en diffère aussi, pour constituer un genre à part, reposant sur le rapport entre le texte et l’image, comme le disait Hugo Pratt. Aussi, là encore, probité oblige, j’ai envie de dire que nous jugerons sur pièce lors de la sortie d’un volet de la continuation de Corto Maltese, en priorité sur les points que j’expose à la fin de mon livre, en traitant de cette question, qui me paraissent cruciaux. Et seul l’avenir nous dira s’il s’agit de la personne adéquate.

1900, le jeune Corto pendant la révolte des Boxers.
© Lele Vianello/Casterman, 1993

Depuis la mort de Pratt, quels sont les liens que vous entretenez avec la Cong SA, les ayant-droit de son œuvre ?

J’entretenais une relation d’ordre personnel avec Hugo Pratt. Nous nous voyions à Paris, où je l’ai entre autres accompagné lors d’interviews accordées aux journalistes, car il savait que ce métier m’intéressait. D’autres fois, il me recevait chez lui, dans sa maison-bibliothèque de Grandvaux, dont j’ai ainsi exploré les recoins et consulté avec délectation les nombreux livres. J’en donne d’ailleurs une description dans mon livre.

Le Vénitien me parlait également de sa société et de ses collaborateurs. Or, aujourd’hui, à ma connaissance, ses effectifs ont été renouvelés et, il y reste moins de personnes l’ayant directement connu. En fait, hormis les fois où j’ai croisé Patrizia Zanotti, ma relation avec la Cong S.A. se limitait à un petit carton, que je conserve en souvenir, et sur lequel Hugo Pratt avait inscrit de sa belle écriture les coordonnées d’une autre de ses collaboratrices, toujours en place : je devais la contacter en cas de difficultés éventuelles rencontrées lors des voyages de recherche documentaire effectués pour son compte. Malgré d’intéressantes péripéties narrées au Vénitien, qui en attendait le récit lors de mes retours, comme je n’ai jamais rencontré de problème majeur à son service, ce contact ne fut pas activé. J’ai donc seulement rencontré la personne en question lors de l’enterrement de l’auteur de Corto Maltese, en 1995.

Les Enfants de Caïn : une bande dessinée inédite sur les guerres de la frontière nord-américaine, au XVIIIe siècle, avec des Amérindiens.
© Florian Rubis & Lele Vianello, avril 1997.

Le mot de la fin ?

Tout au long des quatre ans d’élaboration de mon livre, j‘ai beaucoup entendu dire que je m’attaquais à un travail inutile et qu’à ce sujet, tout avait été fait, notamment par Hugo Pratt lui-même, lors de sa collaboration avec Dominique Petitfaux. Je trouvais cela étrange, vu que l’on se doute bien qu’un grand auteur, en matière d’autobiographie, a à cœur de se présenter au mieux à son public à la fin de sa vie, au besoin en « polissant » son image. Cette donnée était encore compliquée dans son cas par l’ambiguïté dont il a toujours fait preuve quand il racontait sa propre existence. Sans parler de la redoutable ironie par laquelle il s’illustrait, vertu typiquement vénitienne selon lui…

Depuis la sortie de mon livre, les réactions sont dorénavant unanimes pour reconnaître qu’il constitue, au contraire, une avancée critique dans le domaine et que ce travail, bien loin d’être inutile, ouvre de nouvelles perspectives. Même si, plutôt que vouloir me spécialiser dans ce seul sujet, je m’implique actuellement dans divers autres projets, je souhaite néanmoins vivement continuer à explorer certaines d’entre elles. Dans l’idée de faire avancer le débat, je proposerais volontiers, par exemple, à Dominique Petitfaux que nous ayons sur ActuaBD un entretien constructif à propos de ses deux ouvrages portant sur Hugo Pratt et leurs conditions d’élaboration. Je pense que notre échange éventuel pourrait ne pas manquer d’intérêt pour les lecteurs des aventures du marin à la boucle d’oreille et de son auteur…

(par Charles-Louis Detournay)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

🛒 Acheter


Code EAN :

Commander Hugo Pratt ou le Sens de la Fable chez Amazon ou à la FNAC

Florian Rubis dédicacera son livre à Angoulême, le samedi 30 janvier, à partir de 14 h, à la librairie Chapitre, Centre Commercial Champs de Mars 16000 Angoulême – contact : 05 45 95 71 70 – www.chapitre.com.

Pour plus d’informations sur le sujet, lire notre présentation du livre de Florian Rubis

Photo en médaillon : © Pascal Saez.

[1Ils sont d’ailleurs les auteurs du Guide de Venise, l’une des Balades de Corto Maltese.

 
CONTENUS SPONSORISÉS  
PAR Charles-Louis Detournay  
A LIRE AUSSI  
Interviews  
Derniers commentaires  
Abonnement ne pouvait pas être enregistré. Essayez à nouveau.
Abonnement newsletter confirmé.

Newsletter ActuaBD