"Que serions nous sans le secours de ce qui n’existe pas ?" : Frank Riester a choisi d’ouvrir son discours sur une citation de Paul Valéry qui apparaît plus qu’à propos vu le thème du jour : la place des auteurs en France. À charge pour lui de créer précisément ce qui n’existe pas encore : un vrai statut pour les auteurs.
Les différentes recommandations présentées ce matin reposent sur les conclusions du Rapport de Bruno Racine, un texte rêvé, caché, exigé, et finalement publié, et qui a notamment eu le mérite de constater l’état précaire des auteurs et de révéler les défaillances scandaleuses des AGESSA. Les annonces du ministre étaient donc attendues de pied ferme par toute la profession, et d’une manière générale par tout le corps culturel français, puisqu’il ne s’est pas adressé seulement aux auteurs mais également à tous les artistes et créateurs de France et de Navarre.
Cadrées autour de quatre axes : les droits sociaux, le modèle économique, la représentation des auteurs et l’organisation interne du ministère, les propositions du ministre étaient bien emballées dans de jolis éléments de langage, mais au moment du debrief, force est de constater que peu de choses concrètes et engageantes ont été présentées.
« En direct de l’enterrement du rapport Racine sous nos applaudissements » twitte rageusement le scénariste de BD Thomas Cadène.
On peut citer entre autres la volonté d’étendre le champ des activités principales (en incluant notamment la direction de collection), l’augmentation du plafond des revenus issus des activités accessoires de 50 % par rapport au plafond actuel, un dispositif de lissage des revenus ou encore des mesures pour améliorer la formation des artistes aux aspects économiques et juridiques de leurs futures carrières. La liste complète des 23 recommandations est à retrouver sur le site du ministère.
Il ressort du discours de Frank Riester beaucoup de "souhaits", de "volonté", mais trop peu d’engagements de fond et d’actes. En proposant les créations de nouveaux corps intermédiaires ou la restructuration des échanges entre auteurs et ministères, des pas dans la bonne direction sont marqués, mais les exigences les plus pressantes des auteurs sont passées sous silence : par exemple la création d’un statut d’auteur ou une intervention plus vigoureuse dans les dialogue entre auteurs et éditeurs pour négocier une meilleure répartition de la valeur.
Sur cette question, Frank Riester "appelle les acteurs des différentes filières créatives à se réunir et trouver les voies et moyens pour accéder à des solutions satisfaisantes" tout en rappelant qu’il "ne revient pas au ministère de se substituer aux acteurs du secteur". Autrement dit, en refusant de s’impliquer plus en avant dans le dialogue, le statu quo tant déploré par les auteurs risque de perdurer encore un moment...
Un premier communiqué de la Ligue des auteurs professionnels résume donc bien le sentiment général : "...Si des propositions vont dans le bon sens, l’ensemble n’est pas du tout à la hauteur de la crise. Le rapport avait créé de l’espoir, la déception des auteurs et autrices va en être d’autant plus grande."
La grogne n’est donc pas prête de se calmer, alors que du côté des officiels, Bruno Racine s’est dit, quant à lui, "très très très très très content de ce qui a été dit" : preuve supplémentaire du décalage entre ceux qui créent les lois et ceux qui les subissent ?
(par Jaime Bonkowski de Passos)
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