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Les 23 commandements de Frank Riester pour sauver les auteurs

Par Jaime Bonkowski de Passos le 18 février 2020                      Lien  
"Des petits pas, mais pas les changements de fond attendus". Voilà le sentiment qui domine à la Ligue des auteurs professionnels après le discours de Frank Riester présentant les différentes mesures consécutives du désormais fameux Rapport Racine. Quatre angles d'attaque, et vingt-trois propositions présentées à une assemblée plutôt dubitative…
Les 23 commandements de Frank Riester pour sauver les auteurs
© Jaime Bonkowski De Passos.

"Que serions nous sans le secours de ce qui n’existe pas ?" : Frank Riester a choisi d’ouvrir son discours sur une citation de Paul Valéry qui apparaît plus qu’à propos vu le thème du jour : la place des auteurs en France. À charge pour lui de créer précisément ce qui n’existe pas encore : un vrai statut pour les auteurs.

Les différentes recommandations présentées ce matin reposent sur les conclusions du Rapport de Bruno Racine, un texte rêvé, caché, exigé, et finalement publié, et qui a notamment eu le mérite de constater l’état précaire des auteurs et de révéler les défaillances scandaleuses des AGESSA. Les annonces du ministre étaient donc attendues de pied ferme par toute la profession, et d’une manière générale par tout le corps culturel français, puisqu’il ne s’est pas adressé seulement aux auteurs mais également à tous les artistes et créateurs de France et de Navarre.

Cadrées autour de quatre axes : les droits sociaux, le modèle économique, la représentation des auteurs et l’organisation interne du ministère, les propositions du ministre étaient bien emballées dans de jolis éléments de langage, mais au moment du debrief, force est de constater que peu de choses concrètes et engageantes ont été présentées.

« En direct de l’enterrement du rapport Racine sous nos applaudissements » twitte rageusement le scénariste de BD Thomas Cadène.

© Jaime Bonkowski De Passos.

On peut citer entre autres la volonté d’étendre le champ des activités principales (en incluant notamment la direction de collection), l’augmentation du plafond des revenus issus des activités accessoires de 50 % par rapport au plafond actuel, un dispositif de lissage des revenus ou encore des mesures pour améliorer la formation des artistes aux aspects économiques et juridiques de leurs futures carrières. La liste complète des 23 recommandations est à retrouver sur le site du ministère.

Il ressort du discours de Frank Riester beaucoup de "souhaits", de "volonté", mais trop peu d’engagements de fond et d’actes. En proposant les créations de nouveaux corps intermédiaires ou la restructuration des échanges entre auteurs et ministères, des pas dans la bonne direction sont marqués, mais les exigences les plus pressantes des auteurs sont passées sous silence : par exemple la création d’un statut d’auteur ou une intervention plus vigoureuse dans les dialogue entre auteurs et éditeurs pour négocier une meilleure répartition de la valeur.

Sur cette question, Frank Riester "appelle les acteurs des différentes filières créatives à se réunir et trouver les voies et moyens pour accéder à des solutions satisfaisantes" tout en rappelant qu’il "ne revient pas au ministère de se substituer aux acteurs du secteur". Autrement dit, en refusant de s’impliquer plus en avant dans le dialogue, le statu quo tant déploré par les auteurs risque de perdurer encore un moment...

Un premier communiqué de la Ligue des auteurs professionnels résume donc bien le sentiment général : "...Si des propositions vont dans le bon sens, l’ensemble n’est pas du tout à la hauteur de la crise. Le rapport avait créé de l’espoir, la déception des auteurs et autrices va en être d’autant plus grande."

La grogne n’est donc pas prête de se calmer, alors que du côté des officiels, Bruno Racine s’est dit, quant à lui, "très très très très très content de ce qui a été dit" : preuve supplémentaire du décalage entre ceux qui créent les lois et ceux qui les subissent ?

Les 23 propositions de Frank Riester (PDF)

(par Jaime Bonkowski de Passos)

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14 Messages :
  • Bon, pour résumer, les annonces bien floues du ministre... nous avons, en regard du rapport Racine :

    1/ les recommandations prises en compte qui sont :

    - la n°2 : simplifier et assouplir les dispositifs de lissage pour tenir compte des revenus perçus par les artistes-auteurs, « ce qui sera discuté dans un cadre interministériel ».

    - la n°3 : Étendre le champ des activités accessoires et rehausser le plafond des revenus associés « de 50% par rapport à l’actuel ».

    - la n°5 : Organiser rapidement des élections professionnelles dans chaque secteur de création artistique au « second semestre 2021 »

    - la n°7 : Créer un Conseil national composé des représentants des artistes-auteurs, des organismes de gestion collective et des représentants des producteurs, éditeurs et diffuseurs, avec la création « d’une instance transversale de dialogue social »

    - la n°9 : Créer une délégation aux auteurs au ministère de la Culture en tant que point d’entrée unique. « A compter du 1er septembre prochain, chaque opérateur sectoriel sera doté d’un « référent artistes-auteurs ». J’ai décidé de créer au sein de la Direction générale de la création artistique (DGCA) une entité spécifique en charge du parcours de l’artiste et du créateur »

    - la n°11 : Créer un observatoire au sein du Conseil national des

    artistes-auteurs en « dotant le ministère d’un baromètre complet sur la situation sociale des artistes-auteurs »

    - la n°15 : S’assurer que tous les organismes de sécurité sociale connaissent les règles applicables aux artistes-auteurs en « demandant à l’Agessa de mettre en place une cellule d’accompagnement appelée à traiter au cas par cas les situations individuelles. »

    - la n°16 : Généraliser sans délai le droit de représentation à

    l’ensemble des expositions temporaires dans les institutions publiques, en « envoyant un courrier aux établissements publics du ministère de la Culture et aux Directions régionales des affaires culturelles (DRAC) pour rappeler le nécessaire respect de ce principe qui n’est pas facultatif. »

    - la n°20 : Veiller à ce que les étudiants des établissements

    d’enseignement artistique bénéficient de formations relatives aux aspects

    juridiques, administratifs et commerciaux de leur future carrière, en « généralisant rapidement des modules de professionnali­sation dans toutes les écoles de l’enseignement supérieur Culture »

    - la n°21 : Prévoir des dispositifs d’aides susceptibles d’accompagner les artistes-auteurs dans la durée, en « s’inspirant du fonds CNC dédié à l’aide aux programmes d’auteurs pour lesquels les bénéficiaires sont accompagnés par un parrain/marraine. »

    2/ les recommandations vite éludées, floues, ou renvoyées aux calendes grecques sont :

    - la n°1 sur les critères de professionnalité pour permettre aux auteurs de bénéficier d’une prise en charge de leurs surcotisations par les commissions d’action sociale. Pas de critères définis...

    - petite phrase à noter sur la n°2 : L’IRCEC, caisse de retraite complémentaire des artistes-auteurs, continuera d’exister au-delà de 2025

    - petite phrase à noter sur la n°3 : le champ des activités accessoires « incluera notamment la direction de collection... » Coup de chapeau aux éditeurs qui sont parvenus à régler leur problème de rémunération des directeurs de collection en droits d’auteurs et non en salaire... ouf, ils vont pouvoir souffler !

    - la n°4 : Ouvrir le droit de vote à des élections professionnelles à tous les artistes-auteurs remplissant la condition de revenus (900 fois la valeur moyenne du SMIC horaire) au cours d’au moins une des quatre années écoulées /.../ permettant d’associer les artistes-auteurs pouvant être

    regardés comme professionnels au regard de critères objectifs, lorsqu’ils en font la demande. On n’a aucune idée donc de qui pourra voter aux futures élections professionnelles des auteurs... ça s’annonce bien ces élections...

    - belle « absence » dans la n°5, où le rapport demandait que les élections soient « financées par les organismes de gestion collective ». Là, aucune mention de financement, les OGC vont pouvoir souffler elles-aussi, ouf, elles ne sont pas sommées de payer pour les élections !!

    - la n°6 : Généraliser les instances de médiation sectorielles et renforcer leur rôle en leur permettant d’intervenir pour dénouer des litiges individuels opposant des artistes-auteurs aux acteurs de l’aval (éditeurs, producteurs, diffuseurs). Réponse du ministre : « Étudier les modalités de création d’un médiateur pour les arts visuels. », donc seulement pour les arts visuels (pourquoi ??), et aucune généralisation et encore moins de renforcement d’intervention pour des litiges entre artistes-auteurs et acteurs de l’aval... ouf les éditeurs, producteurs, diffuseurs vont souffler tous en cœur cette fois !

    - sur la n°7, le future conseil national devra avoir une représentativité qui « s’appuiera sur les critères les plus pertinents pour chaque métier »... les OGC et les producteurs, éditeurs, diffuseurs pourront sans doute continuer à être surreprésentés... pour la « pertinence » de leur métier... sic...

    - la n°8 : Renforcer la représentation des auteurs au sein du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA)... Pas de réponse du ministre, silence radio, passons vite à autre chose... sic, sic...

    - la n°10, sans doute la plus importante aux yeux des artistes-auteurs : la détermination d’un taux de référence de rémunération proportionnelle pour les auteurs selon les secteurs. C’est simplement renvoyé à des négociations entre « acteurs de filières créatives »... producteurs, éditeurs, diffuseurs apprécieront que le Ministre ne mette surtout pas le doigt sur le taux de rémunération... circulez, braves gens, débrouillez-vous entre vous. Quant au « contrat de commande », le ministre va donc « demander au CSPLA d’évaluer l’opportunité d’un encadrement du contrat »... Est-ce opportun ? Non, vraiment ? Bon, tant pis alors...

    - la n°12 : Accroître par redéploiement la part des aides accordées directement aux artistes-auteurs dans l’ensemble des aides publiques allouées à la culture. Réponse, l’aide « continuera d’augmenter » du côté du CNL... bien... bien... les autres (CNC, CNM, CNAP, ARCENA, CND) ? Ben, on verra... ça se discute...

    - la n°13 : Préciser l’article L. 324-17 du CPI en prévoyant une part minimum des crédits d’action artistique culturelle devant être employée par les OGC en soutien direct des auteurs. Là, coup de chapeau aux OGC, pas un mot sur cette recommandation, rien, nada. Bravo, vraiment, les OGC s’en sortent haut la main ! On ne change rien surtout, faites comme avant, ça marche du tonnerre.

    - la n° 14 : Faciliter l’accès aux règles applicables aux artistes auteurs en créant un portail d’information géré par le ministère de la culture en liaison avec la direction de la sécurité sociale et le ministère de l’économie et des finances. Réponse : « un dialogue interministériel, que le Ministre souhaite voir aboutir à moyen terme »... en langage politique, cela signifie, on verra ça plus tard, aux calendes gecques c’est encore le mieux...

    - la n°17 : Instaurer de manière partenariale avec le CNL et la SOFIA une rémunération des auteurs de bande dessinée et littérature jeunesse, dans le cadre de leur participation à des salons et festivals. Réponse : la Sofia s’en sort bien... elle n’est plus citée et disparaît du discours du Ministre. Ne reste plus que le CNL mais attention, qui aidera à payer « pour partie » (ça veut dire combien exactement ? On n’en sait rien, pas même de pourcentage...). Et l’autre partie, qui la paiera ? Le festival uniquement ou aussi une part des éditeurs ? Et puis, ce forfait journalier (de combien le forfait ?) ne concernera que les dessinateurs de BD... dans des « festivals de bande dessinées qui s’engagent dans une programmation qui donne plus de place à la participation des auteurs »... Donc seulement les festivals de BD ? Et seulement si les auteurs y ont plus de place (ce serait bien qu’ils donnent un coup de main, c’est vrai...), de quelle place exactement ? On ne sait pas, mais bon, c’est pas grave. Ah, et puis, le forfait ce ne sera que « pour les activités artistiques de dédicaces ». Donc, il y a-t-il des dédicaces plus artistiques que d’autres ? Est-ce que dédicacer d’une phrase « Pour Simone avec toute mon amitié » suffira ? Les scénaristes sont-ils aussi inclus ? Et les auteurs jeunesse ? Et tous les autres, non ?

    - la n° 19 : Identifier les facteurs d’inégalités parmi les artistes auteurs, selon l’origine sociale, géographique ou le sexe, et mettre en place des mesures adaptées pour en neutraliser les effets. Réponse du ministre, il faut « lancer par conséquent des études complémentaires »... Donc de nouvelles études, encore... ok ok... on attendra les études alors.

    - la n°22 : Renforcer et multiplier les programmes d’échanges internationaux au bénéfice des artistes-auteurs, des critiques d’art, des commissaires d’exposition et des conservateurs. Réponse du ministre... ? Réponse ? Ah, non, pas de réponse... c’est vrai que c’était une recommandation « au bénéfice des artistes-auteurs »... pardon...

    - la n°23 : Organiser une manifestation ou un cycle d’expositions d’ampleur nationale autour de la création contemporaine en France visant notamment à montrer sa vitalité et sa diversité territoriale. Ah, là, oui, pour mettre en place un nouveau barnum, il y a du monde. Le Ministre annonce « J’ai confié à la présidente du Palais de Tokyo, Emma Lavigne, le soin de mettre en oeuvre cette mesure. » Bien, bien... n’aura-t-il pas oublié de préciser s’il y avait une enveloppe budgétaire dédiée ? Pardon, on parle d’argent, de budget ?

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    • Répondu le 19 février 2020 à  16:44 :

      Qu’il est bon de rire.

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      • Répondu par Xav le 19 février 2020 à  19:03 :

        Qu’il est bon de rire.

        Tiens, un éditeur...

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        • Répondu le 20 février 2020 à  07:54 :

          Exactement j’ai atteint l’orgasme en écoutant Frank...
          Va y francky c’est bon bon bon

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          • Répondu le 20 février 2020 à  12:49 :

            Un éditeur qui ne sait pas écrire.

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            • Répondu par Lol le 20 février 2020 à  13:35 :

              « Un éditeur qui ne sait pas écrire. »
              La plupart ne savent pas lire non plus.

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      • Répondu par Breugnol le 19 février 2020 à  20:58 :

        L’édition BD relève du privé, je ne vois pas ce qu’un ministre peut avoir à y dire. C’est avec les éditeurs qu’il faut négocier, ainsi qu’avec qu’avec les festivals de la chasse à la dédicace !!

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        • Répondu par Auteur inquiet le 19 février 2020 à  22:37 :

          L’Agessa et les malversations qui privent les auteurs de trimestres voire de retraites relèvent de la Sécurité sociale, donc de l’état. Or Le ministre dit aux auteurs de se débrouiller individuellement face à ce monstre kafkaïen.

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    • Répondu le 20 février 2020 à  20:02 :

      "- petite phrase à noter sur la n°3 : le champ des activités accessoires « inclura notamment la direction de collection... » Coup de chapeau aux éditeurs qui sont parvenus à régler leur problème de rémunération des directeurs de collection en droits d’auteurs et non en salaire... ouf, ils vont pouvoir souffler !"

      Selon le Conseil d’État, les directeurs littéraires ne sont pas des auteurs. Cette proposition ne figurait pas dans le rapport Racine. Preuve que le SNE a fait du lobbying.

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      • Répondu par M le 21 février 2020 à  20:41 :

        Sans oublier que certains auteurs sont... des directeurs de collection !

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        • Répondu le 22 février 2020 à  18:39 :

          On peut très bien être directeur de collection et avoir une activité d’auteur en parallèle. Ce sont deux activités distinctes. Un éditeur peu très bien salarier une activité de directeur de collection d’un côté et de l’autre, payé en droits d’auteur une activité d’auteur. Et un directeur littéraire qui est aussi auteur peut très bien publier dans une autre maison. Mais confondre les deux en justifiant que parce qu’auteur, l’activité de directeur de collection doit être payée en droits, c’est illégal. Il faudrait non seulement changer la Loi et la Constitution avec. Le lien de subordination entre le directeur littéraire et son employeur ne justifie pas la rémunération en droit d’auteur.
          Les éditeurs veulent payer en droit d’auteur une activité de direction littéraire pour payer moins de charges sociales.

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          • Répondu le 25 février 2020 à  09:49 :

            C’est ce qu’à réussi à obtenir (entre autres) le SNE face à l’ectoplasme Riester.

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  • Pour le ministére de la culture l’affaire est réglée.
    À dans deux ans et demi si il est encore là.
    N’oubliez pas de déposer vos dossiers de projet aux éditeurs qui sont tous morts de rire.

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