La dizaine de récits illustrés que compte l’ouvrage, chacun imaginé par un scénariste différent, s’ouvre sur les origines de la princesse Gaya. Intitulé Gaya, le chapitre I relate les mésaventures d’un couple royal de Bavière. Le seigneur du royaume, parti guerroyer, est proche de la mort. La reine, apprenant la nouvelle, semble condamnée au désespoir jusqu’à l’intervention d’un énigmatique homme-chat. Ce dernier lui propose un pacte faustien : la vie de son enfant à venir contre celle de son mari. Elle accepte dans l’espoir de tromper l’homme-chat. Un vœu pieux.
L’heure venue, l’homme-chat assiste à la scène. La mort elle-même est venue chercher la petite Gaya. Elle rit aux éclats avec toute la pureté de l’innocence. Émue, la Mort elle-même verse une larme qui se cristallise sur le sol. L’homme-chat annonce que sa maîtresse lui accorde sa grâce. Gaya vivra neuf autres vies. Elle n’aura jamais de souvenir de la précédente et ne pourra enfanter.
Dès lors, chaque chapitre revient sur une des neufs vies promises à Gaya. À ses côtés, on flâne dans les couloirs du temps. On parcourt le monde. Si chaque chapitre est écrit par un scénariste différent, le style d’écriture est globalement similaire et fluide. Les illustrations de Régis Lejonc, bien que marquées par un certain classicisme, accompagnent notre lecture avec un talent certain. Elles sont de véritables invitations à l’imagination.
Les récits sont marqués par la poésie des mots, par la mélancolie des situations, par le fantastique qui surgit comme un écho à la Mort qui initia ce cycle. Chamanisme, dragon, animaux qui parlent, petit peuple, cyclope, poupée au cœur vivace. Des univers riches inspirés par les contes, folklores et mythologies européens (Peter Pan, Alice au pays des merveilles, les Parques...), asiatiques ou américains (piraterie, El Día de Los Muertos...).
Les 9 vies extraordinaires de la princesse Gaya sont également l’occasion pour le petit et le grand lecteurs de se questionner ensemble sur les nombreux sujets abordés par les scénaristes : colonialisme, mariage forcé, libre arbitre, infertilité, mort, éducation, esclavage, place des femmes.
Le premier et le dernier chapitre sont émouvants. Sans divulgâcher quoi que ce soit du contenu de la narration, l’ultime récit conduit Gaya, alors au crépuscule de sa neuvième vie, à retrouver la Mort qui l’avait accompagnée, silencieuse, des siècles durant.
En définitive, Les 9 vies extraordinaires de la princesse Gaya est un très beau projet, poétique, mené avec succès, ainsi que beaucoup de sensibilité. Tant dans les mots choisis, qu’au travers des neuf vies bouleversantes, que les non-dits, que les illustrations qui nous aident à entrevoir les destins plus ou moins heureux de la petite Gaya. Un ouvrage aux éditions Little Urban à offrir ou s’offrir alors que les fêtes de fin d’année se profilent.
(par Romain GARNIER)
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