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Marius et Jeannette : Guédiguian crève l’écran... de papier !

Par Yves Alion le 9 juin 2006                      Lien  
Le troisième volet des « Contes de l'Estaque » en bande dessinée. Après « {A l'attaque} » et « {L'argent fait le bonheur} », « {Marius et Jeannette} », soit le plus célèbre des films de Guédiguian, adapté une nouvelle fois par Sylvain Dorange, dont le trait vigoureux et expressif donne un relief supplémentaire à ces histoires poétiques, politiques, amoureuses et méridionales.
Marius et Jeannette : Guédiguian crève l'écran... de papier !
Gérard Meylan / Marius

Pimpante quadragénaire, Jeannette vit avec ses deux enfants dans une petite maison près de la voie ferrée, dans un quartier modeste de la banlieue de Marseille. Pour repeindre son salon, elle fait le mur d’un chantier désaffecté voisin afin de subtiliser quelques pots de peinture. Mais elle se fait arrêter par un vigile, à qui elle dit ses quatre vérités avant de rebrousser chemin. Le lendemain, ce dernier, un dénommé Marius, sonne à sa porte avec les pots convoités. Finalement c’est un brave type...

Ariane Ascaride / Jeannette

Jeannette est caissière dans une supérette du quartier. Elle est aussi grande gueule. C’est ainsi qu’elle se fait virer de son boulot, pour une histoire idiote... Elle profite de ce temps libre inopiné pour rendre visite à Marius sur le chantier voisin. Le vigile lui propose de l’aider à repeindre son salon, ce que Jeannette accepte sans rechigner. La jeune femme, qui est veuve, est heureuse d’avoir cet homme un peu frustre, mais touchant et généreux, à ses côtés. Au bout de quelques jours, ce qui devait arriver survient sans crier gare : elle tombe dans les bras de son nouvel ami...

Jean-Pierre Darroussin / Dédé

Jeannette n’est pourtant pas dupe : elle sait que l’amour n’est pas facile quand ceux qu’il enflamme ont été cabossés par la vie... Elle en parle avec ses voisins, Caroline, Justin, Dédé et les autres, qui sont un peu comme sa famille. Tous sont contents pour elle : l’amour véritable est rare. Mais les choses ne sont pas toujours faciles : Jeannette a son caractère et la patience n’est pas sa qualité première ; Marius n’a pas encore cicatrisé d’une blessure affective qui reste par ailleurs des plus mystérieuses...

Pascale Roberts / Caroline

Le projet d’adapter les « Contes de l’Estaque », soit plusieurs films de Robert Guédiguian situés dans un cadre géographique commun remonte à 2004. Robert Guédiguian s’en est d’ailleurs expliqué dans le tout dernier numéro (le 9) de feu le magazine « Storyboard » : « C’est clairement une initiative de l’éditeur, Emmanuel Proust. C’est lui qui m’a proposé de me lancer dans cette aventure. Au départ, je n’étais pas très favorable aux produits dérivés, mais il a su se montrer convainquant. Pour deux raisons. La première c’est qu’il était évident pour lui qu’il ne fallait pas coller au film, même si c’est une adaptation libre. De fait, les personnages des dessins ne ressemblent pas vraiment aux personnages filmés.
La seconde raison est que, pour moi, les « contes de l’Estaque » sont précisément des contes, et qu’ils s’inscrivent dans un registre très populaire. Ce qui est également le cas de la bande dessinée... C’était donc dans ma logique d’agit’prop de donner mon accord... En fait, je suis assez pour le piratage, cela ne me gêne pas que les idées circulent. Je ne suis pas un créateur sur son Olympe, isolé du monde. J’ai fait un film, que je signe tout seul. Mais si quelqu’un me convainc de lui céder les droits, alors il se débrouille. Je le laisse faire, cela devient son oeuvre. J’aime l’idée de transmettre quelque chose. Cela dit, Emmanuel Proust m’a quand même soumis le choix de retenir Sylvain Dorange pour faire les dessins, ce qui me convenait parfaitement.
 »

Une mystérieuse blessure affective

Depuis lors, le projet n’a pas changé, il s’est approfondi et développé. Il est clair que le dessin, assez peu réaliste de Sylvain Dorange, a pu caresser à rebrousse-poil certains admirateurs de l’œuvre de Guédiguian, le plus Marseillais des cinéastes depuis Pagnol. Il n’est pas forcément aisé de reconnaître Ariane Ascaride ou Gérard Meylan sous les traits marqués (lèvres pulpeuses et nez busqué pour le premier, cou de taureau et menton proéminent pour le second) de leurs pendants de papier. Le dessinateur nous propose d’ailleurs d’emblée un trombinoscope parallèle qui permet d’identifier chacun des protagonistes de l’histoire. Mais si le trait force un peu la caricature, la chaleur qui se dégage de façon immédiate de l’histoire permet de baliser le terrain.

Ses voisins sont un peu sa famille...

Il est même évident que le lecteur qui n’aurait pas vu le film de Guédiguian (ce qui en l’occurrence est moins probable que pour les deux premiers tomes de la série, tant le succès du film -inattendu à l’époque- a été massif) trouvera son plaisir ici sans avoir besoin de s’y référer en permanence. Restent les mots, demeure une atmosphère, une chaleur inquiète qui nous pénètre et nous ravit. La série ne devrait pas survivre à la trilogie déjà dans les bacs. On aurait tellement aimé pourtant ne pas quitter nos amis marseillais et retrouver sur papier les deux chefs d’œuvre absolus du cinéaste, « La Ville est tranquille » et « Marie-Jo et ses deux amours », deux films qui nous émeuvent aux larmes et lâchent les chiens dans le jeu de quille de nos idées toutes faites...

(par Yves Alion)

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Code EAN :

Marius et Jeannette - Par Robert Guédiguian et Sylvain Dorange - Emmanuel Proust Editions

 
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