Dire que Jul est un humoriste subtil est une tautologie. Comme Goscinny ou Geluck, Jul est un de ces rares auteurs capables de produire de l’esprit d’une façon spontanée, cultivé comme un art de vivre. Son humour n’est jamais méchant ni agressif, en revanche, il a ce talent inouï de porter le trait qui touche juste et qui traduit parfaitement l’air du temps.
La méthode est simple comme du Goscinny et Uderzo : on prend une situation actuelle et on la transpose dans un contexte historique précis. En choisissant la Gaule, les auteurs d’Astérix avaient fait l’impasse sur la préhistoire, sans doute pour ne pas se frotter au B.C. de Johnny Hart (1958) ou encore aux Pierrafeu (The Flinstones) de William Hanna & Joseph Barbera (1960), encore trop récents. Mais cinquante ans plus tard, Jul peut se permettre de resservir le couvert, d’autant qu’avec l’Internet, l’humanité semble avoir fait un bond qualitatif.
Pour en faire quoi ? Toute la question est là. Et le plus diplômé des dessinateurs de Charlie Hebdo (il a fait Sciences-Po) trouve un malin plaisir à revenir aux fondamentaux de la civilisation pour en souligner l’absurde vacuité. Ses dialogues sont particulièrement jouissifs, et je ne serais pas étonné que certains d’entre eux prennent place, comme ce fut le cas du Gaulois, dans le langage commun, comme cette sentence cueillie au détour d’un propos homophobe de Blog Dotcom : " - Dans la famille, on est mâles de père en fils" ou celle, très branchée, de Url Dotcom : "- Papa, je crois qu’il faudrait que tu sortes de ta grotte, c’est complètement crétacé, comme raisonnement !"
Bref, Silex and the City est une des grandes bandes dessinées d’humour d’aujourd’hui. Ne soyez pas comme ces Bobo Sapiens lémuriens : n’attendez pas deux glaciations pour la découvrir.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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