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Spirou a "La Grosse Tête", et cela ne lui réussit pas

Par Charles-Louis Detournay le 4 mai 2015                      Lien  
Rien ne va plus entre Spirou, la star des médias, et Fantasio relégué au banc de touche ! Un album au second degré permanent, prenant comme prétexte la critique du star-system et les égarements de la société du spectacle, dans une nouvelle aventure de la collection "cour de récré" de Dupuis : "Spirou de..."

Fantasio est un sacré cachottier : depuis des années, il consigne avec force détails toutes les aventures qu’il a vécues avec Spirou. Et il s’en sert pour écrire son premier roman qui s’inspire de La Mauvaise Tête, dans lequel il exagère quelque peu son propre rôle aux dépends de celui de Spirou, ce qui nous vaut un petit accroc entre nos deux amis...

Son roman n’intéresse personne mais un producteur de films veut absolument l’adapter au cinéma. Fantasio est fou de joie, Spirou nettement moins enthousiaste. Mais le scénario est retravaillé pour donner un rôle beaucoup plus important au groom, au grand dam de Fantasio. Le film est un immense succès et Spirou devient une star, alors que Fantasio se morfond dans un relatif anonymat. Quand débute le tournage du deuxième film à l’étranger, Spirou et Fantasio sont devenus quasiment des étrangers l’un pour l’autre. La révolution bretzelburgeoise va cependant complètement redistribuer les rôles...

Spirou a "La Grosse Tête", et cela ne lui réussit pas

"Comme pour beaucoup d’auteurs, mon père spirituel c’est Franquin !, explique Makyo. J’ai tellement rêvé avec certaines de ses aventures de Spirou comme « La Mauvaise Tête », « Le Prisonnier du Bouddha » ou « QRN sur Bretzelburg »… Donc quand l’opportunité d’écrire une histoire de Spirou s’est présentée, j’ai sauté dessus ! En fait, j’avais déjà écrit un premier scénario, mais qui s’inscrivait un peu trop dans la lignée classique des aventures de Spirou. L’éditeur m’avait recadré ; il m’avait expliqué que la collection des one-shots, des « Spirou de… » permettait aux auteurs concernés de laisser libre cours à leur fantaisie et de sortir un peu du cadre. J’ai donc en partie réécrit mon histoire, avec l’aide de mon frère Toldac qui est co-scénariste et un peu aussi mon gagman."

Si l’on s’amuse dans un premier temps à deviner quels sont les éléments qui font référence à La Mauvaise Tête, on comprend bien vite que ce n’est pas la cohérence qui motive le plus les auteurs de cette nouvelle aventure. La substance de ce nouveau « Spirou de… » réside bien dans la dérision et le second degré, pour autant que le lecteur marche dans la combine.

Les deux héros se partagent les amours de Louise Garoin, une présentatrice météo qui lorgne vers le cinéma. Cherchez le lien...

Le connaisseur affûté reconnaîtra l’un ou l’autre pilier de la maison Dupuis, notamment croqués dans la scène du buffet, sans oublier les nombreuses références à QRN sur Bretzelburg et au Prisonnier du Bouddha. Mais si l’on s’intéresse au fossé psychologique qui se creuse entre Spirou et Fantasio, sans vraiment y croire, le récit se focalise surtout à la préséance du héros sur le second rôle, deux emplois que se partage le duo d’(ex-)amis. .

Les gags se succèdent à chaque page, bien accompagnés par le formidable mouvement imposé par le style graphique enlevé de Tehem, mais l’intrigue de ce scénario à tiroirs ne parvient pourtant pas à convaincre. Dans la première moitié du récit, les événements se suivent sans fil rouge, et on attend impatiemment que l’aventure commence, car c’est bien ce genre narratif qui caractérise Spirou et Fantasio. Finalement, un sérum de vérité Made in Champignac va libérer les cœurs et les consciences : le récit se construit donc principalement autour des personnages, une tendance moderne qui tourne un peu à vide.

Les trois dernières pages de l’album prolongent les attaques à l’encontre du monde du cinéma

Peut-être cette parodie du star business pourra-t-elle faire sourire quelques lecteurs de la jeune génération, sans qu’il soit finalement obligatoire de connaître la série-mère. Laissés pour compte, les lecteurs habituels de la série Spirou & Fantasio seront certainement déstabilisés par cet album qui se revendique de la mythologie du groom mais qui n’en retire rien -en particulier graphiquement- et lui apporte moins encore. Les trois pages de strips de fin d’album séduisent par leur ironie, mais ils sont du niveau d’une animation réussie pour l’hebdomadaire et ne justifient pas un album. Ils arrivent beaucoup trop tard pour sauver l’ensemble.

(par Charles-Louis Detournay)

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Code EAN :

La Grosse Tête - Le Spirou de Tehem, Makyo & Toldac - Ed. Dupuis

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Lire nos articles concernant les autres Spirou de... :
- Un Spirou poivrot, de Saint-Germain-des-Prés au Congo belge (T7)
- Le Spirou Catastrophe de Trondheim & Parme. (T6)
- Spirou et Fantasio : Une polémique vert-de-gris (T5)
- Spirou : Les origines d’un ingénu (T4)
- [Une aventure de Spirou et Fantasio par Yann et Tarrin - T3 : Le Tombeau de Champignac – Dupuis
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11 Messages :
  • Cet album est pour Spirou ce que le Valérian de Larcenet est pour Valérian.

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    • Répondu par Cobb le 5 mai 2015 à  19:13 :

      Pas du tout, le Valérian de Larcenet était un album très réussi, drôle, alors que là c’est un... album.

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    • Répondu par laurent le 5 mai 2015 à  20:46 :

      J’ai bien aimé cet album et j’ai l’impression que l’humour de cette BD est très "français", en décalage avec une bonne partie du public traditionnel belge de BD... Gotlib se vend-il bien en Belgique ?

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      • Répondu par Richard (Teljem) le 5 mai 2015 à  23:55 :

        L’humour de Lewis Trondheim est également très "français",pourtant il occupe la moitié du magazine Spirou avec ses scénarios, ses dessins, son mastodonte (il donne d’ailleurs l’impression d’être le véritable rédacteur en chef de Spirou), mais je n’ai pas l’impression que ça rebute le public belge.

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        • Répondu par Romain le 6 mai 2015 à  15:52 :

          Perso je trouve qu’il prend beaucoup trop de place pour des graphismes pas très heureux et des scénarios à la chaine, à croire que Trondheim cherche à être le nouveau Cauvin. ca prend la place d’auteurs que j’aime bien mais qu’on ne voit plus du tout dans Spirou, c’est dommage.

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          • Répondu par Oncle Francois le 7 mai 2015 à  12:38 :

            Bien d’accord avec vous. Il prend sa revanche sur le scénario du Spirou refusé par les éditions Dupuis de la grande époque, qui fut reconverti par la suite en album de Lapinot chez Dargaud.

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            • Répondu par Vincent le 7 mai 2015 à  22:04 :

              Il s’était surtout fait virer par Tinlot après quelques gags de Richard Mamouth, il avait dû en garder rancoeur. L’accélérateur atomique est un de ses pires albums (avec les Monstrueux).

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  • "Dans la première moitié du récit, les événements se suivent sans fil rouge, et on attend impatiemment que l’aventure commence, car c’est bien ce genre narratif qui caractérise Spirou et Fantasio... le récit se construit donc principalement autour des personnages, une tendance moderne qui tourne un peu à vide."

    Je suis TOTALEMENT d’accord avec ce passage. Je suis arrivé jusqu’à la fin de l’album... en attendant que ça commence.
    Et côté dessins, je n’ai rien trouvé de superbe sinon quelques angles intéressants pour certaines cases.
    Déçu par cet album, je plains ceux qui le lisent sans même avoir les références aux albums de FRANQUIN et qui ne doivent pas tout saisir. Je m’attendais à mieux avec MAKYO au scénario.

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  • Précisons d’abord que je ne suis pas fan de la collection "un spirou par". Même si je dois reconnaître que certains albums sont réussis comme celui de Bravo, je ne comprends pas cette collection qui n’apporte rien au personnage de spirou et au contraire rend trouble sa personnalité. Autant on peut trouver un suivi dans le caractère de Spirou et Fantasio dans la série principale et ce malgré les différents repreneurs, autant cette collection montre ce qu’on peut faire de plus mauvais en interprétation de personnage.
    Je ne reconnais dans les 2 personnages de cet album, ni Fantasio, ni Spirou. Les caractères ne correspondent pas, les idéaux et surtout l’abnégation de ces deux personnages sont remplacés par des personnages imbus de leur personne, faux jetons et peu fiables. L’histoire quand à elle est médiocre, réutilisant quelques personnages d’anciens albums pour les réaliser une intrigue des plus inintéressante.
    Que veulent montrer les auteur ? De la jalousie ? Une critique du monde du spectacle ? Je ne sais pas. Tout ce que je constate c’est que Spirou et Fantasio n’étaient pas les bons personnages pour cette histoire.
    Il est navrant d’abimer des personnages au grand coeur pour en faire de médiocres petits personnages.
    Quand au dessin, je ne vais pas insister car toute critique est souvent suivi d’une levé de bouclier ici. Personellement je n’aime pas. Les attitudes des personnages sont trop campées,caricaturales comme si les lecteurs risqueaient de ne pas comprendre ce qui se déroule.
    Un album qui ne mérite pas le titre de Spirou et qui serait passé inaperçu si les personnages avaient été créés de toute pièce.

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    • Répondu par Liaan le 7 mai 2015 à  21:11 :

      Entièrement d’accord avec vous.
      (surtout, ne critiquons pas le dessin, oulah-lah-lah, c’est de la bonne bande dessinée, très actuelle, très tendance, "nouvelle et intéressante", oh que oui, mais chut, je n’ai rien dit).

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      • Répondu par pascal le 9 mai 2015 à  13:22 :

        Cet album que j’ai lu par épisodes dans Spirou est simplement raté. Pardon, pas raté, complètement raté !
        Et pourtant, j’aime cette collection "Spirou vu par...".
        Grosse déception...

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