Nous sommes à Cologne, Allemagne, en 1980. Le jeune Benedikt Taschen était passionné de bande dessinée depuis son plus jeune âge et complétait sa collection en faisant du commerce en chambre. Là, il va avoir 19 ans et décide d’ouvrir une boutique spécialisée de BD de 25m² dans le centre de la ville rhénane. À voir sa première façade, très punk, on sent qu’il est à l’unisson avec les tendances de l’époque qui mêlent une forte influence de l’Undergound, du fantastique et de la SF venus des USA, et de ses répliques françaises : Charlie Mensuel, L’Écho des Savanes et Métal Hurlant.
Dans la boutique de Benedikt, on trouve aussi bien les albums de la BD belge classique que les œuvres de Walt Disney, les revues Métal et (A Suivre), les albums de Losfeld (en solde…), les premiers titres des Humanoïdes Associés, quelques Futuropolis ou les Atomium de Magic Strip…
Le jeune libraire ne tarde pas à devenir éditeur : il publie Sally Ford de Wallace Wood, le Spirit de Will Eisner (1980) ou encore Vers la Ligne claire de Ted Benoît (1982). Pressé, il caresse un moment l’idée de s’associer avec Magic Strip, la maison des jumeaux de la Place Rouppe, mais quand le directeur commercial de la maison allemande, Ludwig Könemann (le futur éditeur bien connu…), leur expliqua leur méthode de vente : bamboche dans des hôtels de luxe et bons de commande arrosés au champagne, les éditeurs bruxellois prirent peur…
Pour Benedikt Taschen, les choses s’accélèrent bientôt. Ayant découvert le secteur compliqué du livre d’art, dont il rachète et revend les albums soldés, il comprend que la vérité de ce marché est dans les albums luxueux proposés à tout petit prix. Pour cela, il faut monter des coéditions internationales et éditer principalement en anglais. Magritte, Dali, Picasso, Escher, Gaudi, Van Gogh… signent ses premiers succès. Avec son mobil home bourré de livres, il sillonne l’Allemagne et bientôt l’Europe.
De grands noms commencent à lui faire confiance : le photographe Helmut Newton, le couturier Karl Lagerfed, le designer Philippe Starck, le peintre H. R. Giger, le cinéaste Billy Wilder, le plasticien Christo, les Rolling Stones, David Hockney, le 14e Dalaï Lama… Les beaux-livres se succèdent à des prix défiant toute concurrence.
À coup de millions d’albums vendus, Taschen devient le roi du livre d’art et ouvre des stores dans la monde entier : de Berlin à Madrid, de Beverly Hills à Milan, de Paris à Tokyo. En même temps, il devient l’un des collectionneurs les plus en vue de l’art contemporain et s’installe en Californie. Les plus grands artistes de la photo, de la peinture contemporaine, de l’illustration et plus généralement de l’art visuel jusque dans ses expressions les plus populaires, défilent dans le catalogue.
Mais Benedikt Taschen n’en oublie pas la BD. Dans son bureau trône encore le Donald en bronze qui décorait sa boutique dans les années 1980. Il a réalisé les plus belles éditions de Little Nemo, de Disney, des monographies somptueuses sur DC Comics, sur les comics Marvel, sur le Fantasy Art,… Ou comment faire passer le Low Art au rang des beaux-arts. La maison est aujourd’hui administrée en complicité avec sa fille Marlène Taschen. Un parcours exemplaire.
Voir en ligne : LE SITE DES ÉDITIONS TASCHEN
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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