Passons la récupération politique de Raoul Vaneigem en préface, c’est de bonne guerre après tout : les branches de l’opportunisme sont là pour s’y raccrocher et la corde qui doit pendre les bourgeois doit leur être vendue.
Oublions la postface de Pacôme Thiellement, tentative de naturalisation de la pensée harakirienne assoiffée de reconnaissance universitaire qui n’apporte rien si ce n’est de faire la leçon aux jeunes idiots incapables de manier Wikipédia et de fouiller dans les bonnes librairies, et examinons cet album de Gébé, présenté à nous entre ces deux béquilles.
Nous sommes dans la fine pochade qui, sous ses airs de farce mouchetée, distille une poésie subversive qui ne se laisse jamais figer dans le glacis du jargon politique.
C’est l’époque où, en coulisse, vieux et jeunes communistes s’égorgent au nom de la dictature du prolétariat tout en engrangeant les bénéfices de Pif Gadget, vocable qui trahit son abdication à l’abjection consumériste.
Même l’esprit Charlie est à sa fin. Le titre est racheté en 1981 par Georges Dargaud de Neuilly, fusionnant ensuite avec Pilote Mensuel. Choron squatte avec subtilité des locaux en indivision rue des 3 portes et son porte-cigarette porte encore le feu ; Dionnet repousse avec vaillance ses traites de fin de mois auprès de ses imprimeurs tout en faisant le plus beau journal de SF du monde ; (À Suivre) ambitionne de devenir la NRF de la bande dessinée... La BD subversive sent le sapin.
Arrive le recueil de Tout s’allume (pré-publié dans Politique-hebdo en 1970) que l’on redécouvre aujourd’hui comme une œuvre "essentielle", "visionnaire". À l’époque, elle ne l’était pas. Mais elle peut l’être aujourd’hui : avant que les Surréalistes ne les sanctifient en "poètes maudits", Lautréamont était un écrivain pour initiés et Rimbaud un grand littérateur catholique typiquement ardennais...
Notre époque est en recherche de sens. Gébé peut encore faire œuvre utile...
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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