J’aime bien les collectionneurs. Ce sont en général des passionnés qui connaissent parfaitement leur sujet. Leur conversation est toujours enrichissante et passionnante. Ce sont les vrais conservateurs du patrimoine à l’heure où les musées voient leurs budgets baisser d’année en année, j’en connais qui possèdent des trésors qui, d’ailleurs, sont souvent prêtés pour des expositions.
Pour un collectionneur de BD, le Graal est de posséder un original. Oh, pas forcément la pièce à 100 000 €, mais la curiosité chinée Dieu sait où. Un collectionneur est toujours fier de ses acquisitions, pour la pièce elle-même, sa spécificité, son originalité, sa valeur, mais aussi de l’histoire, parfois romanesque, de son acquisition.
Il y a autant de collectionneurs qu’il y a de collections : untel ne collectionnera que les dessins d’avions ou de bateaux, un autre des dessins coquins, un autre des pièces d’histoire. Car un original porte toujours des traces de sa publication : au verso, il est courant d’y voir les directives données au photograveur ou à l’imprimeur : le format de publication et la référence du numéro dans lequel la planche est parue. Ce sont des marques d’authenticité.
Des prix très divers
Le prix ? Il est variable. Dans la dernière exposition « Curiosities » de Benjamin Lacombe à la galerie Maghen (jusqu’au 12 janvier 2019), les prix allaient de 200€ pour un petit dessin au trait à 40 000€ pour une « grande machine ». C’est énorme, oui, mais il y a des gens qui peuvent se le permettre. Cette dernière vente a atteint 260 000€ la première semaine, et ce n’est pas un record. Car l’achat d’une planche peut être un bon investissement : entre les années 1990 et aujourd’hui, la cote de certains artistes a été multipliée par 30. Mais acheter un original pour spéculer est sans doute la pire façon de faire : Il faut collectionner avec le cœur.
Moi j’aime aller régulièrement sur des sites comme Catawiki ou Ebay, comme cela, par curiosité. Je suis souvent surpris d’y voir des originaux vendus à vil prix. Pas plus tard qu’aujourd’hui, je vois sur Ebay cette planche de Roger Melliès (1901-1969), l’auteur de Tex Bill, le Texas Ranger, l’aviateur Toni Cyclone et l’aventurier Luc Hardy qu’il dessina pendant des années pour les éditions Artima, cet éditeur de fascicules populaires de format poche. C’est une encre de chine sur carton souple de format 16 x 23 cm qui raconte les aventures de Biggles, le fameux héros du Captain W.E. Johns : Biggles en danger (1966). Le prix ? 13€. Ce pourrait être un faux à ce prix-là ? Oui, il faut se méfier. Mais nous sommes ici face à un dessinateur méconnu (mais pas inconnu), sans véritable cote. À ce prix-là, un faux n’est pas rentable.
Plus loin, je vais trouver une gouache originale des Studios Disney, en couleurs, pour 190€. Il s’agit d’un de ces albums jeunesse faits à la chaîne pour le compte de la maison de Burbank, Les Découvertes de Daisy (1986). Idéal pour décorer une chambre d’enfant. Et c’est un original !
Sur Catawiki, une maison qui fait des enchères en ligne, je vois ce beau dessin de Spirou par Munuera (en médaillon). Il est certifié par les experts du site. Son prix : 90€. Mais attention, il s’agit ici d’un site d’enchères. Le prix peut s’envoler, ou pas. Il reste quatre jours pour enchérir et en général, c’est dans les dernières heures que cela se dispute vraiment. À cela, il faut ajouter 9% de frais et les frais d’envoi.
Plus loin, je trouve, dans les mêmes conditions, une planche du Signor Spaghetti de Dino Attanasio à 72€, une belle gouache de Funcken avec un soldat allemand lisant la revue de propagande Signal (1974) à 185€, une sympathique planche des Foot Furieux du dessinateur turc vivant en Belgique Gurcan Gürsel à 30€. Idéal pour un amateur de foot. Il n’est pas rare que sur ces sites, ce soient les auteurs eux-mêmes qui mettent leurs œuvres en vente. C’est devenu partie intégrante de leur modèle économique.
Le tour des galeries
Une fois que vous aurez pris goût à ces vagabondages sur le Net, allez voir des galeristes qui sont parfois aussi des libraires. Ils sont votre meilleure université. Faites-vous raconter la technique, la valeur, l’intérêt artistique de tel ou tel artiste. Le plus souvent, vous pourrez les rencontrer, ces artistes, lors des vernissages et là vous découvrirez qu’au-delà du plaisir de la lecture d’un album, on peut y capter d’autres regards, d’autres histoires qui nous racontent le mystère de la création.
L’année prochaine, nous irons à leur rencontre.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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