Après deux années sous le signe de la Nouvelle Bande Dessinée [1], le Festival d’Angoulême récompense un auteur en dehors des courants et des modes. Baru (Hervé Baruléa) est le nouveau Grand Prix de la Ville d’Angoulême. Il présidera l’édition 2011.
Né en 1947, Baru débute en 1982 dans les pages de Pilote. Venu tard à la bande dessinée, cet ancien professeur d’éducation physique qui a grandi dans une famille biculturelle de l’est de la France (sa mère est bretonne, son père italien), a trouvé dans cet ancrage social le terreau de ses histoires. Quand il commence à écrire ses bandes dessinées c’est pour « prendre publiquement la parole sur la manière dont va le monde », cela donne Quéquette Blues , première histoire consacrée à son adolescence à Villerupt.
Depuis, Baru trace ses histoires pour donner aux siens, au milieu modeste, le beau rôle : le premier. Ce n’est pas une histoire de vengeance, c’est une histoire de dignité. De Quéquette Blues aux Années Spoutniks, Baru fait de cette classe populaire dont il est originaire un personnage de roman à part entière.
En presque trente ans de carrière il a publié une quinzaine d’albums et, fait extrêmement rare, a reçu deux fois le prix du meilleur album à Angoulême : en 1991 pour Le Chemin de l’Amérique et en 1996 pour l’Autoroute du Soleil.
Récemment, il a signé L’Enragé , grandeur et décadence d’un boxeur en deux albums, publié par Dupuis entre 2004 et 2006. En 2008, Baru a adapté pour la collection Casterman / Rivages / Noir le roman Pauvres Zhéros de Pierre Pelot.
Le déclic en lisant Reiser
Au début des années 1970, Baru prend Reiser en pleine tronche. Lui qui a choisi d’enseigner, cherche encore un moyen de prendre la parole publiquement. L’iconoclaste Reiser lui ouvre la voie. En 1975, il crée avec Jacques Pierre et Daniel Ledran [2] Le Téméraire, journal satirique fortement influencé par Hara Kiri et Charlie Hebdo.
« Je dois à Reiser la formidable révélation de la puissance des images à mettre en scène le monde pour lui faire cracher sa vérité en flinguant tout ce qui fait écran. Pan sur la laideur, pan sur la bêtise, l’hypocrisie, les snobs, l’arrogance, la mesquinerie, (…) Reiser était à cette bande dessinée là, ce que Hendrix était à la Stratocaster : après eux plus rien ne pousse » [3]
En 1972-73, il passe deux années en Algérie pour son service militaire. L’indépendance algérienne sera le sujet du Chemin de l’Amérique qu’il réalisera plus tard avec Jean-Marc Thévenet.
Dans les années 1980, Baru trace sa route, il débute Quéquette Blues, publie deux albums chez Futuropolis, avant de jeter les bases de son road movie dessinée avec Cours Camarade, dont il reprendra la trame dans L’Autoroute du Soleil, réalisé en 1994 pour l’éditeur japonais Kodansha.
De 1999 à 2003, il revient sur son enfance avec Les Années Spoutnik, récit tendre sur une époque où Villerupt était la Moscou des pays lorrains.
Baru travaille en ce moment à la réalisation d’une saga familiale sur l’immigration italienne qui s’appellera Bella Ciao, et devrait être publiée chez Futuropolis à la fin de l’année.
Un auteur unanimement reconnu par ses pairs
Cette année, le festival avait projeté le documentaire de Jean-Luc Muller intitulé Génération Baru. On pouvait y entendre ô combien l’auteur lorrain inspire le respect à ses pairs. Après José Munoz en 2007, voici récompensé une personnalité révélée dans les années 80 et sans égale dans le paysage de la bande dessinée.
L’édition 2011 du Festival d’Angoulême s’annonce populaire et rock’n’roll. On ne s’en plaindra pas.
(par Morgan Di Salvia)
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En médaillon : Baru © Didier Pasamonik
Baru, sur ActuaBD, ce sont aussi des chroniques, des entretiens et des actualités :
> Les Années Spoutniks T4
> Noir
>"Mon but est de raconter les gens face à l’histoire qui avance" (entretien en mars 2007)
> "Les Français ont oublié que des crises comparables se sont déjà déroulées précédemment " (entretien en mai 2006)
> Charleroi, ville populo, expose Baru
> Génération Baru, un documentaire de Jean-Luc Muller
[1] les présidences successives de Dupuy & Berberian et Blutch
[2] le coloriste de la plupart de ses albums.
[3] Cité dans Jeux d’Influence, Editions P.L.G., Montrouge, France, 2001
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