Captifs des glaces - Par Clément Baloup et Hugo Stephan - Steinkis

Au XIXe siècle, l’Arctique reste un territoire vaste inexploré, objet des nombreuses ambitions : commerciales (ouverture d’une nouvelle route maritime), financières (jackpot assurée pour les mécènes), symboliques (prestige que génère la découverte de terres inviolées).

Pourtant, en 330 avant Jésus-Christ, un navigateur marseillais dénommé Pythéas était parvenu à rallier une terre qu’on appelle aujourd’hui l’Islande ; là, il découvre les aurores boréales et le piège que constitue la glace pour les marins. À son retour, il relate ses aventures mais, à défaut de témoins, il est considéré comme un mythomane et mourra complètement discrédité. C’est par le rapide récit de ce pionnier que s’ouvre cet ouvrage.

Près de 2 200 ans plus tard, l’Antarctique n’est pas davantage connu, car personne n’est parvenu à franchir la ceinture de glace, malgré les tentatives de quelques expéditions. Il faut dire que ces dernières sont coûteuses, en ressources et en hommes. À la fin des années 1870, James Bennett, propriétaire du New York Herald, finance une expédition polaire : il a été convaincu par August Pertermann, un cartographe allemand, qu’il est possible d’atteindre le Pôle Nord via l’océan Pacifique : il y aurait, via le détroit de Béring, un courant tempéré par lequel échapper aux glaces...

De 1879 à 1881, l’USS Jeannette, commandée par George De Long, avec pour ingénieur George Melville, part vers le grand Nord. Voilà l’équipage de 33 hommes parti pour une grande aventure... dont seuls 13 d’entre eux rentreront vivants... Bloquée par les glaces au niveau du 77e parallèle, la Jeannette finit par céder... Débute alors tout une lutte pour survivre.

Cette incroyable aventure aborde plusieurs thématiques : la nature humaine face aux éléments, sa prétention à les dompter... À une époque où les progrès scientifiques et technologiques laissent croire que l’humanité peut affronter et vaincre les obstacles de la nature, cet échec la rappelle à sa modeste condition, surtout faite, dans l’adversité, de réflexes primitifs, mais aussi de gestes de solidarité.

Ce livre, documenté et scénarisé par Clément Baloup, complété par les commentaires de Vincent Piolet, universitaire, exhume une histoire oubliée. Cela donne un récit rythmé par un découpage efficace ; on regrettera seulement quelques transitions trop rapides. Côté graphisme, Hugo Stephan restitue la froideur du climat par un bleu glacial, tandis que la monochromie s’exprime autrement selon que les scènes se situent en intérieur, dans le passé, au cours de discussions scientifiques et stratégiques, ou au moment de l’épilogue.