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Le Choc du printemps !

Par Charles-Louis Detournay le 28 avril 2016                      Lien  
Après avoir secoué 2014, Choc revient aussi fort. Ce printemps 2016 marque son retour dans un deuxième tome très attendu. Et le résultat dépasse les attentes, autant scénaristiquement que graphiquement.
Certainement un des meilleurs albums de ce début d'année !

Dans notre premier article consacré à Choc, nous vous rappelions que le personnage est apparu en 1955 dans Tif & Tondu contre la main blanche, une organisation criminelle dirigée par le mystérieux malfaiteur casqué. Ce personnage somptueusement campé en heaume et Tuxedo par Will (alias Willy Maltaite), Maurice Rosy, marquait durablement la série pendant douze épisodes, avant que Tillieux ne la reprenne pour dix volumes.

Lorsque Rosy quitte Dupuis en 1968, il conserve son personnage et Choc s’éclipse, non sans faire une brève apparition dans Traitement de choc, grâce à Desberg qui convainc Rosy de lui prêter le personnage. Était-ce la fin des aventures de ce chef de bande au profil élancé, et dont on ne savait finalement presque rien ? Non, depuis toujours, Éric Maltaite, le fils de Will, considérait que Choc était la figure emblématique de la série Tif & Tondu. Will, qui avait laissé tomber ces personnages, avait conservé celui-ci. Et en accord avec Rosy, il caressait l’idée de le voir vivre des aventures indépendamment des deux héros, et qu’elles soient dessinées par son fils.

Nous en avons découvert la concrétisation il y a deux ans, Éric Maltaite s’étant adressé à Stephan Colman, son vieux complice de toujours ! Le succès était d’ailleurs au rendez-vous, autant public que critique, car ce premier tome fut couronné en 2014 du prix du meilleur one-shot au festival polar de Cognac, du prix St-Michel du meilleur scénario, de l’album étranger de l’année au Stripschappenning (Pays-Bas) et du prix BD des Lycées de Poitou-Charentes au FIBD d’Angoulême en 2015.

Le Choc du printemps !
Les deux tomes de "Choc - Les Fantômes de Knightgrave" sont également publiés dans un tirage limité, rehaussée d’une jaquette ainsi qu’un exlibris encarté et signé par Eric Maltaite.
La couverture du premier tome.

Un deuxième tome qui dépasse les attentes

La barre était placée si haut avec ce premier récit, qu’on espérait que le niveau se maintienne dans la seconde partie de ce diptyque. Mais Colman & Maltaite se transcendent littéralement ! Après une longue séquence d’introduction parfaitement maîtrisée, on retrouve d’un côté le jeune Eden qui s’est échappé de sa maison de redressement, de l’autre un Choc toujours aussi conquérant dans des coups de plus en plus fumants. Sans oublier les détectives du Yard qui se sont lancés à sa poursuite.

Cette explication vous paraît confuse ? Il n’en est heureusement rien à la lecture, car si les séquences s’enchaînent sans laisser la place au moindre temps mort, le lecteur rebondit d’une époque à l’autre, passionné par le récit haletant concocté par Stéphane Colman. Ce dernier fait confiance à la maturité du public pour imaginer une construction des plus audacieuses ! « La seule personne que je dois tenir en haleine avant Eric [Maltaite], c’est moi, nous confie-t-il. « Pensez à votre propre vie, le passé se mêle toujours au présent. »

Un équilibre savamment maîtrisé

Chaque page apporte donc son lot d’informations : la résolution d’une rencontre précédente, l’installation d’une ambiance, des indices pour une prochaine séquence, ou encore une grande scène d’action ! Les auteurs parviennent à tisser un lien très fort entre Eden et le lecteur en présentant également des séquences d’émotion ou d’empathie. Puis juste après, ils rappellent que Choc est capable de tuer des victimes innocentes, dont des enfants, pour parvenir à ses fins.

Et c’est justement là que réside le difficile exercice d’une bande dessinée consacrée à un l’un des plus des plus célèbres "méchants" du neuvième art : le rendre à la fois attachant et humain pour que le lecteur prenne du plaisir à suivre son cheminement, sans pour autant le détourner de sa véritable nature. Colman détaille donc la psychologie du jeune Eden : un cordon maternel arraché trop tôt et dans la douleur, les épreuves, la douleur, les trahisons, l’injustice, etc. Page par page, on comprend petit à petit comment s’est (dé)formée la personnalité de Choc.

« À la base, à part certains psychopathes malgré eux, personne n’est mauvais, nous explique Stephan Colman. Les évènements de la vie font de nous ce que nous sommes. Eden est ce qu’il est et je n’empêche nullement aux lecteurs d’imaginer ce qu’ils veulent penser ou ressentir. Je n’aime pas qu’un personnage soit blanc ou noir. Les agissements de Choc, peut-être lui, ne sont en rien liés au bouleversements de son époque. Il agit pour lui-même, guidé par ses fantômes. »

Pour renforcer la crédibilité de leur personnage de papier, Colman et Maltaite se démènent afin de contextualiser leur propos : le scénariste ne se focalise pas uniquement sur les relations entre les personnages, mais intègre la montée du fascisme et les tensions sociales en Angleterre. Quant au dessinateur, il utilise chaque planche pour multiplier les éléments d’époque, non sans maintenir une très grande lisibilité.

Un ton mordant mais également humoristique

Il serait impossible de maintenir une tension aussi forte au long de 86 pages. Les auteurs jouent alors sur plusieurs tableaux, en développant par exemple un intérêt pour les détectives de Scotland Yard qui poursuivent Choc. Colman les utilise notamment pour introduire un journal intime, mais également pour souligner l’esprit sarcastique de Choc. Il prend surtout un plaisir très communicatif à les mettre en scène, leur imaginant une vraie vie et des caractéristiques telles que celle d’écraser les petits animaux. Sans devenir les véritables héros du récit, ces deux policiers prennent progressivement une réelle place, profitant surtout des savoureuses répliques concoctées par Colman !

« Heureusement, la plupart des gens qui peuplent notre belle planète ne sont pas tous des Monsieur Choc nous confie Stephan Colman. Dawson et Fixchusset représentent un monde qui s’interroge. Et se poser des questions est toujours utile. J’aime alterner les séquences dures avec des moments plus savoureux. Je pense que c’est aussi relaxant pour le lecteur que pour moi. Je n’oublie pas Eric, formidable dessinateur. »

Oh non, impossible d’oublier Eric Maltaite, qui gagne par ce deuxième tome (si c’était encore nécessaire) ses galons de très grand dessinateur réaliste. Profitant du découpage de Colman, il installe une réelle atmosphère dans chaque séquence, fignolant les expressions des visages, sans oublier leurs attitudes, ce qui est particulièrement important pour le héros masqué. Eric Maltaite atteint des sommets dans la représentation des bas-fonds de Londres, mais également dans le mobilier du style Atome qu’on peut retrouver chez le Choc adulte. On ne se lasse pas de revenir en arrière pour profiter pleinement de chaque page.

Finalement, la seule appréhension que l’on ressent à la lecture de ce second tome, c’est de comprendre comment les deux auteurs vont parvenir à renouer les différents fils avant la conclusion de l’album ?! La libération arrive à la fin du récit, lorsqu’on comprend que ce diptyque s’est finalement transformé en trilogie. De quoi s’enthousiasmer à la perspective d’un futur troisième et dernier opus du bandit casqué. Car Choc en bande dessinée, c’est la grande classe.

(par Charles-Louis Detournay)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Lire également notre interview d’Éric Maltaite : « La violence doit être montrée, pour peu que cela serve le récit, et sans en faire l’apologie. »

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Sur le même sujet, lire également sur ActuaBD :
- notre Une consacrée au premier volet de cette série Un sacré Choc ! ains que le début de sa prépublication : Spirou, sous le Choc !
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- et cette incroyable information : Monsieur Choc revient sous la forme de comics
- Nationale zéro - Par Maltaite et Janssens - Éditions Bamboo
- Zambada - T4 : « Double Jeu » - Par Autheman & Maltaite - Glénat

Ainsi que deux interviews de Stephan Colman :
- « Franquin était dans le bureau d’à côté » (nov 2004)
- « Scénariser le marsupilami n’est pas une chose facile » (Juin 2010)

 
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