Tout commence par une excellente idée. Profane mais amateur de vin, Étienne Davodeau propose à Richard Leroy, un de ses amis vignerons, de le suivre durant plusieurs mois pour comprendre son métier. En échange, le dessinateur lui propose de l’initier à la bande dessinée. Une poignée de main plus tard, le projet est lancé.
Depuis Rural !, on sait que Davodeau est un homme doué pour le reportage en bande dessinée. Il n’est certainement pas exagéré de dire qu’il fait partie des francophones qui ont donné leurs lettres de noblesse à ce genre inventé par les anglo-saxons. Avec le souci de s’adresser en permanence au plus grand nombre, Davodeau investit le terrain de son sujet d’étude et en décrypte les us et coutumes.
Au fil de cette initiation, on sent que l’auteur se laisse porter par son sujet et improvise la trame du bouquin. Avec la découverte comme boussole, Davodeau et Leroy s’échangent leurs savoir-faire et prennent à tour de rôle le gouvernail du livre. Personnages entiers et passionnés, ils trouvent des similitudes dans l’approche artisanale de leur métier.
Ce parcours croisé donne également l’occasion à Davodeau de faire le point sur les bandes dessinées qu’il aime et de présenter des auteurs, des éditeurs et même des imprimeurs à son ami.
Le lecteur a ainsi droit à des visites chez Jean-Pierre Gibrat, chez Marc-Antoine Mathieu, chez Emmanuel Guibert, au festival Quai des Bulles, aux Rencontres BD à Bastia, à l’imprimerie Lesaffre, ...
C’est une approche pédagogique d’autant plus intéressante, qu’elle oblige les professionnels du livre à se reposer des questions fondamentales pour répondre aux interrogations du vigneron. Avec la fraîcheur d’un lecteur néophyte, Richard commente ses découvertes : perplexe devant Moebius, touché par le travail de Dominique Goblet,...
Sans s’encombrer d’un encombrant bagage de bédéphile, le sympathique "ignorant" renvoie le lecteur à ses propres premiers émois. La boucle est bouclée au moment où Leroy rencontre d’autres "personnages de BD vivants" : les médecins du Photographe [1], reconvertis... dans le vin !
Les Ignorants est un livre généreux. L’enthousiasme et l’appétit de ses deux principaux protagonistes est communicatif. Comme dans ses précédents reportages, Étienne Davodeau réussit à donner un point de vue global sur un sujet précis. En refermant le livre, on n’aura qu’un bémol : l’usage répété du qualificatif "états-unien", horriblement pédant, alors que le livre ne l’est pas le moins du monde. Mise à part cette remarque grammaticale, il faut saluer Les Ignorants, le genre d’ouvrage qui fait aimer la bande dessinée.
(par Morgan Di Salvia)
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Lire l’entretien qu’Étienne Davodeau a accordé à Thierry Lemaire à propos de ce projet.
A propos d’Étienne Davodeau, sur ActuaBD :
> Rural !
[1] La trilogie afghane de Guibert, Lefèvre et Lemercier parue dans la collection Aire Libre de Dupuis
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