Les yeux d’or - Par Lucie Quéméner - Ed. Delcourt

Par Louise Ageorges le 12 janvier 2024

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Les yeux d'or - Par Lucie Quéméner - Ed. Delcourt

Après Le baume du tigre, paru en 2021, Lucie Quéméner est de nouveau en course au festival d'Angoulême, mais cette fois dans la sélection jeunesse, avec Les yeux d’or, un roman graphique librement inspiré du roman éponyme de Marie Desplechin. La journaliste et célèbre romancière a notamment été lauréate de la Grande Ourse et de la presse jeunesse de Montreuil en 2021 pour l’ensemble de son œuvre. Avec cette interprétation, Lucie Quéméner revient chez Delcourt avec un roman graphique sublime dans la forme, mais inégal sur le fond.

Paru en 2008 aux éditions l’Ecole des loisirs, le roman de Marie Desplechin partage un certain nombre de similitudes avec l’œuvre de notre autrice, mais dans l’inspiration de Lucie Quéméner, le petit garçon laisse sa place à une petite fille du nom de Violette. Délaissée par un père qui travaille trop, notre héroïne se prend d’amitié pour l’une de ses baby-sitters, Edmée. La jeune femme, timide et mystérieuse, travaille pour le père de sa jeune protégée. Opticienne astronome de profession, cette dernière semble toujours vivre la tête dans les étoiles, mais lorsqu’elle rencontre notre jeune héroïne, un retour sur terre s’impose. Avide de découverte, Violette trouve en Edmée cette source d’évasion qui lui a tant manqué, difficile alors pour la jeune femme de contenir toute cette énergie.

Les yeux d'or - Par Lucie Quéméner - Ed. Delcourt

On ne peut que comprendre l’attachement que porte Edmée à sa jeune admiratrice. Intrépide, curieuse, Violette est une petite fille touchante et pleine de volonté. Lucie Quéméner parvient à faire passer un grand nombre d’émotions chez son héroïne, tantôt triste de la disparition de sa mère, tantôt en colère contre son père ou enjouée par les perspectives de cette nouvelle amitié. Violette vit ce débordement que l’on prête aux enfants, mais se retrouve vite confrontée aux réalités de son âge.

L’univers de Marie Desplechin est sublimé par les illustrations de notre autrice. Tout en nuances de bleu, rose et jaune pastelle, le dessin de Lucie Quéméner est d’une grande douceur. Les visages, d’apparence simplistes, donnent aux personnages des allures quasi-extraterrestres ; à l’image de ses paysages où l’obscurité et la lumière se mêlent, formant une petite galaxie. Il se dégage de cette identité visuelle une harmonie que l’on projette facilement sur l’amitié qui relie nos deux héroïnes.

Les yeux d’or semblent parfois tant imprégnés d’intimité que l’on oublierait presque le scénario qui le porte. Est-ce parce que Lucie Quéméner dit se reconnaître en Violette qu’il se dégage des personnages une pudeur, une distance, nous laissant parfois, nous lecteurs, en dehors de l’histoire ? Certains rebondissements tombent à plat face à l’implication individuelle de notre personnage principal, livrant malheureusement un récit inégal et distancié.

Les yeux d’or est une bd imprégnée de poésie. Philosophique, parfois écologique, l’histoire repose sur la richesse du lien intergénérationnel qui relie Edmée et Violette ; sur cette transmission de savoir, de ressenti dont elles se nourrissent mutuellement. L’autrice parvient à mettre en images des notions et émotions difficilement abordables avec le jeune public : l’amour, le deuil, la colère, la tristesse. Cependant, certaines mises en scène trop symboliques tendent à complexifier le récit et sa compréhension.

Avec Les yeux d’or, Lucie Quéméner signe un deuxième ouvrage d’une grande beauté. Réinventée, l’histoire de Marie Desplechin prend une dimension nouvelle, plus intime et spirituelle. Malheureusement, la beauté de l’illustration ne peut éclipser un récit inégal et sans doute trop complexe pour son lectorat.

(par Louise Ageorges)

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