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Slava T. 2, Les nouveaux russes - Par Pierre-Henry Gomont - Ed. Dargaud

Par Philippe LEBAS le 12 janvier 2024                      Lien  
Après un premier tome prometteur, P-H Gomont nous livre le deuxième tome de Slava, sa trilogie virevoltante consacrée à la Russie des années 1990. Et c'est à nouveau une pleine réussite, ce qui n'a pas échappé au festival d'Angoulême qui a eu le bon goût de retenir dans sa sélection officielle Les nouveaux russes.

A la fin du premier tome, P-H Gomont avait laissé le duo improbable Dimitri Lavrine/Slava Segalov suivre des chemins différents. Dans la Russie post-soviétique, en proie à une désintégration, à une désindustrialisation et à la fameuse thérapie de choc entreprise par Eltsine, des nouvelles richesses sont à portée de main. Lavrine, escroc par conviction, s’y est d’ailleurs brûlé quelques doigts. Mais il va savoir saisir l’occasion de revenir au premier plan via l’achat des fameux vouchers, ces bons de privatisation vendus à un prix modique et qui pouvaient être échangés contre des actions d’entreprises, mais dans lesquels les Russes n’ont guère cru.

Slava T. 2, Les nouveaux russes - Par Pierre-Henry Gomont - Ed. Dargaud

Slava, quant à lui, file le parfait amour avec Nina, et s’affaire à relancer l’activité dans une mine, ce à quoi ses études artistiques ne le prédestinaient pourtant guère.
C’est dans cette période pour le moins troublée, et difficile à saisir, tout en étant si fondamentale pour comprendre la Russie actuelle [1], que nous plonge à nouveau P-H Gomont avec sa maestria habituelle.

Il nous permet de mieux comprendre le passage du communisme au capitalisme le plus débridé, ouvrant la voie aux oligarques (même si Laurine et Slava ne sont pas encore à ce niveau). On peut par exemple penser à l’ascension d’un Abramovitch, parti quasi de rien et qui profita de la privatisation de fleurons industriels dans le domaine des hydrocarbures (il fut même accusé d’avoir détourné un train rempli de citernes d’essence ; on se croirait en plein far west sauce russe, une sorte "d’eastern" où la réalité dépasse la fiction).

Le dessin et les textes collent parfaitement à l’atmosphère rocambolesque de cette époque (un peu à la façon de Boucq et Junker traitant du coup d’Etat du 13 mai 1958 dans Un général des généraux). Le dessin est aussi élastique que le fut cette période. Les dialogues sont au diapason, parfaitement ciselés, drôles le plus souvent. P-H Gomont aime les mots, en joue, impliquant aussi son lecteur.

Il sait également remplacer les mots par des dessins en guise de dialogue, comme cela n’est possible que dans ce medium. Un ensemble diablement efficace.

Cette réussite vient s’ajouter à ses autres succès, de Pereira prétend à La fuite du cerveau en passant par Malaterre, qui ont su réunir critiques et lectorat.

On ressort ravi, et mieux informé [2], de la lecture de ce trépidant ouvrage, dont on n’attend dorénavant plus que la suite et donc la fin, puisqu’il s’agit d’une trilogie.

(par Philippe LEBAS)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN : emma.carpenti

[1Dans un genre plus documentaire et qui parle de la Russie actuelle, Nicolas Wild , qui a pu se rendre en Russie en tant qu’artiste, vient de sortir un très bon A quoi pensent les Russes ? (La Boîte à Bulles, 2023), une plongée passionnante dans un pays qui est très difficile à comprendre quand on vient d’Europe de l’Ouest.

[2Pour en savoir plus, la lecture des ouvrages d’Alexievitch, cités par Gomont, est vivement conseillée, notamment La Fin de l’homme rouge ou le Temps du désenchantement (Actes Sud, 2013), tout comme le récent La paix ou la guerre de Mikhaïl Chichkine (Editions Noir sur blanc, 2023).

Dargaud ✏️ Pierre-Henry Gomont 🏆 Sélection officielle Angoulême
 
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