Le « Domaine Public » concerne une propriété intellectuelle qui n’est pas protégée par le droit d’auteur. Car celui-ci a, dans nos contrées, une durée limitée : depuis le 29 octobre 1993, dans l’ensemble des pays membres de l’Union Européenne, les œuvres de l’esprit entrent dans le domaine public « 70 ans après le décès de leur auteur ou, s’il s’agit d’une œuvre de collaboration, 70 ans à compter du décès du dernier auteur survivant ».
À partir de cette date, sauf prorogation spéciale (par exemple s’il s’agit d’un auteur mort pour la patrie), il n’est plus obligatoire de demander l’autorisation aux ayants droits et chacun peut disposer librement de l’œuvre. Mais cette liberté-même a une limites : le droit moral qui impose que l’on mentionne la paternité de l’œuvre et qui interdit toute trahison manifeste de l’œuvre originale est un droit perpétuel et inaliénable. Mais on l’a vu avec l’Affaire Gaston Lagaffe, son application n’est pas si évidente.
Qu’en est-il de Mickey, alors ? Aux USA, nous ne sommes pas dans le régime du droit d’auteur mais dans celui du copyright. Au début, celui-ci était d’une durée de 28 ans. Mais par une série d’amendements habilement déposés au bon moment, la firme aux grandes oreilles a obtenu de prolonger ce délai jusqu’à, pour simplifier, 70 ans mais avec des prolongements pour chacune des versions de l’œuvre. Ainsi le Mickey de 1928 est dans le domaine public, mais pas celui de 1940, par exemple.
On a un cas un peu similaire en France avec Les Pieds Nickelés créés par Louis Forton en 1908 pour L’Épatant. Ils sont dans le domaine public puisque Forton est mort en 1934. Mais la version la plus connue de la série est celle de René Pellos qui la reprit en 1948. Or, celui-ci vécut jusqu’à 98 ans jusqu’en… 1998 ! Cela n’empêcha pas quelques éditeurs de tenter de créer de nouvelles aventures sans autre réussite que de confirmer que nos trois fripouilles étaient bien dans le Domaine Public.
Dans le cas de Disney, c’est un peu plus compliqué. Le Figaro explique bien le procédé : en intégrant le Mickey d’origine dans des logos, la firme de Burbank protège la création de Disney sous couvert du droit de la marque qui est perpétuel, tant qu’on renouvelle le brevet.
Dans le cas de Bécassine, Émile-Joseph-Porphyre Pinchon ayant posé son crayon en 1953, c’est donc en 2024 que le droit est libre. Va-t-on voir fleurir des Bretonnes tous azimuts ? C’est bien possible : elle avait été adaptée en dessins animés plutôt sympas par Philippe Vidal en 2001 et en prises de vue réelles par Denis Poladylès en 2018. C’est en tout cas un joli personnage plus que centenaire que l’on peut maintenant décliner à l’envi, version Milo Manara ou Julie Doucet. À vos crayons !
Quant au reporter à la houppe créé par Hergé, quand sera-t-il libre de droits, sac-à-papiers ? En 2054. Pour reproduire le dessin avant cette date sans l’autorisation de TintinImaginatio, c’est tintin, sauf en cas de parodie !
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
Participez à la discussion